
M. Amadou Djibo, psychologue
Troubles de l’attachement, relations rompues, modèles relationnels malsains, anxiété et dépression, troubles du comportement, addictions, difficultés académiques et professionnelles, telles sont les conséquences du Syndrome de l’Aliénation Parentale. Le SAP se décrit comme un phénomène dans lequel un des parents se livre à des comportements aliénants, influençant l’esprit de l’enfant afin de favoriser chez lui, le rejet injustifié et la désaffection à l’égard de l’autre parent. Sujet tabou mais répandu, le SAP est dans la plupart des cas liés à la séparation ou à un conflit entre les deux parents.
Selon, M. Amadou Djibo, psychologue, une campagne de dénigrement à l’égard de l’autre parent, une absence d’ambivalence, le phénomène du ‘’penseur indépendant’’, une indifférence aux sentiments de l’un des parents, une présence d’arguments empruntés ou des crises de colères répétitives de l’enfant sont entre autres, les symptômes de l’aliénation parentale. Aucun parent n’est à l’abri de vivre cette situation avec son enfant. Il existe au total, selon le spécialiste, trois degrés d’aliénation à savoir le stade léger, le stade moyen et le stade grave. Le premier se traduit par une campagne de dénigrement rare ou discrète, le second par l’intensification des dénigrements à l’égard du parent aliéné et le dernier stade par une situation difficile et une cohabitation impossible entre l’enfant et le parent aliéné.
Des traumatismes passés, une insécurité personnelle, un besoin de contrôle, des pressions ou normes sociétales, de l’influence extérieure, de divorce ou d’une nouvelle relation suite au changement de partenaire de l’un des parents sont des facteurs favorisant le SAP dans les familles. D’après M. Amadou Djibo, plusieurs familles nigériennes font face à cette situation mais, aucune n’ose en parler par peur du jugement de la société ou tout simplement par respect aux coutumes et mœurs sociétales. Cependant, il existe des parents ou des familles qui lient les comportements ou réactions de l’enfant aux problèmes mentaux ou spirituels. Une jeune maman, divorcée, âgée de 36 ans a vécu le rejet de sa fille pendant des années. « J’ai pris la garde de ma fille après mon divorce. Par protection, je l’ai empêchée d’être en contact avec son père ou un membre de sa famille. Il est décédé et depuis, j’ai perdu l’amour, l’affection et la considération de cette dernière », confie-t-elle.
D’après le psychologue, cette femme s’est rendue compte de l’état mental de sa fille après avoir pris part à la conférence organisée sur les relations familiales évoquant le SAP comme élément majeur dans les conflits familiaux. Un autre garçon consulté régulièrement par le médecin et conscient de son état nous fait cas de sa mésaventure : « Je me suis complètement éloigné de mes parents car, je vivais dans un foyer en guerre. J’ai vécu avec ma tante et c’est l’école qui m’a orienté vers ce médecin car, je n’arrive pas à me concentrer sur mes études convenablement », confie-t-il.
Les préjugés sociaux et la guerre entre les deux parents ou les deux familles après une séparation impactent largement l’état de santé mentale des enfants. De plus, ajoute le psychologue, les croyances religieuses rendent difficile le diagnostic de cette pathologie chez les enfants et les parents. « Certaines familles évoquent la sorcellerie ou les pratiques occultes dangereuses d’un parent sur l’enfant afin que ce dernier rejette totalement l’autre parent alors qu’il n’existe aucun lien entre le SAP et ces dernières », explique le spécialiste.
Par ailleurs, M. Amadou Djibo souligne qu’il existe plusieurs signes distinctifs de l’aliénation parentale. Il s’agit du changement soudain de comportement, une répétition de critiques, un refus de communication, des souvenirs altérés, une solidarité aveugle avec l’aliénateur, des réactions extrêmes à l’idée du parent aliéné, un rejet des autres membres de la famille et des justifications vagues quant au rejet de l’autre parent. « Les parents doivent être attentifs au changement brusque de l’enfant et essayer de connaître la cause. Un changement ne survient jamais seul et un enfant ne peut jamais rejeter un parent sans aucune raison », dit-il.
Le spécialiste affirme que des éléments de prévention existent afin de préserver le bien-être émotionnel et psychologique de l’enfant et les relations familiales car, l’aliénation parentale peut provoquer la rupture définitive entre l’enfant et le parent ciblé. Entre autres éléments de prévention figurent la communication entre les parents à travers un dialogue ouvert ou la médiation, les ateliers de sensibilisation et les conseils, les discussions calmes, apaisantes avec les enfants, parler positivement de l’autre parent en présence des enfants, avoir une écoute active face aux préoccupations de l’enfant, promouvoir les relations saines et passer des moments en famille, rechercher dans les cas extrêmes une aide extérieure, une consultation juridique ou psychologique.
L’aliénation parentale est une situation dans laquelle l’enfant et le parent ciblé souffrent. Qu’elle soit d’origine interne ou externe à l’enfant, les parents doivent se réunir afin de faciliter la guérison de l’enfant et la restauration de la famille. En cas de séparation, le spécialiste recommande une consultation chez le psychologue, une discussion calme avec l’enfant et une patience accrue des deux parents pour soutenir ce dernier car, comme l’atteste l’auteur Danois, Jesper Juul, « Un enfant blessé dans son intégrité ne cesse pas d’aimer ses parents, il cesse de s’aimer lui-même ».
Massaouda Abdou Ibrahim (ONEP)