Depuis les événements du 26 juillet 2023, le Niger fait face à des multiples défis, le tout accompagné par des enjeux économique, sécuritaire, géopolitique et stratégique, etc. En effet, plusieurs facteurs sont favorables à cela, notamment la mise en service de l’oléoduc Niger-Bénin, de près 2.000 km de long, l’exploitation imminente de nouveaux gisements de pétrole et d’uranium, la réalisation du barrage hydroélectrique de Kandadji, le mécanisme d’intégration et d’unification en cours à travers l’Alliance des Etats du Sahel (AES), la concrétisation de la coopération avec la Russie, la matérialisation des relations stratégiques basées sur des principes clairs d’égal à égal, la dénonciation des accords avec les forces impérialistes, etc.
Les questions liées aux ressources naturelles, qui sont une source cruciale de revenus pour le Niger, leur contrôle et leur gestion sont des enjeux importants. Décidément, les autorités militaires du Niger attachent une importance absolue à la souveraineté politique et économique du pays. C’est pourquoi, les cartes de négociations sont en train d’être rebattues dans plusieurs domaines.
Dans le cadre de ces renégociations, l’Etat du Niger a sollicité une avance de 400 millions de dollars sur l’exploitation de son pétrole brut auprès de l’Etat Chinois à travers la CNPC. L’octroi de cette avance a été matérialisé à travers la signature de plusieurs contrats entre la CNPC et l’Etat du Niger le 12 avril 2024. Après 12 mois, le Niger va lui-même chercher ses partenaires pour la commercialisation de son pétrole. Au terme de ces contrats, l’Etat nigérien exige de la CNPC, plus de contribution au traitement de l’industrie pétrolière du Niger. « La CNPC est déterminée à accompagner le Niger dans le renforcement des capacités dans l’industrie pétrolière du Niger », rapporte l’ambassadeur de la République Populaire de Chine au Niger Jiang Feng.
Tout de même, les acteurs de la société civile s’interrogent sur les profits du Niger à travers les éléments qui constituent des enjeux pour le Niger, car le régime déchu a perverti le Niger pendant 13 ans avec une répartition de la manne pétrolière qui n’avantageait pas le pays. Ils estiment que ce n’est pas en 8 mois que le CNSP peut mettre fin à toutes les pratiques anciennes et arrêter tout le monde. « Après l’avènement du CNSP, le Niger devient un grand exportateur du pétrole grâce à la mise en marche du transport à travers les pipelines. Les enjeux aujourd’hui, c’est la renégociation des contrats avec les partenaires, car les anciennes relations et contrats comportent des griefs », regrette Mohamed Elkabir, acteur de la Société Civile.
Depuis plusieurs années, la gestion du pétrole a été faite dans une opacité totale. M. Abdoulaye Issoufou Gambo, est Ingénieur en science de gestion des activités pétrolières, hydrocarbure et management de qualité. Il est notamment l’auteur d’un ouvrage intitulé « L’or Noir du Niger : Marché et Retombées économiques ». Il dénonce la gestion chaotique et décousue de la manne pétrolière. Selon lui, beaucoup de Nigériens ont parlé d’Agadem, de la Société de Raffinage de Zinder (SORAZ), etc. mais en réalité peu, ont pu avoir la possibilité d’assister ou de passer un temps d’activité sur les sites afin de prendre connaissance des réalités. Pourtant, ce vaste potentiel pétrolier est considéré comme l’un des moteurs de l’économie nigérienne.
L’amélioration de l’environnement des affaires et la finalisation du pipeline Niger Bénin long de 2000km fait du Niger une destination de choix pour les groupes pétroliers qui ambitionnent d’investir dans l’exploration, la production, et l’exportation du pétrole brut du Niger. « Il fallait que nous soyons attentifs sur les conditions financières, les conditions politiques, les exigences environnementales et la position géostratégique du Niger », prévient-t-il.
Des ressources naturelles pour booster l’économie améliorer la vie des nigériens
Le Niger compte sur la richesse de son sous-sol pour relancer son développement socioéconomique. Pour Moussa Tchangari de l’Association Alternative Espace Citoyen, les ressources naturelles sur lesquelles le pays compte pour booster son économie et améliorer la vie de la population suscitent beaucoup de convoitise. « Sur le plan économique, la situation s’est dégradée à cause des mesures prises le lendemain du coup d’Etat notamment les sanctions des institutions régionales. Ce qui a poussé à la révision du budget de l’Etat qui a été réduit de près de 40 % des ressources qui, devaient venir de l’extérieur. Aujourd’hui, beaucoup d’acteurs vivent difficilement parce qu’il y a beaucoup d’activités qui ont pris des sérieux coups. Les approvisionnements sont encore difficiles. Les opérateurs sont obligés de passer par le corridor du Togo. Ce trajet à des implications, car les opérateurs récupèrent l’argent injecté à travers les hausses des prix. Il y a une hausse réelle du prix qui affecte la consommation. Et si la consommation est affectée évidemment ça va toucher toute l’économie », analyse Moussa Tchangari.
Les Nigériens gardent des espoirs évidents fondés sur les belles perspectives. Cependant Moussa Tchangari prévient que même s’il y a la perspective de disposer de la rente du pétrole brut, évidemment la situation restera encore difficile. « Il y a beaucoup d’initiatives qui sont arrêtées qu’il va falloir relancer. Dans un pays qui est en crise sécuritaire, l’argent qu’on peut gagner du pétrole brut en partie risque d’aller aussi dans le domaine sécuritaire. L’autre élément dont on ne parle pas beaucoup c’est la crise alimentaire. Vous savez que le pays traverse une situation alimentaire très difficile. Il faut être conscient de toutes ces situations », regrette-t-il.
Dans cette vague de crises géopolitiques et stratégiques, trois (3) pays du Sahel en proie à l’insécurité, notamment le Burkina Faso, le Mali et le Niger mettent en place un mécanisme d’intégration et d’unification : l’Alliance des Etats du Sahel (AES). Sur le coup, les membres décident de quitter la CEDEAO et envisagent de créer leur propre monnaie. Cet acteur de la société civile estime que la création de la monnaie est une bonne chose. « La monnaie étant un instrument important de souveraineté. C’est tout à fait légitime pour les pays de l’AES d’envisager de quitter le CFA. Il faut être conscient que ça ne sera pas un jeu d’enfant. Il faut bien se préparer, discuter sur les difficultés qui peuvent arriver et prévoir un plan clair. Ce n’est pas impossible de se lancer dans la création d’une monnaie, car cette histoire de franc CFA est un véritable problème. Il faut des plans très clairs. Des pays en crise sécuritaire de cette ampleur qui envisagent de se lancer dans un projet de création d’une monnaie, ce n’est pas un mince défi », rétorque Moussa Tchangari.
Les acteurs ne partagent pas les mêmes points de vue sur cette question de l’exploitation des ressources. Selon l’expert de l’APEDEV, le Niger à l’instar des autres pays africains est considéré comme une périphérie exclue. Le Niger, précise-t-il est considéré comme un pays non à vivre mais vital grâce à son sol riche. Désormais à travers les nouvelles autorités, l’espoir renaît pour des exploitations avec des partenaires fiables dans un contexte mutuellement avantageux. Pour lutter contre le chômage à travers l’exploitation des ressources, le Niger doit interdire la vente de ressources brutes en vue de favoriser l’exploitation et la transformation sur son sol à l’image de Botswana qui avait procédé ainsi. Aussi dans ce domaine, la souveraineté du Niger doit prévaloir, ce qui lui permettra de choisir librement ces partenaires.
L’une des préoccupations considérées comme dans l’air du temps, ce sont les enjeux géopolitiques et stratégiques pour le Niger qui incluaient plusieurs éléments importants pour le pays. Cela pourrait concerner la sécurité régionale, notamment en raison de la présence de groupes terroristes dans la région du Sahel et de la menace qu’ils posent à la stabilité du pays. De plus, la question des frontières et des relations avec les pays voisins, ainsi que les alliances régionales et internationales, jouent aujourd’hui un rôle clé dans les enjeux géopolitiques et stratégiques du Niger. Pour Ibrahim Bilal, président de l’Association Paix et Développement (APEDEV) et expert sur les questions de Paix et Sécurité, ces enjeux sont cruciaux pour le développement, la sécurité et la stabilité du pays. « La concrétisation de la coopération avec la Russie, notamment l’arrivée des premiers éléments et conséquemment la dénonciation des accords militaires avec la France et les Etats Unis sont des éléments à prendre en compte avec beaucoup d’attention. Aujourd’hui il est clair que la Russie est le premier partenaire du Niger sur les questions sécuritaires », estime-t-il.
L’intégration pour les pays de l’AES et la lutte contre l’insécurité
Dans cette ère nouvelle, la première des choses dont le Niger a besoin, c’est la sécurité. Elle est une condition sine qua non pour le développement de tout pays. Les citoyens aspirent à leur protection et celle de leurs biens. « Depuis longtemps cette insécurité a semé la psychose et le choc au Niger au point où les gouvernants en ont fait véritablement leur première préoccupation. Pour ce faire, il est impératif, sinon vital de combattre ce fléau qui met à mal le développement du pays. Cette lutte doit se faire à travers le renforcement des moyens militaires et la multiplication des actions ainsi que l’amélioration des conditions des acteurs en charge de la défense et de la sécurité », affirme Ibrahim Bilal.
Selon cet expert, la maîtrise des frontières est intimement liée à la souveraineté qui est l’un des éléments constitutifs de la définition d’un État du point de vue juridique. « La première faille d’un État c’est la non maîtrise de ses frontières qui sape toute autre activité. Cette maîtrise est indispensable encore que le Niger est frontalier avec des pays affectés par l’insécurité grandissante, notamment le Tchad, le Nigeria et le Bénin. Il incombe aux autorités nigériennes de renforcer l’arsenal déployé sur toutes les zones à risques des missions des forces de défense et de sécurité. Dans le même objectif, le contrôle de l’espace est plus qu’un truisme. A ce stade, les services de sécurités des frontières doivent être renforcés avec des équipements nécessaires », interpelle l’expert.
L’orientation des partenaires techniques et financiers (PTF)
Les partenaires techniques et financiers (PTF), les missions, les organismes internationaux, les centres culturels, les loteries visas, etc. sont les données stratégiques des occidentaux contre les pays africains. En effet, ces derniers, s’indigne le président de l’APEDV, viennent en Afrique au nom d’une aide qui n’aide pas les africains à se passer de l’aide. « Ce sont des cancers qui se déguisent en partenaires pour prendre les renseignements, connaître l’économie de nos pays, les forces et les faiblesses. Ils abrutissent nos cultures en imposant les leurs. Ils nous proposent une aide en nous faisant oublier que notre développement repose sur nos propres efforts. Pour y faire face, l’État doit passer à une réglementation plus rigoureuses de ces acteurs et les orienter vers des secteurs souhaités par lui-même », propose-t-il.
A toutes ces questions, s’ajoute celle de la rupture avec les puissances impérialistes. Sur ce plan, les acteurs proposent une rupture définitive avec le colon sur certains plans. « Notre pays tout comme les japonais, les haïtiens, les chinois, doit aussi rompre avec le colon. La conférence de Berlin de 84-85 à l’issue de laquelle 14 pays dont 12 pays européens avaient décidé du sort des Etat africains doit désormais être un passé. Il nous faut, face à ces puissances, affirmer notre indépendance dans la prise des décisions. Pour cela, le partenariat avec des puissances n’ayant pas une dimension colonialiste telle que la Russie, est très important. Cela aidera nos pays à bénéficier des renseignements, des matériels militaires et d’une assistance contre les méfaits des puissances impérialistes qui veulent s’en prendre à nos pays », estime-t-il.
Le Niger avec plus de 25 millions d’habitants est-t-il à la croisée des chemins ? La rationalité des enjeux sera-t-elle favorable pour le Niger et les Nigériens ? A toutes ces interrogations, un rapport d’activité d’une banque panafricaine révèle que le Niger dispose d’une économie résiliente dévoilée par ce fait marquant lié au coup d’Etat du 26 juillet suivi par une batterie de sanctions des institutions régionales : les fermetures des frontières, la mise sous embargo, etc.
Cet article est produit dans le cadre du projet « Renforcement de capacité des journalistes pour enquêter sur les violations des droits Humains dans le Bassin du Lac Tchad », mis en œuvre par L’Evènement Niger en collaboration avec le Centre pour l’Innovation du Journalisme et le Développement (CJID).
Par Abdoul-Aziz Ibrahim,