Chef traditionnel éclairé, l’honorable Mahamadou Bachir Harouna Hambali est reconnu pour son franc parler. Très attaché aux valeurs traditionnelles, le chef de canton de Dioundiou est un défenseur et promoteur de l’agriculture et du développement endogène. Il a régulièrement appelé les Nigériens à investir et à s’investir dans l’agriculture pour assurer la sécurité alimentaire et atteindre la souveraineté nationale. Dans cet entretien, l’honorable Mahamadou Bachir Harouna Hambali parle de la situation sociopolitique de notre pays consécutivement à l’avènement au pouvoir du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP). Déplorant, les sanctions inhumaines infligées au Niger et les pressions exercées sur le régime par la CEDEAO et une certaine communauté internationale, le Chef de Canton de Dioundiou relève que c’est au peuple nigérien de décider de la durée de la transition qu’il veut pour son pays.
Honorable, depuis la prise du pouvoir par le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), le 26 juillet 2023, les Nigériens ont observé le soutien que vous apportez à ce régime. Quel est l’objectif de votre engagement ?
Merci de m’avoir accordé cette opportunité de m’exprimer en toute liberté et objectivité sur la situation politique de notre pays. Vous savez quand l’armée a pris le pouvoir, nous avons suivi de près leur intention avant de réagir. Après le message à la nation du général de brigade, Abdourahmane Tiani, le Conseil National des Chefs Traditionnels du Niger avait pris acte de la volonté du CNSP de promouvoir la paix et d’assurer la sécurité du peuple nigérien sur l’ensemble du territoire de notre pays. C’est un élément important pour nous en tant que chefs traditionnels dépositaires des pouvoirs traditionnels, et gardiens des Us et coutumes. Nous sommes soucieux de la sauvegarde de l’unité nationale. Le Chef de l’Etat nous a aussi assuré de sa volonté à créer toutes les conditions pour que les Nigériens gardent leur dignité en leur assurant le bien-être. C’est ainsi que depuis le 30 juillet 2023, la CEDEAO par manque de sensibilité inflige des sanctions inhumaines à notre pays. Nous vivons des restrictions d’une ampleur sans précédent prises contre le Niger et son peuple suite aux évènements du 26 juillet 2023. Ces sanctions inhumaines nous privent de ressources financières et entravent la vie quotidienne des populations. Elles ont étouffé notre économie. Face à cette situation, tout Nigérien doit être patriote sincère pour notre dignité et souveraineté du pays. D’ailleurs, tous les Nigériens étaient soudés derrière le CNSP à travers plusieurs manifestations de soutien. C’est la première fois au Niger qu’un coup d’Etat militaire a bénéficié d’un soutien grandiose. La CEDEAO qui se dit, CEDEAO des peuples devient une institution contre les populations du Niger. C’est paradoxal. Le patriotisme exige un soutien indéfectible à nos actuels dirigeants sans hypocrisie. La CEDEAO a pris ces sanctions cruelles et menace de tuer le peuple nigérien, mais nous n’allons pas laisser le CNSP seul dans ce combat à travers lequel la CEDEAO veut imposer sa volonté à notre vaillant peuple. Cela est notre engagement parce que le CNSP est en train de nous libérer de l’impérialisme des anciens colons et nous allons vers un développement radieux. Vous avez vu que malgré les sanctions, le Niger avance sans bruit et nous nous mettons au travail pour notre propre dignité.
Le peuple nigérien est resté engagé autour du CNSP dans le combat pour la sauvegarde de la patrie jusqu’au départ du dernier soldat français. Quelle doit être, selon vous, la prochaine étape dans ce contexte sociopolitique du pays ?
Oui, les derniers soldats français déployés au Niger ont quitté, le vendredi 22 décembre 2023 notre pays avec une mesure de fermeture de l’ambassade de France au Niger. Tant mieux, cela ne nous surprend pas. Ce qui nous reste, c’est le travail parce que notre société est malade à cause de certaines mauvaises pratiques des politiciens qui ont dirigé le pays. Tous les secteurs sociaux de base (agriculture, sécurité, éducation, santé etc.) ont des sérieux problèmes auxquels il faut trouver de solutions idoines. Pour y remédier, le CNSP doit mettre en place des stratégies visant à assurer le fonctionnement optimal de l’Etat. Prenons l’exemple de la gestion de la sécurité, pour l’assurer, il faut l’implication des Chefs traditionnels, religieux, des organisations paysannes et des jeunes pour discuter ensemble des solutions à prendre. Cette insécurité serait entretenue quelque part par des jeunes dont les parents peuvent trouver une solution. En ce qui concerne l’éducation, le système ne répond plus aux aspirations du peuple. L’Etat doit travailler sur ce volet en introduisant surtout l’instruction civique et morale ainsi que d’autres matières plus spécifiques répondant à nos réalités. Pour qu’une transition réussisse, il faut un changement de mentalités tout en remettant l’ensemble des Nigériens au travail et développer l’agriculture afin de lutter contre l’insécurité alimentaire. Nous devons soutenir la transition pour instaurer un esprit de combat contre la faim. Cela doit être le cheval de bataille de tout Nigérien.
Le gouvernement organisera dans les jours à venir un forum national qui regroupe toutes les couches sociales du pays pour déterminer les contours de la transition au Niger dont l’élément clé constitue sa durée. Quel commentaire faites-vous à ce sujet ?
Tout d’abord, je vous fais un rappel des transitions au Niger. En effet, il faut savoir qu’en 63 ans d’indépendance, notre pays a connu 23 ans de régime militaire, différents systèmes institutionnels et six (6) militaires comme présidents de la République. Si cela est de trop, le problème vient des politiciens qui n’arrivent plus, une fois au pouvoir à assurer la bonne gouvernance. Tout le monde pense que c’est durant les transitions que les pays se redressent. Mais, une fois que les politiciens reviennent au pouvoir, ils sèment la merde. Pendant la transition de Seyni Kountché, le pays avait pris un envol déterminant jusqu’à la prise du pouvoir du général Ali Chaïbou que, la France avait poussé à organiser la conférence nationale en juillet 1991. Cette conférence nationale est à la base de la situation que vit notre pays. Le général Baré Ibrahim Maïnassara quant à lui avait attiré l’attention du peuple sur le changement de la classe politique. Ce qui lui a coûté la vie. Daouda Mallam wanké a carrément échoué sa transition à cause de cette même classe politique. Il a fait neuf mois sans assurer le payement des salaires.
William L. Comer disait ceci : « nous vivons dans une société malade infectée par de personnes qui ne voleraient pas directement leur voisin mais qui sont prêtes à demander au gouvernement de le faire pour eux ». En réalité ces mêmes personnes guettent la transition actuelle. En somme, la logique persistante de la longévité du régime militaire a profondément marqué la construction de l’identité de l’État au Niger. A la lumière de ce contexte particulier, le processus de démocratisation doit attendre. Personne ne dictera au CNSP la durée de la transition au Niger. C’est au peuple de la déterminer, mais pas la CEDEAO. Incha Allah, le Niger réussira de manière efficace à transformer son appareil politique pour amorcer le processus de démocratisation. Certes la restructuration ne se fait pas uniquement sur le plan interne, elle implique également une redéfinition des relations avec l’extérieur. Mais le destin du pays est entre les mains du CNSP que nous soutenons avec détermination.
Réalisé par Seini Seydou Zakaria (ONEP)