L’Agence Nationale de la Propriété Industrielle et de la Promotion de
I’Innovation (AN2PI), créée par la loi N°2012-25 du 02 mai 2012, est un établissement public à caractère professionnel sous la tutelle du Ministère en charge de l’Industrie. Elle est née ainsi de la volonté des autorités de promouvoir la protection de la propriété industrielle et d’encourager l’innovation technologique à travers le système des brevets ou tout simplement l’exploitation de la documentation brevets. Dans cet entretien exclusif, le Directeur Général de ladite agence, M. Yambèye Ibrahima nous parle de la mise en œuvre de la politique
nationale en la matière.
Monsieur le Directeur Général, l’AN2PI met en œuvre la politique de l’Etat en matière de propriété industrielle et de promotion de l’innovation. Voudriez-vous nous parler des mécanismes de sa mise en œuvre ?
Je vous remercie d’abord de l’intérêt que vous accordez à notre institution en me donnant l’occasion de parler de notre principale mission qu’est la mise en œuvre de la politique nationale en matière de la propriété industrielle et promotion de l’innovation.
L’AN2PI dispose d’une unité chargée de la protection des créations techniques (brevets d’invention…), d’une unité chargée de la protection des créations commerciales (marques, noms commerciaux, dessins et modèles…), d’un centre de documentation en propriété intellectuelle et d’un centre d’appui à la technologie et à l’innovation. Nos missions consistent à promouvoir la protection et l’utilisation de la propriété industrielle; promouvoir les activités en matière d’innovation et de développement technologique; lutter contre la contrefaçon; assurer le relai de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI); appuyer les utilisateurs pour la formulation de leur demande de protection; sensibiliser les chercheurs, industriels, opérateurs économiques et artisans sur la protection de leurs créations et le respect des droits de propriété industrielle; vulgariser la propriété industrielle au niveau national; renforcer l’application des droits et lutter contre la contrefaçon en coopération avec la justice, la douane et la police; promouvoir l’innovation; recevoir les demandes d’assistance et d’intervention des titulaires des titres de propriété industrielle pour faire respecter leurs droits et agir à cet effet, de concert avec les administrations compétentes.
Quel est l’état de la mise en œuvre de cette politique et quel est son apport dans la promotion de la technologie industrielle au Niger ?
Nous venons d’élaborer un Plan National de Développement de la Propriété
Intellectuelle et de l’Innovation financé par l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) dont l’objectif principal est de contribuer au développement économique et social du Niger à travers l’utilisation du système de la PI qui est un puissant catalyseur de développement technologique.
Le développement rapide de certains pays d’Asie est en grande partie fondé sur une utilisation stratégique su système de la Propriété Industrielle. Ce plan qui sera bientôt adopté par le Gouvernement est décliné en six (6) axes prioritaires: renforcement institutionnel et juridique; promotion de la protection et de l’utilisation de la Propriété intellectuelle; réforme de la recherche scientifique et technique; protection des indications géographiques; valorisation des actifs de la propriété intellectuelle; médiatisation de la propriété intellectuelle. Pour le moment, nous mettons en œuvre le plan stratégique 2018-2022 de l’Organisation africaine de la Propriété Intellectuelle qui vise les mêmes objectifs. La mise en œuvre de ce plan et de quelques actions financées par la subvention de l’Etat ont permis de rehausser nos indicateurs en termes de demandes de titres déposées à l’AN2PI et de titres délivrés par l’OAPI en brevets d’invention, marques, noms commerciaux, indicateurs géographiques etc. Ce qui nous a permis d’ailleurs d’occuper en 2019 la 2ème place parmi les 17 Etats membre de l’OAPI sur le plan de la bonne gestion et la mise en œuvre efficace du plan stratégique.
En termes de propriété industrielle, quelles sont aujourd’hui les inventions phares qui honorent notre pays ?
Les inventeurs nigériens, malgré leurs moyens limités arrivent à mettre au point des inventions pertinentes. Nous avons aujourd’hui dans notre base de données 53 inventions de nigériens dont 23 sont exploitées pour lesquelles des brevets d’invention ont été octroyés par l’OAPI. Sans occulter les autres inventions, je vais juste souligner les exemples d’inventions ci-dessous qui peuvent apporter une grande amélioration dans le contexte du développement économique de notre pays. Il s’agit de: « Procédé amélioré de construction de bâtiments et de piédroits d’ouvrages hydrauliques (caniveaux, dalots) en dur à l’aide de briques fourchues aux parois transversales échancrées sans mortiers de pose ni coffrage ni serre-joints » de Mr Moussa Habou; de l’ « Arrosoir goutteur à programmation semi-automatique » de Monsieur Hassane Bissala; du « Support de moustiquaire en tubes encastrables, extensible et compressible pour servir à toutes les dimensions de lit » de Dr Hassane Idrissa; de l’ « Appareil de mesure piézométrique, de paramètres physico-chimiques et de détermination de métaux lourds » de l’Université Abdou Moumouni de Niamey; du « Système de télé irrigation » de Abdou Maman; et du « tuteur arboricole » de Hassane Bissala Yahaya.
Y a-t-il des contraintes à l’invention technologique au Niger ?
Les contraintes, il n’en manque jamais. Je voudrais juste parler ici du manque d’investissement dans la
recherche développement et de
l’absence d’un cadre d’écosystème d’innovation qui prendra en compte tous les acteurs. Plusieurs solutions ont été proposées dans le document du plan national de développement de la propriété intellectuelle.
A l’ère de la Zone de libre-échange continental africaine qui s’ouvre, nos industries se doivent d’être suffisamment compétitives, donc innovantes. Sont-elles à la hauteur ou peuvent-elles l’être, selon vous ?
Je suis d’avis avec vous. Dans le cadre de la mise en œuvre de la ZLECAf nos entreprises, à l’instar des entreprises de beaucoup d’autres entreprises auront des défis énormes. Elles doivent être encore plus compétitives pour que leurs produits et services soient acceptés par les consommateurs. Je pense que pour cela, l’Etat doit les accompagner dans développement des infrastructures appropriées, des unités industrielles, la création des chaines de valeurs et l’application des normes de qualité.
Que faut-il entendre de la propriété intellectuelle et quel est son cadre législatif ?
La propriété intellectuelle, relève des œuvres d’art et d’invention qui naissent de l’esprit humain. Elle se divise en deux parties : la propriété Industrielle dont nous avons en charge régie par la Convention de Paris de 1883 et la propriété littéraire et artistique gérée par le BNDA régie par la convention de Berne de 1886. La Propriété industrielle comprend les créations industrielles et les créations commerciales. L’accord de Bangui est la législation nationale en matière de propriété industrielle.
Avez-vous quelque chose d’autre à ajouter ?
Je demande aux plus hautes Autorités du Niger d’accorder plus de priorité au secteur de l’industrie tout en mettant l’accent à l’utilisation stratégique du système de la Propriété Intellectuelle pour le développement économique et social du pays.
L’exemple de la Chine est, à cet égard, éloquent. En effet, grâce à la mise en œuvre de la stratégie nationale de propriété intellectuelle, les entreprises chinoises font partie du top 10 des plus gros déposant de brevets d’invention au Monde.
Par Ismaël Chékaré(onep)