La Grande Muraille Verte (GMV) est un projet qui date de plusieurs années et concerne un certain nombre de pays d’Afrique dont le Niger. La pertinence d’un tel projet pour les pays sahéliens comme le nôtre réside dans le fait qu’il permettra au vaste espace sahélien de restaurer les terres dégradées à travers des actions multiples comme le reboisement ainsi que d’autres méthodes de régénération du couvert végétal dont l’objectif ultime est le développement socio-économique des populations qui y vivent. Dans cette optique, le thème : « Mise en œuvre de la grande muraille verte » retenu pour la célébration du 64ème anniversaire de la fête de l’indépendance communément appelée « Fête de l’arbre » (désormais ‘’Journée Nationale de l’Arbre’’) est une invite à l’ensemble des acteurs à intensifier les actions en faveur de la réalisation de ce gigantesque projet environnemental.
L’objectif global retenu au Niger pour la mise en œuvre de la Grande Muraille Verte est le développement d’une approche novatrice et inclusive consistant à mettre en synergie les actions de lutte contre la désertification, de restauration des terres et de conservation de la biodiversité, du développement de systèmes de productions agricole, sylvicole, pastorale et halieutique, du développement des infrastructures socioéconomiques de base et de la création de richesse, par les activités génératrices de revenus en vue d’un développement local durable dans les différentes communes concernées. Pour la matérialisation de cet objectif initial, il a été créé au Niger, l’Agence Nationale de la Grande Muraille Verte à travers la Loi du 26 mai 2015 qui érige cette agence en établissement public à caractère administratif (EPA). Depuis cette création des actions de préservation de l’environnement et de lutte contre la désertification ont eu des impacts positifs sur les conditions de vie des populations et des écosystèmes malgré les multiples défis qui retardent sa progression.
Les opportunités de souveraineté qui ont conduit au changement de régime en juillet 2023 n’ont nulle part entravé la mise en œuvre de l’Initiative Grande Muraille Verte. En effet, la lettre de mission confiée au ministre de l’Hydraulique, de l’Assainissement et de l’Environnement par le Président du CNSP positionne en deuxième priorité la mise en œuvre de la GMV parmi les 6 priorités inscrites. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le thème de la Journée Nationale de l’Arbre, 1ère édition, Tillaberi 2024 est institulé, « La Grande Muraille Verte : passons à l’action ». Mieux, dans le communiqué final du 1e Sommet de l’Alliance des Etats du Sahel, tenu le 6 juillet 2024, les Chefs portent leur voix commune dans le domaine de l’Hydraulique et l’Environnement, cela pour marquer une fois de plus l’attention donnée à la mise en œuvre de la Grande Muraille Verte dans l’espace du Sahel par la Confédération des Etats du Sahel.
Des activités réalisées sur financement du Niger et des appuis des PTF
Depuis 2010, période de la création de l’Agence Panafricaine de la Grande Muraille Verte Sahélo-Saharienne, un nombre significatif d’activités ont été réalisées sur financement du Niger et des appuis des partenaires techniques et financiers. Sur le plan de la gestion durable des ressources naturelles, il a été réalisé sur la période de 2010 – 2020 sur fonds de l’Etat et programmes urgences la fixation de dunes (80.040 ha) ; CES/DRS (310.460) ; reboisement (364.615 ha de gommiers et autres espèces forestières) ; RNA (2.150 ha) ; 40 150 km de pare-feu ; 145.572 000 plants plantés sur l’ensemble des espaces aménagés. Plus de 379 900 H/jours ont été utilisées avec plus 60 séances de formations et de recyclage sur les techniques de confection des ouvrages de captage d’eau de ruissellement et de stabilisation des dunes. A cela s’ajoute l’adoption d’une stratégie et plan d’actions de mise en œuvre de la GMV au Niger (2014-2024) d’un coût estimatif de 454 645 700 000 FCFA.
Par rapport à l’appui des projets spécifiques, sur la période de 2010 à 2022, sur le financement du « Projet FLEUVE » « Front Environnemental pour une Union Verte, il a été récupéré 1.225 ha de terres dégradées, installé deux (2) fermes agricoles Communautaires Intégrées (FACI), deux (2) banques d’aliments bétail d’une capacité de 30 tonnes d’aliments bétails. Il a également été acquis et distribué 265 têtes d’animaux d’embouches et 200 volailles aux groupements des femmes bénéficiaires dans les neuf (9) communes bénéficiaires du projet. Les financements du Projet Action Contre la Désertification (ACD) ont permis la formation de 100 techniciens villageois sur les techniques de récolte des semences et la production des plants, la formation de 200 acteurs communaux sur la pratique de la Régénération Naturelle Assistée (RNA) et sur les bonnes pratiques de Gestion Durable des Terres et des Eaux (GDTE) ; la récupération de 15.000 hectares de terres dégradées et leur reboisement avec les espèces forestières à grande valeur économique, la réalisation de 1.700 hectares de RNA, l’aménagement de 6.044 hectares de forêts dans ses douze (12) Communes d’intervention.
S’agissant du financement de la Banque Mondiale à travers le financement du Projet/PAC3/GMV ou SAWAP, il a été réalisé dans le cadre du PAC3, 85.954 hectares de gestion durable des terres sur l’ensemble des 105 communes d’intervention dont 95 Communes font parties de la zone d’intervention de la Grande Muraille Verte au Niger.
Entre Juillet 2023 et Juillet 2024, sous la refondation de la République pour la sauvegarde de la patrie : 69.579 ha des terres ont été restaurés, 1.179 539 de RNA sont réalisés et 21.283 de reboisement sont effectués, selon le rapport de la Direction Générale des Eaux et Forêts.
L’analyse de ces réalisations obtenues durant cette période de transition dans le domaine du programme cité plus haut, montre que la réalisation de l’ensemble des travaux a mobilisé plus de 3 millions d’hommes-jours correspondant à la création de 25.799 emplois temporaires de six (6) mois. Ces emplois ont généré en cash la somme de 9,169 milliards de FCFA pour un coût global des travaux de 12,284 milliards de FCFA.
Les contraintes auxquelles fait face l’initiative de la GMV
Les principales difficultés rencontrées par l’Agence Nationale de la Grande Muraille Verte au Niger sont entre autres, l’adoption tardive des textes portant opérationnalisation de l’Agence Nationale de la Grande Muraille Verte au Niger. En effet, les textes d’application de la loi portant création de l’Agence Nationale de la Grande Muraille Verte en tant qu’un Etablissement Public à caractère Administratif était intervenu en 2015 et le décret d’approbation de ses statuts en 2017, modifié et complété par un autre décret en 2020, alors que la ratification de la Convention portant création de l’Agence Panafricaine de la Grande Muraille Verte était effective depuis 2012. La situation d’insécurité dans la sous-région et au niveau national a fortement affecté la subvention de l’Etat au profit de l’Agence Nationale de la Grande Muraille Verte, mais aussi la contribution statutaire à l’Agence Panafricaine de la Grande Muraille Verte. Il y a aussi de difficulté dans la mobilisation des ressources financières externes, faute de l’ensemble des textes juridiques et administratifs requis ; la capitalisation fastidieuse des données statistiques produites par les autres Ministères concernés en vue de la production des bilans annuels réalistes montrant les efforts du Gouvernement dans la lutte contre la désertification et la mise en œuvre de l’Initiative Grande Muraille Verte au Niger. Les autres difficultés sont les aléas climatiques notamment les sécheresses fréquentes au Niger et les inondations qui pourraient compromettre la réussite des plantations réalisées et des micro-barrages construits ; une pression excessive sur les ressources naturelles exercée par une population à croissance très forte ; des mauvaises pratiques de gestion des ressources naturelles (surpâturage, déboisement, exploitation minière des sols, etc.) ; la participation aléatoire des populations locales à cause de la prévalence et du degré de la pauvreté dans les zones d’intervention. Ces populations locales pourraient donner plus de priorités aux actions portant sur la satisfaction de leurs besoins individuels immédiats, plutôt que sur les actions participatives durables de gestion de ressources naturelles ; l’insuffisance d’appui budgétaire à l’ANGMV.
L’implication du secteur privé dans la mise en œuvre de l’initiative et la question du financement
L’un des résultats de la déclaration de Niamey en 2023, est certainement la mobilisation du secteur privé autour des actions de la GMV. On remarque une participation plus proactive dans le domanial de production des gommiers (Société ADAX GOMME), et implantation des fermes agricoles domaniales intégrée (FADI), mais également les Fermes Agricoles Communautaires Intégrées (FACI) dont une dizaine est en implantation dans la zone GMV au Niger et la création de plusieurs entreprises privées pour la valorisation des produits agricoles, des produits forestiers non ligneux, des pépiniéristes.
Après plus de dix ans de mise en œuvre de l’Initiative de la Grande Muraille Verte, le Secrétariat Exécutif de l’UNCCD a commandité une étude pour évaluation. Le rapport de cette étude a été examiné par le Conseil des ministres le 7 septembre 2020 lors d’une visioconférence présidée par le Secrétaire Exécutif de l’UNCCD, M. Ibrahim Thiaw. Il ressort globalement de cette étude que la mise en œuvre de l’initiative grande muraille verte reste encore très faible et tourne autour de 10 à 15 %, quoique certains pays comme l’Éthiopie, le Sénégal et le Niger ont fait des efforts considérables dans la mise en œuvre de l’initiative, notamment en ce qui concerne la restauration des terres dégradées, le reboisement et la RNA.
Depuis lors, l’initiative GMV a reçu une attention particulière croissante dans le contexte d’une nouvelle orientation internationale et de nouveaux engagements pour la restauration des terres. La GMV est devenue une initiative pionnière dirigée par les Africains, qui reçoit un fort soutien de la communauté internationale, et en tant que programme phare dédié à la lutte contre la désertification et les sécheresses, la dégradation des terres et la perte de la biodiversité, le changement climatique et la lutte contre la pauvreté. Pour renforcer, accélérer, et améliorer la mise en œuvre de l’Initiative GMV, l’Agence Panafricaine de la Grande Muraille Verte, en collaboration avec les pays membres et ses partenaires régionaux et internationaux, a élaboré un ambitieux plan de relance de mise en œuvre de l’Initiative de la Grande Muraille Verte. Ce plan est composé de six (6) Portefeuilles, dix-huit (18) Programmes d’Investissement Prioritaires de Développement (PIPD 2021-2030).
Ce plan d’investissement prioritaire a fait l’objet d’une table ronde des bailleurs des fonds le 11 Janvier 2021, au cours de laquelle il a été annoncé un financement de 19,681 milliards de dollars ou 16,190 milliards d’Euros pour renforcer la mise en œuvre de cette initiative suivant cinq (5) domaines prioritaires ou piliers qui sont entre autres : la valorisations des chaines de valeurs agrosylvopastorales ; la restauration des terres dégradées agrosylvopastorales ; les infrastructures socio-économiques et de systèmes productifs résilients ; le renforcement des capacités scientifiques et techniques et enfin le cadre économique de l’initiative.
Hassane Daouda (ONEP)