Monsieur le président, l’Assemblée nationale vient de clôturer la session budgétaire au cours de laquelle, la loi de finances pour l’année budgétaire 2023 a été examinée et adoptée par le parlement. Quelles sont les principales orientations de ce budget?
Pour l’année 2023, les principales orientations du budget restent toujours dans la ligne des engagements contenus dans le Programme de la Renaissance Acte III du Président de la République S.E Mohamed Bazoum et réaffirmés dans la DPG. Il s’agit notamment de la mobilisation des ressources nécessaires pour financer les dépenses essentielles dans les domaines de la sécurité, des infrastructures sociales de base et du développement ; l’amélioration de la qualité et de l’efficacité de la dépense ; la transformation de l’économie. A ce titre, la politique de mobilisation des recettes internes porte sur le renforcement des capacités et l’interconnexion des régies financières, l’élargissement de la base fiscale, la poursuite de la lutte contre l’incivisme fiscal et la fraude douanière. En matière de dépenses, les mesures de rationalisation et d’amélioration de la qualité et de l’efficacité des dépenses seront renforcées par la poursuite de la réforme sur le budget-programme, la modernisation des systèmes informatisés de suivi de l’exécution du budget et des marches publics. En ce qui concerne la transformation de l’économie, la politique budgétaire est orientée de manière générale sur la transformation de cette économie et la poursuite des reformes de la gestion des finances publiques. Pour ce faire, le Gouvernement dit qu’il engagera des reformes pour l’amélioration du climat des affaires et le renforcement du capital humain ainsi que la réduction des coûts des facteurs de production.
Nous sommes dans un contexte international de crise avec comme conséquence la rareté des financements. Pensez-vous que le gouvernement a opéré les ajustements nécessaires dans cette loi de finances 2023 pour s’adapter à cette situation ?
Il est certain que le contexte international reste encore caractérisé par des tensions multiples, et la crise en Ukraine, toutes choses qui entravent effectivement la mobilisation des financements extérieurs. Mais le cadrage macroéconomique et budgétaire de la loi de finances 2023 repose sur des hypothèses qui portent sur une reprise de la croissance mondiale et une évolution à la hausse des cours des principales matières d’exportation du Niger (pétrole, uranium). Ces hypothèses favorables sont donc la sortie de la pandémie de la Covid-19, le cours du pétrole qui avoisinerait 64,5 dollars/baril, le cours de l’uranium qui se situerait à 33 dollars/livre, la poursuite des grands projets (MCC, Barrage de Kandadji, l’Initiative 3N. A cela, il faut ajouter la crédibilité dont jouit notre pays sur le plan international, qui vient d’enregistrer des annonces de 22.7 milliards d’Euros pour des sollicitations de 10.5 milliards en vue du financement de son Programme de Développement Economique et Social (PDES) 2022- 2026
A travers ce budget, le Gouvernement a tablé sur un taux de croissance de 7.2% en 2023. Partagez-vous cette confiance de l’Exécutif surtout au regard de l’environnement volatile qui est le nôtre ?
Sur la base des hypothèses présentées par le Gouvernement et que j’ai rappelées tantôt, avec notamment un déroulement normal des campagnes agricole et pastorale qui s’est bien passé et la mise en service du pipeline pour l’exportation du pétrole brut en 2023, avec le relèvement des prix de nos principaux produits d’exportation, les prévisions du taux de croissance du PIB de 7.5% en 2023 sont tout à fait réalisables particulièrement si l’accalmie observée sur le plan sécuritaire se maintient durablement. Et c’est notre voeu le plus cher.
Monsieur le président, il ressort que 11% de la part du budget sont alloués au secteur du développement rural (agriculture et élevage notamment). Cela vous parait-il suffisant au regard des problématiques qui se posent dans ce secteur d’une part et d’autre part au regard des ambitions du Gouvernement pour ledit secteur ?
C’est un truisme de le dire : le développement de notre pays nécessite qu’une attention toute particulière soit accordée au secteur rural qui contribue pour environ 40% au PIB et fournit 44% des recettes d’exportation. Il convient de rappeler que l’agriculture et l’élevage principales composantes de ce secteur occupent plus de 85% de la population active. On comprend aisément les ambitions du Président de la République qui se propose de consacrer 15% des allocations budgétaires au développement rural et à la sécurité alimentaire et 7% à l’hydraulique rurale et urbaine. Effectivement dans la loi de finances 2023, 11.17% du Budget total sont destinés au développement rural et à la sécurité alimentaire, le développement rural s’entend ici l’agriculture et l’élevage. Mais à ce taux, il convient d’ajouter la part du budget affectée à l’hydraulique ne serait-ce que sa composante rurale, à l’environnement et au développement communautaire notamment les pistes et l’électrification rurale. Ainsi, si on fait ce total, ce sont plus de 25% de la part du budget global qui seront affectés au secteur rural. S’agissant des allocations sectorielles des dépenses, il ne faut pas céder à la démarche simpliste qui consiste à prendre le budget d’un département ministériel donné et le diviser par le budget total tellement certaines actions sont transversales et concernent plusieurs départements ministériels. C’est le cas entre autres du Barrage de Kandadji, de l’Initiative 3N, des réalisations dans le cadre du MCC.
On a souvent reproché à nos gouvernements d’élaborer des budgets non réalistes qui font une grande part, aux financements extérieurs Dans le budget 2023, c’est encore le cas avec une prévision de 1764,72 milliards sur les 3 245 44 milliards, soit 54.38% Quels commentaires cela, a-t-il suscité au niveau de votre Commission qui a examiné au fond cette loi de finances ?
Affirmer que les budgets ne sont pas réalistes, ne reflète pas la réalité de ce qui se passe et ce n’est pas reconnaitre les efforts continus du Gouvernement dans le cadre de la mobilisation des ressources tant externes qu’internes. A titre illustratif, nous avons adopté le 20 décembre dernier, la loi de règlement 2020 dont il est ressorti un taux d’exécution de 93,7% par rapport aux prévisions. Par ailleurs, je pense que la proportion des ressources extérieures dans le budget traduit d’abord la confiance des Partenaires techniques et financiers à notre pays et il faut s’en féliciter. Vous avez noté les annonces faites le 6 décembre dernier, à l’occasion de la Table ronde de Paris sur le financement du PDES 2022-2026. Aussi, le recours aux ressources extérieures pour financer le développement, a mon avis, n’est pas une mauvaise chose. Pour ce qui est des recettes internes, elles sont en nette progression en dépit du contexte sécuritaire qui entrave le bon déroulement des affaires dans notre pays.
‘’L’inflation est en ce moment, une problématique planétaire (…) nous avons attiré l’attention du Gouvernement à y accorder une attention particulière’’
Chaque loi de finances vient avec de nouvelles mesures fiscales. Quelles sont celles que vous avez retenues et qui peuvent avoir un impact positif sur le quotidien des citoyens ?
II importe d’abord de noter que les nouvelles mesures fiscales proposées par le Gouvernement s’inscrivent dans un cadre global d’amélioration continue de l’efficacité du système fiscal nigérien. Je note néanmoins les importantes exonérations accordées qui vont impacter positivement l’économie nationale. Il s’agit de l’exonération sur l’importation des matériels et équipements agricoles et d’irrigation, celle accordée sur l’importation des véhicules neufs destinés au transport des marchandises et des voyageurs et celle qui porte sur les produits Industriels locaux (au même titre que les produits agro-sylvo-pastoraux) à l’exportation. Il y a également la suppression de la TAATIE pour permettre aux entreprises du secteur de la téléphonie d’améliorer leurs services à travers de nouveaux investissements et enfin, l’allégement de la taxe d’apprentissage (TAP) en vue d’encourager les entreprises à recruter les jeunes diplômés
On peut craindre que certaines mesures soient susceptibles d’engendrer des conséquences comme par exemple la hausse des prix de certains produits ou services?
L’inflation est en ce moment, une problématique planétaire sans denier les hausses des prix observées notamment dans les grandes villes, le taux projeté de l’inflation malgré toutes les mesures d’atténuation prises par le Gouvernement ressortirait à 2,4% en 2023. Toutefois, nous avons, lors de nos discussions, attiré l’attention du Gouvernement à accorder une attention particulière à cette question qui effectivement devient préoccupante notamment au regard de la flambée des prix observée sur certains produits de première nécessité. En effet, il nous a été rapporté que dans certains pays de notre sous région, l’inflation a atteint un taux de 20 voire 30%.
Quel message avez-vous à la fois à l’endroit du Gouvernement et des citoyens dans le cadre de l’exécution de cette loi de finances ?
Je voudrais saisir cette opportunité pour féliciter le Gouvernement pour les résultats obtenus en matière de mobilisation de ressources et l’exhorter à poursuivre les efforts entrepris dans le cadre de l’amélioration de la qualité de la dépense publique. C’est en améliorant le service public et la transparence dans la gestion des finances publiques que les citoyens vont davantage soutenir les Institutions démocratiques et garantir la pérennité de la démocratie chèrement acquise dans notre pays. Comme vous l’avez regretté, les ressources internes demeurent encore inférieures aux ressources extérieures. Pour inverser la tendance, il faut que les citoyens, nous sommes tous, fassent un grand acte de civisme, en s’acquittant de leurs impôts, en renonçant aux tentations de fraudes de quelque nature qu’elles soient. Quant au Gouvernement il s’agit pour lui de poursuivre son programme de lutte contre la corruption et de doter les services fiscaux de moyens matériels et humains suffisants afin qu’ils puisent convenablement accomplir leurs missions.
Réalisé par Siradji Sanda(onep)