Le forum régional sur la prévention des conflits dans la zone de la Tapoa a débuté, hier matin à Niamey. Cette rencontre a été organisée par le cabinet du Médiateur de la République du Niger avec l’appui des partenaires techniques et financiers dans le but de proposer une approche régionale de prévention des conflits pour préserver la symbiose entre les populations transfrontalières vivant dans la zone de la Tapoa d’une part, et protéger la biodiversité dans le parc W, patrimoine mondial de l’UNESCO d’autre part. C’est le Ministre de la Justice gardes des Sceaux, M. Ikta Abdoulaye Mohamed, représentant le Premier ministre, qui a présidé la cérémonie d’ouverture riche en animation, en présence du Médiateur de la République du Niger Me Ali Sirfi Maiga, celle du Burkina Faso Sanou née Toure Fatimata et celui du Benin Essou Noudokpo E. Pascal, du représentant du gouverneur de la région de Niamey des Partenaires Techniques et Financiers et plusieurs invités.
Plus spécifiquement, il s’agit au cours de ce forum qui durera trois jours, d’analyser les équilibres socioéconomiques de la zone de la Tapoa ; d’identifier les facteurs d’extrémisme violent dans la zone ; de tirer des leçons des mécanismes d’implantation des GANES (Groupes Armés Non Etatiques) dans les zones de conflit (Diffa, Nord-Tillabéri, zone des trois frontières, etc.); de partager des expériences en matière de prévention des conflits inter et intracommunautaires et identifier les conditions de leadership relativement à l’objet du forum ; de faire l’état des lieux de la biodiversité dans le parc W ainsi que des menaces actuelles ou en perspective; de proposer une approche régionale (Niger, Bénin, Burkina) de prévention des conflits intégrant le respect de la biodiversité dans la zone.
Le présent forum sur la prévention des conflits dans la zone de la Tapoa a des enjeux majeurs.
En effet, la zone de la Tapoa abrite le parc du W, au cœur d’un complexe naturel transfrontalier de plus d’un million d’hectares géré conjointement par le Bénin à 563.280 mille hectares, le Niger à 220.000 mille hectares et le Burkina Faso à 350.000 milles hectares. Ce parc a été inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO on 1996. En 2002, Il a été reconnu comme réserve naturelle de biosphère transfrontalière par le même organisme.
Dans son allocution d’ouverture, le ministre de la Justice Gardes des Sceaux a indiqué que la gestion des espaces environnementaux dans un contexte d’insécurité est devenue ces dernières années un sujet de préoccupation constante aussi bien pour les gouvernants que pour les populations des pays en proie à l’hydre terroriste.
En effet, a rappelé le ministre Ikta Abdoulaye Mohamed, depuis plus d’une décennie, le Niger subit l’expérience douloureuse des conflits transfrontaliers marqués par l’extrémisme violent, le terrorisme et la criminalité organisée.
Les Groupes Armés Non Etatiques, a-t-il précisé, trouvent généralement un ancrage dans les zones de forêts transfrontalières à partir desquelles ils s’organisent pour déstabiliser des régions entières.
« Au Niger, les efforts en faveur de la paix ont permis d’assurer la défense de l’intégrité du territoire et de préserver la cohésion sociale et la sécurité publique. Ces résultats satisfaisants se sont traduits par le retour des déplacés internes dans leurs villages d’origine, avec une première phase de réinstallation des populations de 25 localités » a-t-il souligné.
Cependant, a expliqué le ministre, aujourd’hui la zone du Liptako Gourma constitue une préoccupation majeure pour le Niger, le Mali et le Burkina Faso. Dans cette zone dite « des trois frontières », des activités illicites telles que les trafics en tous genres (armes, drogues, motos et carburant), le vol et l’enlèvement de bétail, l’orpaillage et le braconnage, sont au centre de la stratégie de survie des groupes terroristes et de financement de leur implantation et de leur expansion.
Ainsi, a-t-il dit, le choix porté par le Médiateur sur la Tapoa, épicentre de cette insécurité n’est pas fortuit car les régions du fleuve ne sont désormais plus épargnées. Ce forum régional de prévention des conflits dans la zone présente un double enjeu :
« Prévenir les conflits communautaires ; et préserver la biodiversité dans la zone » a affirmé M. Ikta Abdoulaye Mohamed. Avant d’indiquer que ce forum ambitionne d’amorcer une dynamique régionale de prévention des conflits en lien avec la protection de la biodiversité du parc W.
Il est ainsi attendu de cette rencontre, l’élaboration d’un document d’analyse multifactoriel de la zone de la Tapoa, l’élaboration d’un document de synthèse de bonnes pratiques en matière de prévention des conflits en lien avec le respect de la biodiversité et une feuille de route contenant des recommandations et des engagements des Médiateurs nationaux. Il est aussi attendu le développement d’une approche régionale de prévention des conflits en lien avec le respect de la biodiversité dans ladite zone.
Selon le Médiateur de la République du Niger Me Ali Sirfi Maiga, l’idée de ce forum sur la prévention des conflits dans la zone de la Tapoa est née de l’analyse des mécanismes des conflits qui endeuillent les populations tant civiles que militaires, ainsi que des modes de réponses des Etats pour les prévenir ou les traiter.
En effet, a-t-il poursuivi, longtemps considéré comme un ilot de stabilité et un lieu de tourisme, ce parc connait de nos jours une certaine instabilité marquée par des embuscades criminelles. Ces actes se sont progressivement accentués jusqu’à conduire à la fermeture du parc et son interdiction au grand public dans la partie nigérienne en début 2019.
« Depuis lors, la sécurité de la zone triple de la Tapoa est devenue une préoccupation majeure des autorités du Niger, du Bénin et du Burkina Faso. La présence des GANES dans cette aire protégée pourrait engendrer des conflits intra et intercommunautaires, ainsi que la disparition des espèces protégées de ce patrimoine mondial de l’UNESCO » a indiqué le médiateur de la République du Niger.
Pour Me Ali Sirfi Maiga, ce forum sera l’occasion de faire des échanges d’expériences, de mener des réflexions et faire des propositions concrètes profitables à tous.
« J’ose espérer, qu’au sortir de ce forum régional, les médiateurs que nous sommes s’accorderont sur une feuille de route et des recommandations ainsi que des engagements importants tendant à créer un cadre régional de prévention des conflits du genre «Secrétariat Permanent » regroupant le Benin, le Burkina Faso, le Mali, le Togo, la côte d’ivoire et le Niger » a conclu le Médiateur de la République du Niger.
Aminatou Seydou Harouna(onep)