
Des milliers de jeunes de toutes les professions, fonctionnaires, commerçants, artistes, acteurs de la société civile se donnent constamment rendez-vous à la devanture du grand portail de la base 101 de l’escadrille depuis la veille de l’expiration du délai accordé aux troupes françaises pour quitter le Niger. C’est une ambiance de joie, de paix, de solidarité et de fraternité autour d’un but commun qui se dégage. Les Nigériens n’ont jamais été aussi soudés qu’à cette occasion. Depuis plusieurs semaines toutes les voies menant au rond-point escadrille grouillent de monde en particulier durant les weekends. Une occasion aussi pour certains jeunes de la capitale de se frotter les mains. Il s’agit des étalagistes et vendeurs à la criée de gadgets, pancartes, sifflet et tee-shirt avec la photo du Chef de l’Etat du Niger, des drapeaux Nigérien et de certains pays voisins, les vendeuses des galettes et plein d’autres commerces encore.
A 22h précise, tous les jours de la semaine, la place de la résistance est pleine à craquer avec des animations, des prêches et prières, des débats médiatisés, des séances de sensibilisation au niveau des deux podiums installés à la devanture des deux portes de la base 101. L’embouteillage oblige la circulation routière à fonctionner en mode ‘’GO SLOW’’. A plusieurs centaines de mètres du rondpoint la présence massive de la population est déjà perceptible.

Plusieurs Fadas des quartiers périphériques y sont installés sur les abords de voie expresse, sur rail. Certains campeurs posent du thé, d’autres ont installé une table de jeu des cartes ou d’autres jeux. Toute cette ambiance se passe de la distinction de génération, ou de sexe pour une veille patriotique permanente sans relâche. Tous sont venus pour se faire entendre et faire entendre leur colère contre la présence des troupes françaises et de l’ambassadeur déclaré Persona non grata par les autorités nigériennes et dont ils critiquent l’incapacité à endiguer la menace terroriste au Sahel, plus précisément au Niger.
A cet effet, le peuple reste déterminé plus que jamais et sans relâche pour revendiquer le départ de ces troupes selon des jeunes rencontrés aux alentours de la place de la résistance. Ces jeunes sont venus de différents quartiers souvent éloignés du rond-point Escadrille comme Bobiel, Niamey 2000 et d’autres zones périphériques de la capitale comme Liboré. «Nous sommes fermes et on reste déterminés jusqu’à la satisfaction : c’est la raison pour laquelle nous menons des actions citoyennes en sensibilisant nos frères, nos parents qui n’ont pas été à l’école. Nous ne sommes pas anti- français contrairement à ce que pensent beaucoup de personnes, nous voulons juste le départ de cette base militaire qui ne nous apporte rien. Trop c’est trop et le tout on le fera pacifiquement car ils veulent nous voir faillir pour attaquer notre pays, c’est une affaire de la patrie, de la souveraineté de notre pays le Niger » s’est exprimé un jeune manifestant.
D’autres jeunes postés à la devanture de la grande porte disent ne pas comprendre que la France qui dispose de 5 drones dont deux à Niamey, ne voit pas les mouvements des terroristes. « On nous dit qu’à chaque fois, il y a des attaques à quelques kilomètres de Niamey et que les troupes françaises ne peuvent pas intervenir avec leurs drones ou qu’elles ont, en moins d’une heure, ont perdu les traces des terroristes. C’est insensé. Ce que nous voulons de cette base Française plus précisément celle de l’escadrille, c’est de quitter définitivement le pays. Nous avons dit que nous n’avons pas besoin de leur aide militaire, qu’il nous laisse gérer notre propre affaire. Bien avant le terrorisme, le Niger a connu des rebellions et on a fait face à ses rebellions. On a eu des solutions là-dessus » ont-ils scandé sous un ton vif dans une ambiance festive.

Mehaou Tondi est une de ces bonnes volontés qui apporte contribution à la veille patriote. Cette brave dame préparant du niébé sur ses propres fonds toutes les nuits pour ravitailler les jeunes veilleurs de la place de la résistance de Niamey. « Il y a des filles de mon quartier qui m’assistent dans la préparation du niébé. Après avoir livré la nourriture à cette place, j’assiste également à la veille patriotique, car c’est une affaire de la patrie et nous devons tous amener notre contribution à l’édifice national » a-t-elle dit.
Un citoyen du quartier de Talladjé indique qu’il n’a pas la conscience tranquille tant que les soldats français sont toujours là et dit compter sur la fermeté des autorités à faire respecter leur décision pour le départ de ces militaires français. « Nous attendons de nos autorités d’être justes et équitables ; nous les accompagnons et nous allons encore continuer en implorant le bon Dieu de les aider afin d’atteindre l’objectif visé pour défendre la souveraineté de notre pays. C’est notre seule contribution en tant que musulmans », a-t-il confié.
Ces jeunes, filles, garçons, pères de famille, femmes au foyer, bref, toute générations confondues restent éveillées jusqu’à l’aube en animant les lieux et leurs alentours. D’autres dorment dans leurs véhicules, sur les passerelles, les passages piétons, sur des tapis ou des bancs qu’ils ont transportés depuis leurs quartiers pour la circonstance. D’autres prennent la relève jusqu’au soir et ainsi de suite. Tout ce beau monde est unanime sur la nécessité de débarrasser le sol nigérien de la présence des soldats français. Ils se battent ainsi ensemble pour booter les troupes françaises hors du Niger.
Ces permanences citoyennes sont aussi une occasion pour certains citoyens de faire des affaires. Certain se frottent comme ce jeune revendeur des drapeaux du Niger qui s’achètent comme de petits pains. Une manière pour les manifestants de montrer aux yeux de la communauté nationale et internationale que la jeunesse nigérienne, la population se mobilise davantage toutes les nuits et jours, contre vents et pluies. « Je viens de Madina 3, souvent à pied ou par occasion pour vendre les drapeaux à la place de la résistance. J’en tire des bénéfices. C’est aussi ma contribution à la brigade de veille. C’est un acte patriotique », dit-il.
Fatima, habitante du quartier boukoki, vendeuse de pain et de beignets dit aussi tirer son épingle de jeu. Malgré les intempéries, cette jeune femme est présente à la Place de la Résistance en soutien aux Forces de défense et de sécurité nigériennes. Des vendeurs d’eau, d’amuse-gueules, des étalagistes sont aussi un peu partout au niveau de la place de la résistance. D’autres jeunes ont eu l’ingénieuse idée de mettre en place un parking temporaire de motos et de voitures. Ce qui leur rapporte quelques pièces.
Rabiou Dogo Abdoul-Razak (ONEP)