
Des visiteurs patientent devant le portail principal de l’hôpital, à Lamordé
De plus en plus fréquente au Niger, l’insuffisance rénale représente un problème de santé publique majeur. C’est une maladie qui correspond à une incapacité des reins à filtrer et à nettoyer correctement le sang de l’organisme. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, les décès liés à des maladies rénales ont atteint 2 732 en 2020, soit 1,70% du total des décès. Ainsi, vu la cherté de la prise en charge de cette maladie, l’Etat du Niger, à travers le ministère en charge de la Santé, a décidé de subventionner la dialyse et de renforcer les services de néphrologie avec des équipements de pointe afin d’alléger la souffrance des patients.
Dans la capitale Niamey, le Service de Néphrologie-Hémodialyse de l’Hôpital Amirou Boubacar Diallo de Niamey est un centre de référence pour les patients atteints de l’insuffisance rénale. Il a pour missions principales de : servir de centre national de référence dans le domaine des maladies rénales, assurer un traitement correct des différents types de l’insuffisance rénale et surtout de réduire le nombre des évacuations sanitaires à l’extérieur, car elles sont coûteuses. Selon les explications du médecin néphrologue, praticien hospitalier du service de Néphrologie-Hémodialyse de l’Hôpital Amirou Boubacar Diallo de Niamey, Dr. Djibrilla Bonkano Bawa, il existe deux types d’insuffisance rénale. Il s’agit de l’insuffisance rénale aiguë qui est une situation temporaire d’arrêt du fonctionnement des reins qui survient le plus souvent après une infection type paludisme, des infections urinaires ou une situation de déshydratation ou d’autres types de situations qui entraînent un arrêt brutal et momentané du fonctionnement des reins. « Donc cette situation est potentiellement récupérable, réversible et le patient peut par la suite recouvrer le fonctionnement normal de ses reins. C’est une situation temporaire et en plus curable ou ‘’soignable’’. », a-t-il indiqué.

S’agissant de l’insuffisance rénale chronique, le spécialiste explique que c’est la diminution progressive et irréversible de la capacité des reins à assurer leurs fonctions de filtration du sang, de régulation de sa composition et de sécrétion d’hormones. Selon lui, avec ce cas d’insuffisance rénale, le patient peut arriver à des situations où son rein ne fonctionnera plus et il sera obligé de continuer la dialyse jusqu’à la fin de sa vie, où jusqu’à ce qu’il puisse avoir une transplantation rénale. « L’insuffisance rénale chronique (IRC) est une cause importante de mobilité et de mortalité, et elle est souvent associée à d’autres maladies chroniques comme le diabète et l’hypertension », a-t-il fait savoir.
En outre, Dr. Djibrilla Bonkano Bawa signale que le diagnostic de l’insuffisance rénale repose sur des examens sanguins et urinaires, ainsi que sur l’évaluation des symptômes du patient. Selon le medecin, les analyses de sang permettent de mesurer le taux de créatinine et d’urée et de calculer le débit de filtration glomérulaire, un indicateur clé de la fonction rénale. Les analyses d’urine, quant à elles, peuvent relever la présence de protéines ou de sang, signes potentiels de lésions rénales.
Pour inverser la tendance de cette maladie, plusieurs mesures ont été prises par les nouvelles autorités du pays. « C’est une maladie qui entraîne une mortalité importante, c’est pour cela que l’Etat du Niger est en train de fournir beaucoup d’efforts pour pouvoir pallier ce problème. Donc, cela va commencer par la sensibilisation de la population par rapport à cette maladie qui est plus ou moins méconnue. Aussi, l’Etat est en train de construire des Centres de dialyse un peu partout à l’intérieur du Niger ; ce qui va permettre aux néphrologues, aux praticiens de la santé de prendre en charge précocement ces maladies et de donner des thérapeutiques qui puissent ralentir la progression de la maladie », a souligné le médecin néphrologue.
Réduction des prestations sanitaires à hauteur de 50% et prise en charge de la dialyse par les autorités
La prise en charge de l’insuffisance rénale est une étape très difficile pour les familles des patients. Cependant, avec l’arrivée des nouvelles autorités, l’Etat a pris la décision de réduire les prestations sanitaires à hauteur de 50% et de subventionner la dialyse. « Le malade ne paye pas les frais pour faire la dialyse. Il y a juste certaines dépenses qui sont liées à la prise en charge qui sont supportées par le malade et aussi les médicaments que le malade doit prendre au quotidien. Les dépenses qui sont supportées sont les produits que le malade prend. Par exemple, s’il a le diabète, la tension, l’anémie, une hypocalcémie, il doit donc acheter les médicaments pour prendre. Dans certaines situations aussi, nous demandons certains types d’examens qui ne sont pas pris en charge », a dit Dr. Djibrilla Bonkano Bawa.

Le praticien explique également que la création d’un service d’urgence de dialyse à l’Hôpital Amirou Boubacar Diallo de Niamey est un outil fondamental de prise en charge pour les cas d’extrême urgence de dialyse. « Cela nous permet de faire la dialyse à tout moment et ça permet de soulager la souffrance des patients. Donc c’est un outil très important dans la prise en charge des patients, surtout pour des patients qui viennent dans des situations d’extrême urgence et à des heures assez tardives, par exemple la nuit. Tous les moyens nécessaires sont mis à notre disposition pour pouvoir sauver le malade. Donc, c’est pratiquement une révolution dans la prise en charge des patients souffrant de cette maladie, dans la rapidité », a-t-il mentionné.
Les actions menées pour une lutte collective contre de la maladie
Dans l’objectif de réduire le taux de prévalence de cette maladie, plusieurs actions sont menées par les agents de santé, notamment à travers les sensibilisations dans les médias traditionnels et les nouveaux outils de communication que sont les réseaux sociaux. « Nous avons aussi une journée qui est dédiée à la prise en charge des maladies rénales ; et, au cours de cette journée, nous invitons les journalistes pour qu’ils puissent informer l’opinion publique sur les enjeux de cette maladie. Depuis sept ans, il y a une formation qui se fait au Niger par les médecins spécialistes en néphrologie et des techniciens en néphrologie à travers le ministère de l’enseignement supérieur afin de doter les formations sanitaires de ressources humaines qualifiées pour pouvoir prendre en charge, de façon efficace et précoce, les patients qui souffrent de cette pathologie », a précisé le néphrologue.
Une maladie évitable si l’on respecte les règles d’hygiène
Pour vivre en bonne santé sans contracter cette maladie destructrice des reins, le néphrologue donne quelques conseils. « Pour qu’une personne saine puisse éviter la maladie, elle doit beaucoup s’hydrater (deux à trois litres par jour), ne pas manger trop salé, très sucré et trop gras. Il faut éviter de fumer où de prendre de l’alcool. On doit également éviter des médicaments traditionnels, ne pas prendre des médicaments à la pharmacie sans ordonnance et enfin éviter la sédentarité, le surpoids et l’obésité », a-t-il conseillé.

Cette pathologie prend de l’ampleur au Niger et la prise en charge coûte cher à l’Etat. Pour cela, la sensibilisation de la population sur le dépistage est aussi un moyen essentiel dans la lutte contre l’insuffisance rénale. « Nous exhortons la population à faire le dépistage au moins une fois dans l’année pour ceux qui n’ont pas de pathologies ou d’autres maladies, et deux fois dans l’année pour les patients qui sont suivis pour l’hypertension artérielle, le diabète, l’obésité, les maladies infectieuses et les personnes âgées de 60 ans à plus. C’est important de venir à l’hôpital pour se faire dépister », a conseillé le médecin néphrologue.
Des témoignages émouvants
Amina, une mère de famille a perdu son fils ainé qui souffrait d’insuffisance rénale. « Il s’appelle Abdoul Nasser, âgé d’une vingtaine d’années. Un enfant calme et très intelligent. L’année passée, il se plaignait toujours de troubles digestifs. Pensant qu’il avait des ulcères, il faisait le traitement traditionnel avec de la poudre des plantes. Il aura fallu plusieurs mois pour qu’on découvre qu’il avait une insuffisance rénale de type chronique. Après plusieurs séances de dialyse à l’hôpital Lamordé de Niamey, il nous a quittés en début du mois de mai alors qu’il préparait sa licence », nous confie Amina, les larmes aux yeux.
Aliou Dan Malka est un patient guéri complètement de l’insuffisance rénale, après plusieurs séances de dialyse. « J’ai été victime d’une insuffisance rénale dûe à une consommation abusive des décoctions des plantes. J’ai découvert que j’étais atteint de cette maladie étant sur le lit de l’hôpital, après plusieurs examens de sang. Ils m’ont référé au CHU Lamordé où j’avais suivi six (6) séances de dialyse par une équipe de médecins très compétents. Je profite de l’occasion pour les remercier. Après ces séances de dialyse, je me porte de mieux en mieux et voilà que je recouvre ma santé. Le médecin m’a confirmé ma guérison définitive. Depuis lors, Dieu merci ! Je me porte bien et je souhaite ne jamais revivre ce calvaire », a-t-il déclaré.

Balkissou est aussi une patiente atteinte de l’insuffisance rénale depuis plusieurs mois. Elle remercie les nouvelles autorités pour tout ce qu’elles sont en train de faire dans le domaine de la santé pour le bien-être de la population. « Avec la situation difficile de mes parents, je sais que sans la subvention de l’Etat sur la prise en charge de la dialyse, je serais morte à la maison. C’est une maladie qu’une famille avec peu de moyens ne peut pas supporter. Les médicaments et certains examens sont extrêmement chers. Des fois, par manque de moyen de déplacement, je rate des séances de dialyse et cela détériore mon état de santé », a-t-elle souligné.
Selon des données datant de 2020 de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le taux de mortalité ajusté en fonction de l’âge est de 29.61 pour 100.000 habitants, classant le Niger au 61è rang mondial. L’insuffisance rénale, notamment celle chronique, est un problème de santé publique croissant au Niger. L’OMS prévoit une augmentation de la prévalence de la maladie rénale chronique de 17% dans les 10 prochaines années, soulignant l’urgence d’une prise de conscience et d’un dépistage précoce. L’Organisation Mondiale de la Santé soutient le renforcement du leadership et de la gouvernance dans le secteur de la santé au Niger, y compris dans la lutte contre les maladies rénales. Pour l’organisation mondiale, il est crucial d’intégrer la santé rénale dans les stratégies de lutte contre les maladies non transmissibles.
Salima H. Mounkaila (ONEP)