La trentaine révolue, Adamou Hamidou est un artiste plasticien qui veut donner une seconde vie aux déchets trouvés dans les décharges et les dépotoirs de Niamey. Il ramasse également des déchets au niveau du fleuve Niger notamment des chutes de tissus, des déchets solides, des bouteilles en plastiques et des pneus usés pour les transformer en tableaux décoratifs, en personnes robots, en animaux sans vie (dinosaures, lézards, lions, phacochères …) . C’est un artiste plasticien qui a bien su tracer son chemin en se faisant tout seul et qui a atteint le sommet en représentant valablement notre pays à plusieurs expositions internationales.
A l’âge précoce déjà, précisément quand Adamou avait dix ans, il avait un penchant pour le dessin. Alors que ses amis aimaient s’amuser ou trainer dehors pendant les vacances, tôt le matin, juste après le petit déjeuner, un peu devant la maison familiale, il avait un tas de sable où il aimait s’aventurer et s’amusait à faire des dessins , à construire des cases, à faire des fleurs sur le sable lisse et bien propre. Il ne revenait à la maison vers midi ou le soleil commençait à se pointer et où il était temps de venir manger le plat de midi. Dessiner pour se divertir, après sa douzième année de vie, il collectait ainsi les bouts de tissus jetés par les tailleurs, les morceaux de fil de fer ; des pneus de vélo qu’il essaie de réutiliser pour en faire de petits objets de distraction. ‘’Dans ma collection, je tisse les objets sur des tableaux et avec un peu d’imagination, j’essaie d’en faire quelque chose d’attractif, d’attirant qui émerveille, je le peins et lui donne vie et couleur ; je fais en sorte de faire ressortir la beauté et la couleur des objets récupérés’’, a soutenu l’artiste connu sous le sobriquet de Adams.
‘’On a souvent l’impression que le recyclage est une idée nouvelle, mais même au temps de nos ancêtres, on recyclait déjà les déchets. Certains, comme nous aujourd’hui, en font même leur métier. De nos jours, nous savons recycler de plus en plus de matières qui sont ensuite réintroduites dans la fabrication de nouveaux objets ’’, a t- il dit tout joyeux.
Cela évite selon lui d’extraire des matières premières du sol et limite la quantité de déchets incinérés ou mis en décharge. Et aussi et surtout de polluer l’air. Avec tous ces objets usés ou jetés, il arrive à confectionner des tableaux, des pouffes, des tabourets, en en sculpture en bois en fer. Il expose ainsi la problématique liée à l’environnement pour une meilleure prise de conscience La couleur et la forme des objets de récupération dépendent de son inspiration. Le jeune homme de plus de 30 ans dit pouvoir vendre jusqu’à cinq tableaux lors des mois prolifiques. Les prix des œuvres de 3cm sur 5 cm varient de 15 000 à 20 000 francs CFA, voire plus, en fonction de la nature de l’œuvre.
Pour arrondir ses fins de mois, notre interlocuteur, qui a quitté les bancs en classe de terminale, fait également de l’infographie, de la soudure, des caricatures, des illustrations, des décorations et des formations, sous forme de prestations de service, depuis des années.
Aujourd’hui, ce jeune artiste se débrouille autant qu’il peut, confronté régulièrement à des problèmes financiers et de disponibilité d’un fonds de démarrage. Amoureux de cet art, Adams reconnait toutefois qu’il n’est pas aisé de transformer des déchets en œuvre d’art, cela nécessite ardemment un savoir-faire et une énergie débordante car trouver ces matières relèvent d’un véritable parcours de combattant ; il faut souvent explique t-il faire des kilomètres de marche pour trouver ces objets usés et ou utiliser la main d’œuvre pour la quête. Chose qui n’est pas aisée financièrement. Il faut parfois des semaines, voire des mois pour véritablement trouver la matière, et pour que l’inspiration soit réellement au rendez-vous. Il s’intéresse principalement aux thématiques liées à la nature et au patrimoine culturel nigérien. Adams aime ainsi faire ressortir à travers ses créations la beauté intérieure de ce que représente la moitié de l’humanité. Œuvrant à la promotion de l’image, du social et de l’environnement en tant que symbole de tout développement.
Dans ses toiles, il focalise son attention sur la pureté de la nature et essaie de représenter son aspect gai, jovial et toute en couleur joignant l’utile à l’agréable.
L’artiste Adams anime des ateliers destinés à l’art en inculquant aux enfants l’importance de préserver l’environnement. Ces nombreuses conférences et formations à travers des écoles du marché de l’art lui ont permis de conserver un lien permanent avec le milieu de l’expérimentation culturelle mais aussi d’en connaître ses attentes. Il est pétri de talent et armé d’une bonne dose de passion pour l’art, car aujourd’hui, plusieurs écoles privées font appel à lui pour des enseignements dans cet art. Un enfant sensibilisé à la nécessité de préserver l’environnement, est déjà un adulte à la cause de l’environnement. Il dirige également des formations au bénéfice des artistes plasticiens abordant les thématiques en lien avec les marchés de l’art.
Comme tout artiste, l’ambition c’est se faire connaitre et faire connaitre son pays à l’extérieur, Adams a participé aux 7èmes jeux de la francophonie à Abidjan et cette année aussi il est sélectionné par World Wood International pour représenter le Niger en sculpture du bois au Japon mais malheureusement, à cause de la crise sanitaire liée à la maladie Coronavirus, le festival a été reporté. Il appelle les artistes, les architectes, les
ingénieurs ou autres acteurs de prolonger les gestes pro environnementaux qui consistent à collecter régulièrement des déchets.
Parlant de la promotion de la créativité nigérienne de façon générale, Adams suggère d’améliorer les prestations et de faire vivre l’art autour des grands monuments au niveau d’espaces publics verts avec les talents d’artistes locaux, organiser de façon ne serait-ce que triennale des compétitions locales pour dénicher les meilleurs qui vont valablement défendre les couleurs du pays aux compétitions internationales. Faire en sorte de participer à des rencontres de partages d’expériences. Et faciliter l’accès des touristes aux lieux de vente et ou d’expositions.
Par Aïssa Abdoulaye Alfary(onep)