
Route impraticable, un peu plus loin des véhicules détruits calcinés, des motos brulées et abandonnées, des petits villages entierset des hameaux désertés, les traces d’un feu de brousse qui a ravagé tout sur son passage sur une distance de près de 5 km! Ici c’est le tronçon d’une trentaine de km entre Bankilaré et Tégué, un village du canton de Goro, département de Téra. Tout porte à croire que nous avons franchi un véritable champ de bataille qui témoigne d’une victoire de nos Forces de défense et de Sécurité sur les forces du mal.
La menace et les agressions répétitives des terroristes ont poussé certaines populations à fuir leurs villages. Les populations des communes de labande frontalière avec le Burkina et le Mali vivent dans l’angoisse. L’essentiel des activités économiques sont aux arrêts avec des marchés qui sont fermés laissant ainsi les populations dans la tourmente, le désarroi et dans une extrême pauvreté. Aujourd’hui, il est facile de parcourir des kilomètres sans rencontrer aucun troupeau de bétail ni même un animal dans ces zones jadis bourrées de bétail. C’est ainsi que plus de 7.000 personnes se sont réfugiées de janvier à février au chef-lieu de département de Bankilaré, sans compter ceux qui se sont réfugiés à Téra. Mais la réaction du gouvernement n’a pas tardé pour sécuriser la zone et ramener ces populations déplacées chez elles le mercredi 8 février 2023 avec un important dispositif sécuritaire.
De nombreuses personnes gardent malheureusement de tristes souvenirs de ce qu’est devenu leur terroir. «Quand vous allez en profondeur vous allez voir dans toute la bande des trois frontières que nous partageons avec le Mali et le Burkina, le Niger fait frontière avec des terroristes. De l’autre côté nous n’avons aucune force légale pour protéger les populations. C’est pourquoi la vie dans une zone comme Gorouol est très difficile. Depuis quelques années, nous vivons dans la peur, la terreur, etc. Nous sommes dans une situation très délicate. Nous sommes conscients des efforts consentis par l’Etat du Niger. Ce que nous voyons aujourd’hui nous rassure. Mais nous sommes comme des malades, quel qu’en soit le médicament qu’on va nous donner, si on n’est pas guéri, on n’est pas satisfait. Quel qu’en soit ce que l’Etat va nous amener ici, si cette situation sécuritaire n’est pas résolue de l’autre côté des frontières, on aura toujours des problèmes pour surmonter les difficultés auxquels on fait face» témoigne M. Illiyassi Maïga, membre du comité de soutien à Tégué.

Pour le Maire de la commune rurale de Gorouol M. Allassane Zebio, la situation géographique et la spécificité de sa commune nécessite des réflexions très poussées pour protéger les populations.«Notre commune est limitée à l’ouest par le Burkina Faso, à travers les communes de Markoye et Malanfoutou. Au nord par la République du Mali, notamment la commune de Tecite, des foyers de tension et d’intervention des groupes armées non étatiques. Une zone très mouvementée. Ce qui fait que Gorouol est la commune la plus touchée. Le besoin le plus urgent pour nous c’est le retour de la paix et de la sécurité. Vous avez vu notre route, ça fait plusieurs mois qu’on n’ose même pas venir ici. Lors de la cérémonie de réinstallation des populations, le ministre a annoncé une quantité importante d’appui de l’Etat. Mais déjà, il y a des bonnes volontés et des ONG qui se manifestent» a salué le maire de la commune rurale de Gorouol.
Deux semaines auparavant (avant le 10 février), tout celui qui vient dans ces localités sera très triste. «Aujourd’hui, avec le dispositif sécuritaire actuel, on est rassuré. Et vraiment beaucoup de choses restent à faire. Notre commune est très vaste. Elle couvre 4650km2 avec une population estimée à 60.000 âmes en 2014. Aujourd’hui peut être la population est au-delà de 80.000 âmes. Nos problèmes sont multiples, même si par ailleurs, on sait que l’Etat ne peut les résoudre séance tenante. Nous avons 92 établissements scolaires. A l’heure où je vous parle toutes ces écoles sont fermées. Nous avons 11.904 élèves dont plus de 50% sont des filles. Je pense qu’il y a de la matière à réfléchir.Il y a encore des efforts à fournir», explique le maire de Gorouol.
Pour le directeur de l’école primaire de Tégué, il est très difficile de trouver les mots justes pour décrire les dégâts et le désordre que cette insécurité a causé pour les communautés. En effet, il plaide pour un retour à une vie normale. «Nous avons soumis des doléances aux autorités. Nous avons des difficultés pour avoir de l’eau pour les personnes et les animaux. Il y a le domaine crucial de l’éducation, ça fait maintenant plus de deux ans que les enfants ne vont plus à l’école à cause de l’insécurité. Les autres préoccupations majeures sont notamment l’électrification de nos villages et la réparation des réseaux de télécommunication. En effet, même si nous voulons communiquer avec nos parents qui sont ailleurs ou bien pour informer les autorités locales sur certains mouvements suspects cela n’est pas possible» explique le directeur de l’école primaire de Tégué.
M. Halidou Abdou, habitant de Tégué salue les efforts des autorités dans cette guerre contre les forces du mal.«Nous remercions les autorités nigériennes qui font de leur mieux. Quand nous avons quitté Tégué pour nous réfugier à Bankilaré, le préfet nous a accueillis dans la dignité. Il a agi en tant qu’autorité et a mis tout ce qu’il faut à notre disposition. Et nous en sommes très reconnaissants. Que Dieu protège notre pays et nos FDS. Depuis qu’on nous a ramenés, nous avons les FDS partout dans la zone. On estime qu’avec la présence de nos militaires aucune force du mal ne peut nous atteindre. Il y a quelques mois, tout celui qui a visité cette zone a pleuré. Même si tu n’es pas de la zone tu seras très triste.Dieu seul sait comment on a fait pour surmonter ces épreuves. Aujourd’hui vraiment Dieu merci. Et nous demandons encore à l’Etat de redoubler d’efforts» exhorte-t-il.
Depuis le retour des populations, le dispositif sécuritaire habituel a été renforcé.Et une chaine de solidarité s’est développée à travers un comité de soutien aux populations de Tègué. Ce comité est composé des ressortissants du canton de Goro, la diaspora, etc. Une situation qui réconforte plus d’un. Mme Hassana Souley la trentaine révolue fait partie des déplacés qui ont été ramenés à Tégué. Elle se souvient encore des menaces des terroristes avant de se réfugier. «Nous sommes dans une situation très difficile. Il n’y a pas de vie sans sécurité. Avec ceux-là vraiment, c’est difficile. On ne comprend même pas ce qu’ils veulent. Avant ils ne se cachent même pas pour venir ici. On les voit tous les jours», a-t-elle témoigné.
Abdoul-Aziz Ibrahim, ONEP Tillabéri