La question de la fermeture du bar est probablement plus critique pour Gnarara que pour les autres, sauf qu’il croit être le seul à le savoir.
En effet, c’est son véritable QG, d’où il fait écouler sa came et ses innombrables aphrodisiaques avec une clientèle constituée majoritairement des femmes et les hommes d’un certain âge. C’est là qu’il reçoit ses principaux dealers (chefs de section), essentiellement constitués de femmes, qui, à leur tour, ont leurs équipes de distributrices, qui se font appeler les « influenceuses », tandis que les clients les désignent par « Mécano », « Guérisseuse », comme ça quand les hommes sont en famille et qu’ils doivent passer un coup de fil ou en recevoir de ces « influenceuses », ils peuvent toujours dire à leurs épouses que c’est leur mécano ou leur guérisseuse. En général c’est le vendredi soir que Gnarara approvisionne ses dealers qui ont des relais et des informateurs dans toutes les boites de nuit et les snack-bar huppés de Kalcity. Gnarara, après avoir corrompu tous les gérants et les videurs, il en a faits des accros d’une ou plusieurs de ses substances. Certaines grosses pointures du showbiz, de la politique surtout, se font livrer à travers leurs maîtresses, des escorts girls ou autres GLL, dans leurs nombreuses garçonnières disséminées un peu partout dans les zones obscures de la périphérie de Kalcity.
Pour les « En haut- de- en-haut », c’est dans leurs bureaux ou leurs clubs, que la livraison se fait, le plus officiellement du monde. Il arrive que ces « Grotos » exigent de faire des tests sur l’influenceuse pour garantir ainsi l’authenticité du produit. Parfois, des militantes s’approvisionnent en quantité de ces aphrodisiaques pour leurs chefs politiques, justement parce qu’il y a des « parties fines » organisées par les « Mangnan-Mangnan Mata » pour les Grands avec toutes ces jeunes militantes, à peine sorties de l’adolescence, appelées « la chair fraiche » ou « birkama ». Les vieux clébards, bedonnants et en mal de sensations fortes, en raffolent, en complément du Gin-Tonic au citron et des autres KM que les GLL (Gabdi Lallo-Lallo) ont pris soin de placer pour eux dans des endroits convenus. C’est pourquoi, il y a dans les grands partis politiques, de ces personnes, hommes et femmes, sans qualifications particulières, ni académiques, ni politiques, et qui pourtant sont très puissantes, des « intouchables ».
Pour les femmes, ce sont, en général, des pourvoyeuses de chair fraiche (sans exclure la leur en cas d’urgence pour dépanner le patron, certains jours sombres sans birkama).
Pour les hommes, ils jouent le rôle d’intermédiaires pour dénicher et convoyer des « grands Marabouts, de grands féticheurs d’ici et d’ailleurs » pour les chefs et aussi pour leur « OGA Kotakota ». Accessoirement, ces hommes, peuvent aussi jouer au rabatteur pour les chefs, toutes les catégories possibles de femmes, quel que soit son statut. Il y a aussi, de plus en plus de grandes militantes qui se font « chasser » de jeunes premiers pour avoir des frissons outdoors pendant les longues réunions politiques ou surtout les campagnes électorales. D’ailleurs, cette pratique semble même être la plus répandue actuellement à Kalawala. De jeunes hommes, diplômés et sans emplois, acceptent de se mettre avec des grandes dames fortunées pour être entretenus, tout en ayant leurs copines ou des épouses officielles. Quand on leur fait le reproche, ces jeunes refusent le titre de gigolos, ils préfèrent dire qu’ils sont des prestataires de services, il y en a même qui se disent entrepreneurs.
Autres temps, autres mœurs, est-on tenté de dire !
Maïrah a bien sûr été ravie par une si belle alliance inattendue. Elle accepta donc de bonne grâce de jouer les bons Go Between entre les soldats.
Elle ne connait encore ni la gravité, ni la profondeur de la situation, et elle ne sait pas comment son mec va réagir, mais c’est Maïrah, elle adore les défis. N’est-elle pas la fille de MAΪGA WANGARO ?
Pour l’instant, elle est préoccupée par l’organisation de l’investiture du Président, Docteur Katara, prévue dans quelques jours.
Mairah, malgré ses appéhensions, décidant de tenter de calmer les choses entre Abdoul et ses soldats, comme elle les appelle. Elle passa un coup de fil à Captain K pour une rencontre rapide de quelques minutes. Elle souhaitait solder cette affaire, pour libérer son esprit pour les préparatifs de la cérémonie d’investiture. Pour ce qui est du gros dossier du départ d’Abdoul de la Grande Muette, elle s’en tient à sa décision de ne plus lui en parler, même si elle a en secret une bonne stratégie qu’elle testera et affinera tout au long de l’organisation de ces festivités de l’investiture.
Elle avait, à peine fini de lui demander cette petite rencontre, qu’Abdoul lui demanda :
-Est-ce que c’est à propos de ces gens qui étaient venus chez toi avec leur biche pour te demander de me parler ?
-Oui, mais …mais, comment tu le sais….??? Tu me fais peur là… ???
-Hahaha ! De quoi as-tu peur ? hum ! Ne t’en fais pas, dis-leur simplement que j’ai dit qu’il n’y a pas de problème, je ne suis pas fâché. Ils sont invités ce soir à Délinquance pour les convaincre.
-Oh Mon Capitaine, merci infiniment !
-Je t’en prie. D’ailleurs, t’es également invitée si ça te dit ?
-Non, tu sais bien que je ne veux plus te voir fréquenter cet endroit et on avait un accord là-dessus.
-Ah, dans ce cas, je n’irais pas et dans ce cas, tes nouveaux amis resteront toujours inquiets, car ils me connaissent plus que toi. Et s’ils me voient pas et m’entendre dire que j’accepte leurs excuses, ils ne te laisseront pas tranquille.
-Tu es un gros malin, toi Abdoul. Ok, j’accepte de faire une exception, ce soir tu passes me prendre. Mais, on ne passera pas plus d’une petite heure. Je vous emmène une caisse de champagne, c’est pour tes amis. Toi, je quitte avec toi et ce n’est pas négociable.
-ça me convient Ma Dame de Cœur !
-Non, pas dame de cœur, je ne suis pas une carte de jeu ; je suis TON CŒUR tout court, Abdoul !
Le lendemain, tout se passa comme prévu et la paix à nouveau régna entre les vieux amis.
Les élections se sont déroulées normalement, selon les habituels observateurs internationaux envoyés sur place.
Le Président est réélu à 97,79% au deuxième tour. Le Président de la République, le dit à qui veut l’entendre, que cette victoire, il la doit à la confiance que le peuple de Kalawala a placée en lui, mais aussi à la formidable machine de guerre qu’est son Parti. Le Président, en parlant de formidable machine de guerre, fait en réalité, allusion à Maïrah. C’est donc tout naturellement que le contrat de Maïrah fut actualisé pour intégrer de nouvelles activités dont la préparation de l’investiture et les communications et lobbyings qui vont avec.
Maïrah se retrouve donc en première ligne pour la célébration de l’homme qu’elle a contribué à faire réélire ; peu à peu elle était arrivée à s’attribuer cette victoire, à force de se l’entendre dire par la voix la plus autorisée, le Président lui-même.
Les préparatifs pour l’investiture vont bon train et Maïrah ne sait plus où donner de la tête. Mais, entre deux courses, elle ne peut résister à l’envie de papoter avec son héros, pour, dit-elle, entendre sa voix, car le Capitaine est devenu sa drogue dure, sa came, sa vitamine et son amphétamine.
-Hi ! Mon héros, on dit quoi ?
-My baby ! oohhh, enfin, je respire l’air pur, le soleil se lève, je peux entendre ta voix. Je peux voir clair maintenant que mon soleil est dans mon ciel. En fait, il fredonnait la chanson de Johnny Nash « I Can See Clearly Now » !
– Et ta journée bébé ? J’ai essayé de t’appeler à plusieurs reprises en vain. Ton phone a des problèmes mon cœur ?
-Non, mon phone n’a rien, c’est juste que je n’ai plus une seconde à moi à cause de cette affaire de préparatifs de l’investiture. Je t’en avais un peu parlé même hier soir, à moins que mes câlins ne t’aient brouillé l’esprit ?
-Ouais, je m’en souviens, maugréa Abdoul. Ҫa commence à me souler que tu t’investisses autant avec ce Président…!
-Ne me dis pas que tu en es jaloux, mon héros ?
-Hum…murmure Abdoul, tu m’as déjà follandi et même mitandi !
-Quoi ? s’il te plait dis-moi que ce n’est pas vrai ? interrogea Maïrah. Si tu me dis d’arrêter en cet instant précis, j’arrête tout, Crois-moi !
-Non, non, fit Abdoul, un peu confus comme un enfant pris en faute. Tu sais bien que ma vie entière désormais est entre tes si douces mains. Je ne sais plus vivre sans toi, je ne sais même plus penser sans toi.
– Je t’aime plus que trop Abdoul…. !
-Maïrah, tu me copies, tricheuse ; c’est moi qui suis le plus fou, absolument fou de toi. Il n’y a rien de pire que de rester un jour sans toi, tes sourires illuminés par ces yeux océaniques qui me tuent avec tellement de bonheur….
-Oh mon beau Soldat-Poète….Tu sais me faire fondre…Mon Dieu ! qu’est-ce que je t’aime Abdoul..! Est-ce que tu ne m’as pas jeté un sort mon Prince ?
-Ecoute Baby, il faut que je te laisse travailler, moi je « suis toujours chez Monsieur Tranquille » comme tu sais. C’est la formule qu’Abdoul utilise pour dire qu’il est en chômage technique.
-Ok, mon héros ! On se rappelle ? Dans tous les cas, ce soir je te prends en otage, ok ?
(A SUIVRE)
ALI BOUKARI CONTI (ABC)