Toute cette semaine, la France commémore le 80ème anniversaire de sa libération dont le débarquement en Provence, auquel ont participé, activement, avec armes et bagages, et en première ligne d’ailleurs, des combattants venus d’Afrique, dont des Nigériens, appelés « Tirailleurs Sénégalais » ou « Combattants indigènes », fut une opération décisive.
Le 25 Août 1944, en effet, le Général De Gaulle, Secrétaire d’Etat français à la Défense, réfugié à Londres pour organiser la résistance contre l’oppresseur Nazi qui a occupé Paris et la France toute entière pendant presque quatre (4) années, entra dans « Paris libérée » où il lança devant une foule en liesse son fameux « Paris outragée, Paris brisée, Paris martyrisée mais Paris Libérée ! ».
Cependant, celui qui est appelé « le plus illustre des Français » s’est malheureusement illustré dans le déni ce soir-là.
En effet, nulle part, dans son discours euphorique du 25 Août 1944, celui-là même qui, des années plus tard, en Septembre 1958 plus précisément, disait à Djibo Bakary devant l’obstination et la témérité de ce dernier à revendiquer et exiger l’indépendance immédiate du Niger que « Le Sahara ne sera jamais Soviétique », n’a mis en relief l’apport de l’Afrique, des combattants africains dans la libération de la France.
Or, l’Histoire, la vraie Histoire, retiendra qu’après l’appel du 18 Juin 1940 sur les ondes de la BBC à Londres qui n’a pas été entendu ni eu des échos favorables, comme il l’espérait, tendant à mobiliser la France métropolitaine, le Général De Gaulle s’est tourné vers l’Afrique.
Le 26 Octobre 1940, il se rend à Brazzaville, la capitale de la France libre, où il tiendra un discours, « Discours de Brazzaville » (à ne pas confondre avec l’Appel de Brazzaville du 30 Janvier 1944), dans lequel il sollicita la mobilisation des troupes de l’Empire français (les territoires de l’Afrique Occidentale Française (AOF) et celles de l’Afrique Equatoriale Française (AEF) et de Madagascar ), instruisait les gouverneurs à effectuer des enrôlements forcés des bras valides dans l’armée française et créa le Conseil de Défense de l’Empire.
Les ressources naturelles de ces pays seront utilisées pour lever une armée qui sera projetée en première ligne dans les batailles pour la reconquête de la souveraineté de la France humiliée et occupée par l’Allemagne.
C’est ainsi que le 15 Août 1944, des milliers de soldats alliés dont des Africains, naturellement, débarquèrent sur les plages de Toulon et du Havre pour participer à la libération de la France dont le point culminant fut l’entrée dans la ville de Paris de la 2ème Division Blindée du Général Leclerc, dont l’actuel Camp Bagagi Iya de Niamey portait le nom, tout en hébergeant les troupes françaises stationnées dans notre pays, jusqu’au 29 Mai 1974 lorsque les autorités militaires de l’époque ont sommé la France d’évacuer ses troupes du Niger et débaptisé le camp.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, à la fin de cette guerre, les soldats africains qui ont participé à ce tournant important de l’Histoire de la France n’ont pas été logés à la même enseigne que leurs compagnons d’armes français « pure souche » en termes de pensions, primes et droits.
Cette ingratitude réapparait également dans les discours des tenants du pouvoir actuel en France qui, dans un tour de passe-passe qui leur est propre, semblent minimiser l’apport des soldats africains dans la libération de la France.
Pour camoufler ce déni et cette tentative de falsification de l’Histoire, quelques fois, comme cette année, les autorités françaises invitent, à travers une mise en scène grotesque et une ambiance théâtrale dont le cynisme qui la caractérise n’a d’égal que l’ingratitude des acteurs, quelques Chefs d’Etat africains, acquis évidemment à leur cause et qui n’ont cure de l’Histoire de l’Afrique, à participer aux commémorations sans que la France ne reconnaisse officiellement que l’Afrique a grandement contribué, militairement et économiquement, à sa libération avec tout ce que cela comporte comme égards et droits.
C’est donc clair, en définitive, l’Afrique a véritablement contribué à libérer la France mise à genoux et occupée par l’Allemagne.
Et, cinglante ironie de l’Histoire : voilà que huit (8) décennies plus tard, « cette même France » se met dans tous ses états et joue à la petite fille effarouchée lorsque les Etats membres de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) ont décidé de booter hors de leurs frontières ses troupes d’occupation et de reconquérir leur souveraineté ….
Alou Moustapha (ONEP)