« Mesdames et Messieurs, Distingués invités.
Par la grâce de Dieu, le clément, le tout puissant, le miséricordieux, nous nous retrouvons aujourd’hui dans la belle cité de Maradi pour, dans une communion d’esprit et de cœur, apprécier un des sujets qui symbolise le malaise de notre société : le mariage des enfants. Ainsi, c’est avec un plaisir immense que mon institution, associée à d’autres structures, notamment le Ministère de la Promotion de la Femme et la protection de l’Enfant, le cadre MBTA, regroupant donc OXFAM, SCI et des Organisations de la Société Civile est fière d’organiser le forum national sur le mariage des enfants.
Mesdames et Messieurs, Distingués invités,
Parlons d’abord du mariage, qui est la principale institution sociale et ce, dans toutes les sphères de civilisations, dans toutes les religions, révélées ou non, depuis l’ère adamique. L’union par le lien du mariage est une prescription constante, universelle et perpétuelle. Le pouvoir moderne, guidé par cette réalité transcendantale a pris la précaution de faire des aménagements constitutionnels. C’est ainsi que le constituant Nigérien de 2010 indique, à l’article 21 alinéa 1 de la constitution que, je cite : « Le mariage et la famille constituent la base naturelle et morale de la communauté humaine.
Ils sont placés sous la protection de l’État… »(Fin de citation)
Le mariage est donc une bénédiction, certes bénéficiant de la protection divine, parce que d’inspiration religieuse, mais aussi à cause de cette onction divine, il est encadré par le pouvoir temporel, qui se doit de consacrer textuellement, sa sacralité. Si le mariage est sacré, les formes et modalités de son accomplissement doivent aussi correspondre à cette sacralité.
Pourquoi une telle affirmation? Le mariage est une union légitime entre l’homme et la femme et non entre l’homme et la fillette. D’ailleurs, sur le plan religieux, il est exigé des conditions de fond et de forme, dont le consentement, mais aussi des indications comme l’aptitude physique, le discernement, la maturité. C’est donc la question de l’âge du mariage, qui ne cesse de faire l’objet de controverses au sein de notre société et c’est cela le fondement du cadre qui nous réunit aujourd’hui à Maradi.
En somme, le mariage de la jeune fille avant une certaine maturité, quand bien même placé aussi sous la protection de l’Etat, puisqu’il s’agit avant tout d’un mariage, constitue en réalité le cauchemar des pouvoirs publics, qui se doivent de multiplier les cadres de plaidoyers permettant d’endiguer, avec droiture et sérénité, ce grand problème social.
Pourquoi le mariage de la jeune fille avant une certaine maturité est cauchemardesque pour l’Etat ? La réponse est qu’il ya des statistiques qui nous parlent et il prévaut des conséquences qui nous interpellent. En effet, le Niger est un pays qui détient le triste record mondial du plus grand taux de mariage des enfants au monde. Selon une étude de l’UNICEF datant de 2016, 75% de filles sont mariées avant leurs dix-huitième année, 28% d’entre elles sont même devenues épouses avant l’âge de 16 ans. Les taux les plus élevés sont observés dans la bande sud du pays, notamment à DIFFA (89%), à ZINDER (88/), à Maradi (87%), contre une moyenne sous régionale de l’Afrique subsaharienne qui est de 37%.D’autres études, produites par d’autres organismes, partenaires du Niger, comme l’UNFPA, OXFAM et WORLD VISION indiquent le même tableau alarmant.
Les causes de cette pratique sont multiples. Nous avons, entre autres : les normes sociales, qui confinent la femme dans un rôle d’épouse et de mère , dépendante d’un époux chef de famille, d’une part , et qui mettent fin de manière précoce à l’enfance des jeunes filles, en les privant de la période de transition que représente l’adolescence , avant l’entrée dans l’âge adulte, d’autre part ; le phénomène de la déscolarisation, qui résulte lui-même de l’insuffisance des services éducatifs ; l’ineffectivité de la législation nationale en ce qui concerne la protection de l’enfance. Ce qui favorise la permanence de certaines croyances qui en principe doivent être révolues…
Autant les causes sont multiples, autant les conséquences sont innombrables : D’abord, sur le plan éducatif, le mariage précoce est une source de déscolarisation précoce, qui prive la société d’un mérite, celui d’avoir une femme instruite, éduquée, formée et diplômée, mais surtout une femme apte à contribuer intellectuellement et professionnellement au développement du pays ?
Ensuite, du point de vue de la santé, le mariage précoce peut, sans aucun doute, mettre à mal la santé de la reproduction. Enfin, d’autres conséquences désastreuses sur le plan économique, social et culturel.
En somme, Mesdames et Messieurs, Distingués invités, le mariage des enfants bafoue les textes de la République, mais aussi les instruments juridiques régionaux et universels de protection et de promotion des droits humains souscrits par notre pays. Le mariage des enfants est une atteinte flagrante du droit de l’enfant, qui doit donc être protégé contre les abus en tous genres. Il est essentiel de rappeler ici que le Niger est partie à la convention internationale sur le droit de l’enfant de septembre 1989 et la charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant de juillet 1990. Pour mettre en œuvre de façon efficace tous ces engagements internationaux, le Niger a adopté en 2013 un document cadre de protection de l’enfant.
Malheureusement, les mentalités sont souvent en déphasage avec les textes et c’est à juste titre que le Président de la République, Chef de l’Etat, son Excellence ISSOUFOU MAHAMADOU, avait fait un constat à l’occasion du forum des premières dames de la CEDEAO tenu à Niamey. Il disait, je cite : «….Ces attitudes et mentalités, malheureusement très généralisées dans nos sociétés africaines, ne sont pas compatibles avec les dispositions des conventions internationales sur la protection des enfants signées et ratifiées par nos Etats. Il nous faut donc procéder à une reconversion nécessaire des mentalités afin de percevoir désormais l’enfant comme il se doit, c’est adire une charge pour les parents car il faut assurer son éducation, sa protection et son insertion sociale. » (Fin de citation)
Mesdames et Messieurs, Distingués invités,
La problématique est donc entière et il nous faudra travailler laborieusement pour aboutir, dans un temps raisonnable, sur des résultats permettant de sauver, pour toujours, la jeune fille, pour le bonheur de notre société, qui je le rappelle, est éprouvée par d’autres survivances qui retardent tout développement économique, sociale et culturel. Dans cet élan, il nous faut un minimum de consensus et de compréhension en ce qui concerne l’encadrement juridique de la personnalité, plus précisément, l’encadrement juridique relatif à la scolarisation de la jeune fille. Comme vous le savez, la loi y relative a fait l’objet de plusieurs débats et de plusieurs procédures législatives. Notre cadre doit permettre, à terme, de parachever ce chantier, sur lequel travaillent ardemment l’Etat et ses partenaires.
C’est le lieu de saluer le travail qu’accomplissent depuis plusieurs années tous les organismes impliqués, notamment les organismes du système des Nations Unies comme l’UNICEF, l’UNFPA, ou des ONG internationales comme le NDI, OXFAM, WORLD VISION, SAVE THE CHILDREN ET PLAN INTERNATIONAL NIGER. C’est aussi le lieu de saluer et d’encourager les leaders coutumiers et religieux qui ne cessent de sensibiliser leurs communautés sur le sens véritable de la famille et du mariage, notamment quand ils invitent ces dernières à ne pas marier n’importe comment et n’importe quand, leurs filles. Sans l’implication de ces derniers, l’éradication du mariage des enfants ne se fera pas.
En somme, Mesdames et Messieurs, Distingués invités, tous les plaidoyers possibles doivent être enclenchées pour permettre à nos jeunes filles, le plein épanouissement de leur personnalité, bien entendu, dans le respect des prescriptions religieuses. On sait certes combien sont grandes les contraintes, combien sont épais les préjugés et combien sont vivaces et tenaces les traditions qui s’enracinent dans l’histoire de nos peuples.
Mais sans renier notre substrat culturel, sans jurer avec nos coutumes religieuses et spirituelles les plus intimes, il nous faut agir, légiférer, orienter, conseiller, influer sur les tendances lourdes. Il nous faut surtout lutter. C’est en cela que nous pouvons rendre effectives certaines prescriptions constitutionnels, notamment l’article 17 de la constitution du 25 novembre 2010 qui dit, je cite : « Chacun a droit au libre développement de sa personnalité dans ses dimensions matérielle, intellectuelle, culturelle, artistique et religieuse, pourvu qu’il ne viole le droit d’autrui, ni n’enfreigne l’ordre constitutionnel, la loi et les Bonnes mœurs».
C’est aussi en cela que nous pouvons jeter les jalons d’une société nigérienne prospère et débarrassée de toutes pratiques ou attitudes retardataires et néfastes. Sur ce, je déclare ouvert le forum Sur le mariage des enfants.
Je vous remercie. ».
onep