
Face à une mortalité maternelle et infantile encore préoccupante, la région de Maradi expérimente de nouvelles approches soutenues par le Gouvernement du Niger, l’UNICEF et ses partenaires. Ces approches mettent l’accent sur la prise en charge précoce des infections, les relais communautaires et le suivi numérique, les initiatives qui transforment peu à peu le quotidien des familles. Pour rappel, en novembre 2024, le Niger a réuni les responsables politiques, partenaires et leaders communautaires lors d’un Forum national sur le décès maternel et périnatal. L’objectif est de trouver des solutions durables face à une urgence sanitaire qui frappe surtout les zones rurales, marquées par la pauvreté, les accouchements à domicile et le faible suivi médical des grossesses. Dans la foulée de ces engagements, l’UNICEF, avec le soutien du Ministère Fédéral Allemand de la Coopération Economique et du Développement (BMZ) a renforcé plusieurs initiatives dans la région de Maradi.
En 2018, quatre districts de Maradi lançaient l’Approche PSBI (Possible Serious Bacterial Infection), qui permet de soigner sur place les nouveau-nés atteints d’infections bactériennes graves, quand le transfert hospitalier est impossible. Depuis, la méthode s’est élargie à d’autres districts. « Dans chaque zone, les agents de santé sont formés et suivis. Grâce à l’UNICEF, nous organisons des réunions régulières et nos centres disposent de médicaments essentiels », explique le Dr Manzo Zaneidou, point focal régional, précisant que la mortalité des enfants dans les 24 premières heures de vie a nettement reculé.
Au centre de santé intégré (CSI) de Kornaka, le responsable Sawani Akazama se souvient d’une époque où chaque cas grave devait être référé, souvent avec issue fatale pendant le trajet. « Aujourd’hui, nous traitons sur place avec des molécules comme la gentamicine ou l’ampicilline. En 2025, près de 400 enfants ont déjà été pris en charge », témoigne-t-il avant de souligner aussi le rôle des relais communautaires formés qui repèrent et orientent les nourrissons malades.

L’appui de relais communautaires
À Similti, un village de la commune de Kornaka, le relais Siradji Mahaman sillonne les foyers. Depuis 2017, il soigne les cas simples de paludisme, diarrhée et pneumonie chez les enfants de 2 mois à 5 ans, et sensibilise les familles sur le suivi des grossesses et des nouveau-nés. « Si je détecte une pathologie chez un bébé de moins de deux mois, je le réfère au CSI. Chaque mois, je transmets plusieurs cas », raconte-t-il. Il faut souligner que ses visites hebdomadaires sont bien accueillies comme en témoigne Zouweira Issoufou, une jeune mère du village. « J’ai appris à reconnaître les signes de danger et je sais quand emmener mon enfant au centre grâce aux conseils de ‘’Likita’’ Siradji », déclare-t-elle.

Le chef du village, M. Boukari Karo, explique qu’avant les activités de sensibilisation menées par le relais, sa communauté négligeait beaucoup les consultations prénatales et postnatales, les accouchements à domicile étaient fréquents. Pour lui, un changement positif s’observe dans son village. « Par le passé, les femmes négligeaient les consultations et beaucoup d’accouchements se faisaient à domicile avec souvent des drames. Aujourd’hui, la mortalité a beaucoup baissé », affirme-il avec fierté.

Une mobilisation élargie dans le district de Dakoro
Le département de Dakoro, situé à une centaine de kilomètres au Nord-ouest de Maradi, avec plus d’un million deux cent d’habitants, compte 34 centres de santé intégrés, 103 cases de santé et son bloc opératoire. La situation de la santé maternelle et infantile s’est notablement améliorée, grâce au soutien substantiel apporté par le partenaire dans la mise en œuvre d’un programme de sensibilisation dédié. Ce programme a été initié dans le cadre des engagements pris lors du Forum national sur la mortalité maternelle et périnatale. Ici, la dynamique communautaire s’est amplifiée. Le médecin-chef, Dr Issoufou Yahaya, explique. « Nous avons commencé par un plaidoyer auprès des leaders locaux. Après cela, trois (3) focus groupes regroupant les jeunes adolescentes, les groupes de soutien Alimentation du Nourrisson et du Jeune Enfant (ANJE), ont été organisés au niveau de trois (3) CSI. Puis, nous avons formé une quarantaine de jeunes filles, devenues actrices de sensibilisation contre le mariage précoce et pour les consultations prénatales », explique-t-il.

Il faut noter que ces campagnes impliquent aussi des groupes de soutien aux mères et des relais communautaires. M. Harouna Seydou, responsable du CSI d’Alforma, confirme les effets de la prise de conscience des populations. Ici, au premier trimestre de l’année 2025, il a été enregistré 194 femmes vues pour la première fois en consultation prénatale. Au deuxième trimestre, jusqu’à 200 femmes enregistrées. « En 2025, nous en avons enregistré 161 au premier trimestre et 177 au deuxième trimestre des femmes qui ont fait la CPN4. Il y a quelques années, les femmes fréquentaient peu le centre. Aujourd’hui, les indicateurs prénataux sont en nette progression. Plus de 200 femmes ont déjà fait leur première consultation en 2025 et les décès ont considérablement diminué », a-t-il dit.
L’efficacité de l’outil de suivi en temps réel
Le DHIS2 est un outil de collecte, de validation, d’analyse et de présentation de données statistiques agrégées et basées sur les patients, adapté (mais non limité) aux activités de gestion intégrée des informations de santé. Ainsi, au-delà de la sensibilisation et des soins de proximité, l’innovation passe aussi par la collecte de données. Avec l’appui de l’UNICEF, les CSI alimentent désormais la plateforme nationale DHIS-2. Elle centralise les informations de vaccination, nutrition et soins curatifs. Tous les indicateurs sont suivis dans le DHIS-2, alimenté à partir des données collectées sur supports papier auprès des différents centres de santé et relais communautaires. Avec l’appui de l’UNICEF, les divers acteurs, en particulier les responsables des CSI publics et privés se réunissent chaque mois afin d’échanger sur les données issues du DHIS-2 et de veiller à la cohérence des supports utilisés. Ces rencontres constituent également un cadre de formation et d’initiation à l’outil informatique pour les agents de santé. « Le ministre de la Santé peut consulter nos données en direct, même depuis l’étranger », a soutenu Dr Issoufou Yahaya.
Pour Sawani Akazama, c’est aussi une révolution au niveau du CSI à Kornaka. « Par le passé, nous déposions seulement des rapports papier. Aujourd’hui, nos activités sont visibles et archivées en ligne », apprécie-t-il. La seule zone d’ombre au tableau constitue la faiblesse de la connexion Internet qui complique parfois le travail. Les agents espèrent un soutien pour améliorer ce maillon technique.

De Maradi à Dakoro, l’alliance entre l’État, l’UNICEF et les communautés montre des résultats tangibles : réduction des décès néonatals, hausse de la fréquentation des centres de santé, engagement des jeunes filles et des leaders locaux. Les acteurs de terrain, eux, insistent sur un point qui est de maintenir l’appui, pour que les avancées d’aujourd’hui deviennent les acquis de demain.
Seini Seydou Zakaria (ONEP), Envoyé spécial