
Les femmes productrices de natron de Gorzoré à Birni N’gaouré (Dosso)
Au Niger, les femmes rurales représentent un levier essentiel pour le développement durable. Présentes dans tous les maillons des chaînes agricoles, artisanales et commerciales, elles sont à la fois productrices, transformatrices, commerçantes et piliers de leurs familles. Les récents reportages réalisés par des équipes de l’ONEP dans le cadre de la célébration de la journée Nationale de la Femme à Birni N’Gaouré, Tanda, Guidimouni, Karma, Liboré et dans bien d’autres localités anonymes du Niger profond, montrent à quel point ces femmes, souvent dans l’ombre, contribuent de façon significative à l’économie locale.
Dans toutes ces localités, une même réalité se voit ; celle d’une femme rurale travailleuse et inventive qui refuse la résignation malgré les conditions pénibles dans lesquelles elle exerce son activité. Les femmes partagent toutes une résilience qui est admirable et fondée sur une quête permanente d’autonomie.
À Birni N’Gaouré, dans le Boboye, des femmes transformatrices valorisent la pomme cayor et l’arachide, tout en s’activant dans la production et la commercialisation du natron, un produit prisé dans le quotidien des Nigériens. Organisées, outillées de leur savoir-faire ancestral, elles redonnent de la valeur à des ressources locales tout en créant des revenus.
Dans la commune rurale de Karma, certaines bravent quotidiennement les intempéries, la dureté du travail de ramassage de graviers à mains nues, dans le village de Koutoukalé Koira Tégui, dans le Songhaï, pendant que d’autres s’illustrent dans le maraîchage, assurant la subsistance de leurs ménages et l’approvisionnement des marchés environnants. Dans la commune rurale de Guidimouni, dans le Damagaram, aux portes du Mounio, ces femmes, souvent organisées en groupements, font du maraîchage autour du lac de Guidimouni, de la transformation agroalimentaire et des petits commerces. À Tanda, au cœur du Dendi, embouche ovine, petits commerces, transformations agro-alimentaires, pêche et commerce du poisson, etc., les femmes s’organisent en coopératives pour s’autonomiser. Cette dynamique prouve que lorsque les femmes sont encadrées et structurées, elles deviennent des moteurs économiques solides. Enfin, à Liboré, à la porte de Niamey, qu’elles agissent individuellement ou en union, les femmes battantes ne baissent pas les bras face aux difficultés, mais s’attachent bien les hanches pour travailler dans la dignité. Riziculture, petits métiers et transformation alimentaire, tel est leur quotidien. Et cela leur permet de joindre les deux bouts, dans une logique de survie mais aussi d’ascension. Dans cette commune du bord du fleuve Niger, plusieurs foyers vivent de la culture et de la transformation du riz local.
Impacts des activités des femmes rurales sur leurs communautés
Les revenus tirés des activités de ces femmes rurales ne sont pas simplement destinés à la survie individuelle. Ils soutiennent toute l’économie familiale. Selon le Programme Alimentaire Mondial (PAM), les femmes rurales réinvestissent jusqu’à 90% de leurs revenus dans la famille, contre 30 à 40% pour les hommes. Ces revenus servent à assurer la scolarisation des enfants, les frais de santé, l’alimentation et parfois même à construire un abri digne pour la famille. A titre illustratif, à Birni N’Gaouré et villages environnants, les femmes transformatrices de produits locaux expliquent que leurs efforts permettent non seulement de varier l’alimentation familiale, mais aussi de faire face aux périodes de soudure alimentaire. Certaines, rencontrées au marché de Birni N’Gaouré, affirment que l’argent gagné dans la journée sera aussitôt réinvesti dans l’achat de vivres, sur place, avant de rentrer à la maison.
Toutes les initiatives de ces femmes participent à freiner l’exode rural en créant des opportunités économiques localement, en particulier pour les jeunes filles. Les jeunes femmes, formées par les groupements de transformation, préfèrent rester dans leur commune au lieu de migrer vers Niamey.
À travers ces témoignages et exemples recueillis sur le terrain, on constate que malgré la précarité, le manque d’accès aux financements, très souvent aux intrants agricoles, à la terre ou à la formation, le poids des traditions patriarcales, ces femmes persévèrent. Elles s’adaptent. Toutefois, elles ne peuvent continuer à se battre seules. L’autonomisation des femmes rurales est une urgence. Elle est une réponse à la pauvreté, à l’exode, à la malnutrition et au chômage.
Par ailleurs, il est important de reconnaître les actions déjà entreprises par les autorités de la transition, sous la direction du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie qui, à travers divers projets et appuis logistiques, ont marqué leur volonté d’œuvrer pour l’amélioration des conditions de vie des femmes. Mais, au regard des défis persistants, un accompagnement plus accru et durable s’impose. C’est pourquoi, il est impératif que les plus hautes autorités nationales ainsi que les partenaires techniques et financiers redoublent d’efforts pour renforcer les capacités techniques, économiques et organisationnelles des femmes rurales. Car, ce sont elles les véritables piliers de l’économie rurale et les gardiennes de la sécurité alimentaire.
Aminatou Seydou Harouna (ONEP)