Plus aucune goutte du Méleck (pétrole brut nigérien) ne coule vers le Bénin. Les vannes sont fermées effectivement, depuis la station initiale de Koulélé, dans la région de Diffa, dès le lendemain de l’arrestation le 5 juin dernier, sur la plate-forme de Sémé (au Bénin), d’une délégation nigérienne partie contrôler les opérations de chargement. Le ministre du pétrole Mahaman Bako Moustapha Barké est allé, à la station initiale de Koulélé, dans la région de Diffa, en compagnie de deux membres du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), à savoir le Haut Commandant de la Garde Nationale du Niger et le Directeur Général des Douanes, ainsi que le gouverneur de la région de Diffa, afin de vérifier l’exécution de l’ordre et pour s’en assurer, poser des chaînes, sceller et assigner aux nigériens (FDS et techniciens de l’Etat) la mission de veiller au respect de cette fermeture hermétique.
Arrivée à bord d’un vol aux environs de 13h40 à Jaouro Airport, sous un ciel clément tout juste après une fine pluie, le 11 juin, la forte délégation a, quelques instants plus tard, mis le cap sur sa destination finale. Au bout d’une piste sablonneuse longue, quelque 70 km difficiles à parcourir, le long cortège a marqué un arrêt à Méleck, un village dont le brut nigérien porte symboliquement le nom. A côté dudit village, l’une des imposantes stations de la China National Petroleum Corporation (CNPC) qui envoie du brut vers la station initiale (PS1) de Koulélé. Au sortir de la station, la délégation a rendu une visite de courtoisie aux habitants du village de Méleck à qui elle a transmis les salutations du Président du CNSP, Chef de l’Etat, le Général de Brigade Abdourahamane Tiani.
La délégation est arrivée ensuite à Koulélé, à la tombée de la nuit. Le lendemain, soit le 12 juin. Les autorités ont rencontré, autour d’une table, les responsables de la CNPC, ceux de WAPCO et les techniciens de la Direction Générale des Hydrocarbures. Ils ont, au cours de cette réunion, passé au peigne fin les circonstances techniques de la mise en œuvre de l’arrêt de l’exportation via le pipeline qui doit demeurer en bon état, du moins dans sa partie nigérienne, aussi longtemps que durera la fermeture des vannes.
N’y voyant aucun risque majeur, susceptible d’impacter sur l’opérabilité des installations, à la lumière des explications et propositions des dispositions à prendre apportées par les ingénieurs nigériens, les autorités ont entériné la mesure de ne permettre aucune simulation au besoin de maintenance, avant d’exhorter tous les acteurs au respect strict de la décision.
La délégation s’est ensuite transportée sur le site de la station initiale de Koulélé, d’où part tout ce qui coulait dans le PENB. Après un accueil emprunt de civilités, des formalités, précédées des honneurs militaires rendus par un détachement de la Garde Nationale du Niger (GNN) de la place, le ministre qui n’est pas à sa première visite sur les lieux, a balayé de regard les impressionnantes installations avant de se figer, tout à trac vers l’essentiel, les vannes.
Le 1er Novembre 2023, le premier ministre Ali Mahaman Lamine Zeine ouvrait, à Koulélé, ces vannes pour l’exportation du brut vers le terminal de Sémé (au Bénin) via le pipeline long de près de 2000 km. Ce n’est pas de gaieté de cœur que les autorités nigériennes y reviennent, quelques mois plus tard, cette fois ci pour les fermer hermétiquement, les sceller et assigner aux techniciens de l’Etat affectés sur les sites ainsi que les officiers des FDS en service sur les lieux de veiller à ce que plus aucune goutte du Méleck ne coule vers l’export.
Les indicateurs automatiques sont en effet sur « shut ». Mais comme si cela ne suffisait pas, les autorités demandent d’abord aux techniciens des clarifications sur les aspects pratiques du fonctionnement du dispositif. Ils procèdent alors à la vérification des vannes manuelles, avant de les faire fermer encore, sceller avec un système d’alarme. Notons, qu’auparavant le ministre et les personnalités qui l’accompagnent ont fait pareil à la station de Méleck.
« Quel que soit ce que cela va nous coûter, nous sommes prêts à assumer. Il ne s’agit pas de penser aux intérêts immédiats », Mahaman Bako Moustapha Barké, ministre du pétrole
Le gouvernement et le CNSP assument ainsi la fermeture des vannes face aux agissements ridicules et fallacieux des autorités béninoises qui, allergiques à la transparence, ne voulent pas des représentants du Niger lors des chargements, cela au mépris de leurs propres engagements consignés par des conventions. Par ce fait, le Bénin a montré que ses signatures ne sont en réalité que des dessins sans aucune importance, estime le ministre du Pétrole. « Je ne sais pas combien de décennies, il faut pour que le Bénin puisse effacer les torts qu’il nous a faits, qu’il puisse effacer son image d’Etat non fiable, un pays qui ne respecte pas ses engagements formels non seulement vis-à-vis du Niger, mais aussi vis-à vis du monde entier », a déploré M. Mahaman Bako Moustapha Barké. En effet, les accords sur l’exportation des produits comme le pétrole se respectent même en temps de guerre. « Dommage, je suis malheureux pour le peuple béninois avant d’être malheureux pour nous-mêmes », s’indigne le ministre du Pétrole.
« Nous ne pouvons pas accepter qu’on nous vole. C’est ce que cela signifie, le fait de vouloir charger sans nos représentants sur place », dixit le ministre. Aux officiers en tête des détachements des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) et aux responsables nigériens sur les sites « chacun de vous a reçu sa mission : de veiller. Faites en sorte que notre pétrole ne nous soit pas volé, parce que c’est de cela qu’il s’agit. Nous ne pouvons pas l’admettre, quel que soit le prix. Surveillez, rapportez le moindre problème », a lancé le ministre du pétrole. « Celui qui violera les consignes, assumera les lourdes conséquences », a-t-il prévenu. « Quel que soit ce que cela va nous coûter, nous sommes prêts à assumer. Il ne s’agit pas de penser aux intérêts immédiats », assène le ministre Mahaman Bako Moustapha Barké. « Nos enfants, nos petits-enfants, en profiteront, longtemps que ça durera », a-t-il poursuivi. Le ministre du Pétrole n’exclut pas la possibilité d’un dénouement de la situation. « Quand la situation reviendra à la normale, quand le Bénin respectera ses engagements, à commencer par la libération des représentants du Niger, nous pourrons rouvrir ces vannes, mais pas avant », a-t-il martelé.
Ismaël Chékaré, Envoyé Spécial