Les marchés de Niamey sont par excellence des lieux d’échanges où se côtoient quotidiennement des milliers de citadins. Certains y vont pour vendre, d’autres pour acheter diverses marchandises. Pour satisfaire tout ce monde, des marchés modernes ont été construits par les pouvoirs publics avec des infrastructures d’assainissements. Les plus importantes étant les douches publiques et les équipements de collecte des ordures. Malheureusement, aux capacités d’accueil des infrastructures qui ont été très rapidement surpassées, s’ajoute la problématique de la triple gestion qui entrave la mise en place d’un vrai service d’assainissement dans les marchés. La gestion des douches publiques à l’intérieur des marchés, tout comme le ramassage et le nettoyage des alentours de ces mêmes marchés relèvent des collectivités communales.
Dans le 5ème arrondissement communal de Niamey, la propreté des ruelles exiguës à l’intérieur du marché Harobanda contraste avec l’insalubrité chronique de ses alentours. Des sachets plastiques et autres ordures ménagères, par endroit s’accumulent tout au long des voies principales qui encerclent le marché, stagnent et se dispersent au grès du vent. Ce qui retient l’attention dans ce décor fait d’insalubrité et d’odeurs nauséabondes, c’est la gigantesque décharge publique où se mélangent ordures collectées dans le marché et eaux usées. Cette place est située au Nord du marché Harobanda, à quelques encablures de la pharmacie populaire et de l’école de la Ligue mondiale islamique, un complexe semi-privé de renom. Et surtout, elle est juste à côté des vendeurs de volailles qui voient leurs chiffres d’affaires chuter drastiquement.
M. Abdoulaye Seydou est le délégué des revendeurs de volailles de ce marché. Assis sous un hangar derrière le site d’exposition-vente qui leur est dédié, il montre les stands désertés par les clients pour illustrer «le grand handicap» que constitue la décharge «d’à-côté» pour leur commerce. «En plus de vendre de la volaille sur pattes, explique-t-il avec une voix nostalgique, nous offrons aussi un service complet qui va de l’abatage des sujets vivants achetés chez nous, à leur découpe et emballage». Des petits services qui donnent une plus-value financière à ces commerçants et leurs assistants. «A cause de l’état nauséabond de la décharge qui se trouve à quelques mètres, certains clients nous demandent de ne pas procéder à l’abatage sur place et ils nous disent clairement douter de la qualité même de l’eau qu’on utilise, même si elle provient de l’adduction d’eau potable», s’exclame le délégué des vendeurs de volailles.
Malgré la collecte quotidienne des ordures à l’intérieur du marché, il est fréquent d’enjamber des eaux usées dans certaines ruelles intérieures, jusque devant les portes des boutiques de commerce. Si cette situation a une occurrence éphémère dans le secteur Sud, elle est quasi permanente au Nord où les eaux usées communiquent directement avec la décharge qui accueille les ordures collectées dans le marché. Pour les usagers (les commerçants) qui payent une redevance mensuelle pour la location de leurs boutiques et aussi diverses taxes, la situation est intenable. Ils accusent la gestion du marché de défaillance dans la délivrance des services d’assainissement et se plaignent, pour beaucoup, de la non-prise en charge de leurs doléances par les services compétents.
Une combinaison de facteurs entrave le bon déroulement du processus d’assainissement du marché
Joint au téléphone, le gérant du marché Harobanda, tout comme certains ‘’sages’’ trouvés surplace, réfute ce qu’il considère comme étant des allégations qui font suite à une méconnaissance des règles qui encadrent la gestion des marchés au Niger. L’intérieur du marché, martèle-t-il à volonté, est «très propre» et il nous invite à parcourir ses méandres pour nous en rendre compte de visu. Son rôle se limitant seulement à ramasser les ordures et assurer leur transport jusqu’au lieu de dépôt qu’est la décharge située au Nord. «L’enlèvement définitif des ordures du site et le curage des caniveaux, y compris à l’intérieur du marché relèvent des compétences des services communaux», déclare-t-il. Il en va de même pour la gestion des douches publiques qui incombe à d’autres personnes en dehors de son cercle d’influence.
Un autre problème soulevé par le gérant du marché Harobanda, est l’état des caniveaux construits pour l’évacuation des eaux, aussi bien usées que de ruissellement. «Le caniveau est très bas, en dessous du niveau du sol. Ce qui fait que les déchets plastiques que le vent prend se terminent tout bonnement dedans», explique le délégué Abdoulaye Seydou qui s’appesantit aussi sur certaines actions inciviques de quelques «rares commerçants». De son côté, le surveillant des douches Nord, M. Soumana Mamane, précise que le poids du camion qui collecte les ordures rompt les dalles qui retombent dans les caniveaux et finissent par obstruer le passage des eaux usées.
M. Soumana Mamane rejette aussi en bloc les accusations qui le rendent responsable de la stagnation des eaux usées dans son secteur. Les fosses septiques qu’il utilise, jure-t-il, sont régulièrement vidées et ne communiquent nullement avec le système de caniveaux du marché. Il indique que les eaux usées qui s’accumulent sur le flanc des douches publiques qu’il supervise proviennent d’autre chose que du débordement de ses fosses. «Elles proviennent des ablutions que les gens font ici. L’eau qui doit normalement suivre le caniveau et passer sous l’espace réservé à la collecte des ordures avant de poursuivre son chemin, reste bloquée au niveau de la décharge et s’accumule du jour au lendemain, gagnant ainsi du terrain vers l’intérieur du marché», dit-il.
Pour retrouver un peu de normalité et de confort, et surtout pour essayer de maintenir leur commerce à flow, M. Abdoulaye Seydou fait savoir que lui et ses camarades ont l’habitude de cotiser entre eux pour curer les caniveaux. «Malheureusement, soupire-t-il, les dalles cassées et le niveau bas des bordures du caniveau ne nous facilitent pas le travail. Les ordures finissent toujours par obstruer le passage des eaux». Un volontariat que confirme le superviseur des douches publiques Nord. «Il n’y a pas longtemps, déclare M. Soumana Mamane, j’ai déboursé 20.000fcfa pour qu’on puisse curer l’endroit où le caniveau est obstrué mais, poursuit-il, le problème persiste». 20.000fcfa qui aurait dû servir à acheter des produits désinfectants pour ce lieu qui pratique un prix uniforme de 50fcfa pour utiliser les WC ou pour se laver, et gratis pour se vider la vessie.
Il ne reste que le problème des douches publiques Sud où, de l’aveu de plusieurs commerçants, les eaux nauséabondes qui inondent régulièrement le secteur proviennent du débordement des fosses septiques qui tardent à être curées. Pourtant, les agents du service communal d’assainissement se déploient quotidiennement dans le marché sans qu’une solution pérenne ne soit trouvée à ces problèmes d’assainissement.
Souleymane Yahaya(Onep)