Le Directeur-fondateur de la Nouvelle Imprimerie du Niger (NIN) et fondateur de l’Hebdomadaire ‘’Le Républicain’’, Maman Abou, vient de tirer sa révérence, rappelé à son seigneur, le lundi 13 juillet 2020. Grabataire depuis des années, suite à un AVC en 2010, finalement, Maman Abou a été vaincu par la maladie, au terme d’un long et épique combat qu’il aura livré dans cette épreuve, après 72 balais sur cette terre. Il en est ainsi de la vie, comme l’écrivait justement le grand journaliste et écrivain nigérien, Ibrahim Issa (paix à son âme !) : « On naît, on grandit et on meurt ; personne n’a pu mettre au point un dispositif contre la mort. Le drame souvent, c’est que nous ne savons pas que nos jours sont comptés. ».
Mais, ce qui restera de chacun de nous outre-tombe, c’est notre œuvre dans cette vie d’ici-bas, l’héritage que nous aurons légué à notre postérité, c’est-à-dire ce à quoi nous nous serons consacrés corps et âme en ce bas-monde. De Maman Abou, l’on gardera très certainement l’image d’un grand capitaine d’imprimerie qui a su remporter le défi de la réussite, en faisant de la NIN l’une des meilleures imprimeries de l’Afrique de l’Ouest.
Pourtant, lorsqu’il hérita, après privatisation, de l’Imprimerie Nationale du Niger (INN), le pari de la réussite était loin d’être gagné à l’avance, tant cette ancienne entreprise publique était en grande difficulté ; raison, d’ailleurs, pour laquelle on avait recouru à sa privatisation. Mais, grâce à son sens développé des affaires, à sa rigueur dans la gestion votre amitié avec lui s’arrêtant aux portes de la NIN, le natif de Belbédji a progressivement créé les meilleures conditions pour le rayonnement national et international de son imprimerie qu’il a dotée de machines performantes à la pointe de la technologie, grâce à des investissements bien réfléchis, en renforçant également les capacités professionnelles des agents par des formations appuyées à l’étranger.
Aujourd’hui, la NIN est une imprimerie de référence continentale et décroche des contrats internationaux pour des travaux d’impression. Avec cette disparition, le Niger perd ainsi un de ses plus grands capitaines d’industrie, et au-delà, l’Afrique entière est perdante. On peut aussi retenir le progressiste qu’il fut, le président de la Commission Nationale des Crimes et Abus, mise en place par la Conférence Nationale Souveraine de juillet 1991 afin faire la lumière sur de nombreuses sales affaires ayant émaillé la gestion politique antérieure.
On peut enfin honorer la mémoire d’un des pionniers, au Niger, de la presse indépendante, en animant pendant près d’un quart de siècle l’Hebdomadaire ‘’Le Républicain’’, un journal reconnu pour son sérieux dans le traitement de l’information. Il fut, sans doute, le précurseur, au Niger, de ce l’on appelle couramment le journalisme d’investigations, cette branche de la profession qui se spécialise dans les enquêtes sur de grandes affaires de scandales politico-financiers. A cet égard, il restera dans l’histoire comme celui par lequel les scandales des fameuses LAP (Lettre d’Autorisation de Payement) et PSOP (Payement Sans Ordonnancement Préalable avaient été, à l’époque, révélés au grand public ; publications qui lui valurent d’ailleurs plusieurs séjours dans les goulags du régime en place.
Pour notre part, nous fûmes devenus de bons amis dans de circonstances toutes particulières, après notamment des passes d’armes dans les journaux que nous animions à cette époque. En effet, un des scribouillards du journal ‘’Le Républicain’’ avait publié un article pour classer notre Hebdomadaire parmi, d’après sa titraille, ‘’les journaux ethnicistes’’. C’est par quoi, nous répliquâmes, de façon véhémente, par un pamphlet d’une rare violence pour marteler que notre rédaction se situait au-delà de ces simples contingences géographiques (Est, Ouest, Nord et Sud), qui n’étaient, pour nous, en fin de compte, que de simples moyens d’orientation, pas plus, et que par conséquent, les bons et les mauvais n’avaient pas de particularités propres à une catégorie de citoyens en fonction de leurs origines sociales ou géographiques, mais appartenaient à la race humaine dans toute sa diversité. Il demanda donc à nous voir et nous fit savoir qu’il n’avait pas lu l’article en question et nous présenta ses excuses que nous acceptâmes volontiers.
Depuis cet épisode, un profond respect mutuel s’était établi entre nous et une amitié qui dure encore aujourd’hui. Si nous avions tenu à faire cette petite confidence, c’est avant tout pour signaler le côté affable du personnage et surtout l’humilité qui fut son mode de vie, en dépit d’une réussite financière qui aurait pu lui prendre la tête ou le griser, comme cela est souvent le cas dans certains destins contemporains. Non, ce pur-jus Bouzou était resté lui-même : cet infatigable travailleur, ce perfectionniste tatillon, toujours à la recherche de l’excellence. Aujourd’hui, sa disparition nous rend sans doute orphelins de cette vision prométhéenne selon laquelle au génie créateur de l’homme est le fondement de notre civilisation. Qu’il repose donc en paix et qu’Allah Le Tout-Miséricordieux l’agrée dans son royaume éternel, amen !
En cette circonstance douloureuse, la Direction Générale de l’ONEP, la Rédaction et l’ensemble du personnel de l’ONEP présentent à la famille éplorée, aux parents, amis et connaissances, leurs condoléances les plus attristées et que la terre lui soit légère !
Amen
Par Zakari Alzoum Coulibaly