Des sachets d’eau posés à même le sol ...
Ce n’est pas la première fois que le sujet sur la production, le stockage et le conditionnement de l’eau en sachet, communément appelée «pure water», et les problèmes qui vont avec sont évoqués. Dans le cadre de ses missions de protection des consommateurs et de veille à la conformité des produits locaux et importés aux normes et réglementations techniques en vigueur au Niger, l’Agence nigérienne de Normalisation, de Métrologie et de Certification (ANMC) a présenté, le 30 octobre 2025, un rapport d’inspection des unités de production d’eau potable en sachet, dans la ville de Niamey. Cette opération intervient dans un contexte de préoccupations croissantes relativement à la qualité de cette eau destinée à la consommation courante, en milieu urbain comme rural. L’action initiée permet ainsi de renforcer le dispositif national de contrôle et de normalisation de l’eau de table.

Sur les soixante-quatre (64) échantillons analysés, 7,81 % sont conformes aux seuils fixés par la réglementation. Il est également noté, après les analyses physico-chimiques des échantillons, des preuves d’une filtration défectueuse ou inexistante, des taux de nitrites élevés pour 31,25 % des échantillons, indiquant une pollution organique généralement issue de l’urine ou des matières fécales, ainsi que des taux élevés de manganèse pour 60,93 % des échantillons. En ce qui concerne la microbiologie, une flore aérobie totale largement au-dessus du seuil acceptable a été relevée. La présence de coliformes totaux concerne 17,18 % des échantillons, parmi lesquels 18,18% présentent des coliformes fécaux, signe de contamination fécale directe.
Ainsi, le rapport souligne que le non-respect des bonnes pratiques d’hygiène et de production mène à une contamination directe du produit en cours de fabrication ou de conditionnement. L’échantillonnage des 64 unités inspectées a révélé que seulement quatre (4) unités disposent de locaux salubres. L’équipe de l’ANMC a, par ailleurs, indiqué que les principales difficultés d’une telle opération résident dans l’absence d’une base de données des unités de production d’eau ‘‘pure water’’, mais aussi dans le fait que certaines unités sont installées dans des habitations, ce qui complique leur identification et l’accès aux locaux par les inspecteurs. Ladite inspection a permis de relever des insuffisances notables en matière de respect des normes de qualité, d’hygiène et de régularité administrative dans le secteur de l’eau ‘‘pure water’’. À l’image des mesures prises suite à l’inspection sur le pain, le Ministère envisage d’intensifier les actions de contrôle, de sensibilisation et de mise en conformité afin de garantir aux consommateurs une eau saine et conforme à la réglementation.

Mis devant les faits accomplis, le président de l’Association des Distributeurs de Pure Water,
M. Abdoul Kader Boubacar, s’est exprimé notamment au sujet de leur activité et l’absence de base de données sur les propriétaires des unités de production. Il a indiqué que, depuis bientôt trois mois, l’association a entamé la cartographie sectorielle des unités de production en mettant en place un superviseur et deux contrôleurs par commune, avec pour mission d’identifier, dans chaque quartier, le nombre de producteurs. Il affirme avoir déjà recensé trois cents (300) unités dans la ville de Niamey, avec leurs géolocalisations, noms, prénoms, numéros et quartiers. « L’ANMC nous a fait un décryptage de tout ce qu’elle veut que nous corrigions. Nous avons remarqué que le secteur n’est pas réglementé. Nous sommes en train d’œuvrer pour que chacun puisse faire analyser les eaux de forage qu’il utilise. D’abord, il faut les identifier, parce que si on ne les identifie pas, on ne peut rien faire. Nous sommes en train de les identifier et ensuite nous voulons que chacun fasse l’analyse », explique M. Abdoul Kader Boubacar.

Concernant les emballages, l’ANMC a relevé qu’ils ne répondent pas aux normes, et le fait de laisser l’eau exposée au soleil contamine directement le contenu. Sur ce point d’ordre sanitaire, le président de l’ADEPEN assure que des pourparlers sont en cours avec l’institution. « Nous n’avons pas encore trouvé un terrain d’entente, mais il existe déjà des emballages qui sont dans la moyenne. Nous nous sommes entendus pour travailler avec un type d’emballage en attendant que tout le monde arrive à faire des emballages personnalisés, car actuellement tout le monde n’a pas les capacités de le faire », déclare-t-il. En matière d’emballages certifiés conformes, selon M. Abdoul Kader Boubacar, les entreprises qui répondent à ces normes sont de l’ordre de dix (10) à quinze (15) : d’où la nouvelle politique de l’association qui consiste à exiger de ses membres l’obtention d’un NIF et d’un registre de commerce. Actuellement, précise le président de l’ADEPEN, plus de cent (100) personnes ont déjà obtenu leur NIF et leur registre de commerce. Pour les formalités restantes, il indique que l’association, avec les différents acteurs, essaie de déterminer un mécanisme permettant d’amener les propriétaires d’unités à se conformer, notamment par le biais de la sensibilisation. « Pour les détenteurs d’unités installées dans des concessions familiales, la plupart nous ont contactés dès qu’ils ont vu la présentation du rapport de l’ANMC. Chacun a vu ce qui se passe et a pris conscience de ses erreurs », ajoute-t-il.

En effet, ayant en mémoire les sanctions appliquées aux boulangeries récalcitrantes de la ville de Niamey et craignant un tel scénario, selon l’association, le Ministère les a instruits de sensibiliser leurs membres et de lui faire un retour. « Si les gens ne veulent pas vraiment se conformer, il y aura donc un moratoire, et nous ne savons pas combien de temps il nous sera accordé », s’inquiète-t-il.
Une activité génératrice d’emplois, mais mal encadrée
À l’heure actuelle, selon les chiffres de l’Association des Distributeurs de Pure Water, le secteur de la production et du conditionnement de l’eau en sachet génère des emplois directs et indirects qui se chiffrent en milliers. « Nous estimons leur nombre, en fonction des 1 400 machines recensées, à 7 500 emplois directs, à raison de cinq personnes par unité, et à 32 500 emplois indirects. Vous voyez l’impact social que les producteurs de pure water ont dans la création d’emplois. Il y a des unités qui engagent jusqu’à 40 personnes », précise-t-il.
« Nous savons qu’en fonction des unités, le prix du sachet de 24 varie. Le souci, c’est que, depuis plus de 30 ans, ceux qui achètent l’unité la paient à 25 francs. Mais au niveau des producteurs, les prix diminuent de temps à autre. Lorsqu’une nouvelle unité est ouverte, le promoteur, pour attirer plus de clients, réduit le prix. Souvent, après trois ou quatre mois d’activités, il fait faillite et nous laisse avec des problèmes. C’est pour cela que nous souhaitons que chacun se conforme, car c’est une activité qui génère des emplois et, si nous ne la protégeons pas, ce sera bientôt le chaos », lance M. Abdoul Kader Boubacar. Cet écart entre le prix en gros et le prix de détail crée une marge bénéficiaire très importante pour les grossistes, estime le président de l’ADEPEN. Il explique que les grands gagnants de ce business ne sont ni les producteurs, ni les consommateurs, mais les grossistes qui achètent le sachet de 24 unités à 150 francs ou 100 francs pour le revendre à 25 francs l’unité, réalisant ainsi un bénéfice d’environ 400 francs par sachet. Il souligne que les charges liées au fonctionnement ont conduit certaines unités, âgées de plus de 20 ans, à fermer leurs portes, faute de rentabilité. « Non seulement ils paient les impôts, la mairie, les boutiques, mais si une personne vend le sachet à 100 francs, c’est catastrophique. Il faut payer pour la livraison, l’essence, la maintenance. Il y a aussi les pertes, car personne ne peut contrôler à 100 % ceux qui sortent de l’usine. Il y a tellement de problèmes. Mais avant de les attaquer, nous allons d’abord nous conformer. Moi, je paie jusqu’à 800 000 francs de facture d’eau chaque mois. Cela veut dire que même l’État a besoin de moi. À une certaine époque, le sachet coûtait entre 250 et 300 francs, et au fil des années, le prix a chuté. Aujourd’hui, le souci est que lorsque la NDE a fixé les tarifs du mètre cube en fonction de ces anciens prix, ils sont restés les mêmes, alors que le sachet est désormais à 100 ou 125 francs », a-t-il souligné.
« Un résultat très inquiétant, pire que celui des boulangeries, car l’eau est consommée par tout le monde…»
L’enquête de l’ANMC moralise, estime M. Mamane Nouri, président de l’Association de Défense des Droits des Consommateurs ADDC/WADATA, car, poursuit-il, l’hygiène est capitale dans la manipulation des produits alimentaires, l’eau en premier. Il souligne que cette l’initiative permettra d’assainir le système de production et de distribution de l’eau en sachet. « Dans l’apparence, il n’y a pas de sanctions pécuniaires, mais fermer une unité, même pour une journée, constitue une sanction économique importante. Les consommateurs doivent être très prudents par rapport à la consommation de pure water. J’ose espérer qu’un calendrier sera établi, comme pour les boulangeries, afin que les unités non conformes soient mises en quarantaine rapidement et qu’un processus de correction soit engagé »,préconise-t-il.

Selon M. Mamane Nouri, en dehors des industriels respectant les normes d’hygiène et la démarche qualité, beaucoup de producteurs isolés n’ont ni l’expertise, ni la formation, ni l’information nécessaire. « La manipulation de l’eau nécessite beaucoup de précautions, notamment les équipements, les vêtements, les bavettes, mais aussi un certificat médical pour s’assurer que ceux qui manipulent l’eau sont en bonne santé. La contamination par l’eau est plus grave que celle par le pain. Il faut aussi donner un délai à ceux dont les unités sont installées près des égouts ou dans des environnements non conformes afin qu’ils déguerpissent vers des sites plus appropriés. Le consommateur doit rester prudent », conseille-t-il.
Au terme de l’inspection ayant relevé des irrégularités et des manquements graves à l’hygiène et à la santé des consommateurs, l’Agence nigérienne de Normalisation, de Métrologie et de Certification (ANMC) a adressé aux unités plusieurs recommandations, a mettre immédiatement en œuvre, sous peine de sanctions prévues par les textes. Ces unités doivent maintenir une hygiène rigoureuse dans leurs locaux, y instaurer un planning de nettoyage, sensibiliser le personnel aux bonnes pratiques d’hygiène et de fabrication, mettre à sa disposition des tenues de travail adaptées, un dispositif de lavage des mains et des toilettes conformes. Ces unités ont l’obligation de se conformer strictement aux normes et réglementations en vigueur et mettre à jour les documents administratifs requis.
Hamissou Yahaya (ONEP)
