Parler du phénomène de la mendicité au Niger, et particulièrement dans la ville de Niamey, la capitale, est loin d’être un scoop. La pratique a aujourd’hui atteint le seuil de l’intolérable. Il suffit de voir ce qui se passe au niveau des feux optiques, aux alentours des marchés et autres lieux publics pour en mesurer l’ampleur du phénomène. Et pourtant on se rappelle qu’en 2022, le gouvernement s’était engagé dans un processus afin d’éradiquer la mendicité. Toujours à la même année, un forum sur la mendicité a été organisé à Matameye dans le canton de Kantché pour sensibiliser les populations.
La pratique de la mendicité jadis, était le propre des personnes en situation d’handicap, des personnes âgées en situation de précarité ou encore de quelques talibés qui viennent des zones rurales pour apprendre le Saint Coran. Il était rare de voir une personne bien portante s’adonner à cette pratique pour le moins dégradante. Aujourd’hui, ils sont là, hommes, femmes, enfants, de tout âge, chaque jour et à n’importe quelle heure à la quête du gain facile. En effet, tout le problème se trouve à Niamey où des gens bien portants, obnubilés par le goût du gain facile, ont décidé de vivre et de s’enrichir sur le dos des autres. Décidés à faire carrière dans la recherche du gain facile, ces gens ont érigé la mendicité en un métier à part entière. En dehors des jeunes talibés qui arpentent à longueur de journée les rues en quête de nourriture, on trouve de nombreux jeunes et adultes (hommes et femmes) qui font une carrière bien remplie et « alléchante » dans la mendicité. La pratique a comme excuse la pauvreté et la précarité de la vie.
Au quartier Dar Es-salam, plus précisément dans le couloir situé entre le village d’enfants SOS et l’école Hampâté Bâ, ils sont plus d’une trentaine, assis à même le sol. En face d’eux, des immondices jonchent tout le long du couloir et dégagent une odeur nauséabonde. Pour quelqu’un qui ignore la cause de leur présence en ces lieux, il penserait qu’ils seraient là en attente d’une subvention de l’Etat. Mais non ! il s’agit d’une horde de quémandeurs. Chaque matin les occupants de cet espace prennent d’assaut les lieux, leur bureau, pour attendre, nous a-t-on, un ‘’homme de Dieu ‘’qui n’hésite pas à offrir à chacun, un billet de 500 franc cfa. D’après le vieux Seydou, la soixantaine révolu, assis sur sa chaise devant son petit commerce de sucrerie pour enfant, ces mendiants viennent dès 7 h du matin occuper cet espace. Après le passage du bon samaritain, chacun d’eux apprend-t-on, vaque à ses occupations pour revenir le lendemain. L’ironie, sinon l’absurdité dans cette affaire, c’est que bon nombre de ces gens, ces bras valides, parcourent plusieurs kilomètres pour la modique somme de 500franc cfa parce que tout simplement ils en ont fait un métier, un choix de vie, un gagne-pain.
Ce couloir n’est cependant pas le seul bureau de ses avides du gain facile. Sur le goudron situé au niveau de la cité EAMAC, de nombreuses femmes accompagnées de leurs enfants s’adonnent à la pratique sans se soucier des risques qu’elles font courir à leur progéniture. Dans les marchés, mendier rime avec harcèlement. Ce qui avait pour habitude d’attirer la compassion des gens, est devenu pour beaucoup agaçant et stressant.
Décrier les pratiques liées à la mendicité dans une société comme la nôtre où les valeurs sont fortement ancrées dans la religion est certes un exercice difficile mais, il est grand temps pour les autorités de mettre un terme à cette profession qui ternit l’image du pays. L’heure n’est plus à la sensibilisation mais à la prise de décisions drastiques pour y mettre fin.
Rahila Tagou (ONEP)