
Colonel Ali Saidou, Directeur Général de l’Environnement
Monsieur le Directeur Général de l’Environnement et du Développement Durable, le Niger fait face à de nombreux défis environnementaux ; quelles sont les actions mises en œuvre pour faire face à cette situation ?
À l’instar des autres pays sahéliens, le Niger est confronté à de nombreux défis environnementaux qui impactent négativement les activités socio-économiques ainsi que les moyens de subsistance des populations. En effet, la désertification ou dégradation des terres dans les zones arides et semi-arides ainsi que la fréquence accrue des aléas climatiques tels que les sécheresses répétées, les inondations et les vents violents, compromettent la résilience des communautés, des écosystèmes et des infrastructures. S’ajoutent à cela la perte de la biodiversité et la dégradation des terres agro-sylvo-pastorales, dues notamment à l’érosion éolienne et hydrique ainsi qu’aux feux de brousse.
Pour répondre de manière coordonnée, efficace et durable à ces problématiques le Niger s’est inscrit dans la dynamique des conventions dites post-Rio, notamment : la Convention des Nations Unies sur la Lutte contre la Désertification (CNULD), la Convention sur la Diversité Biologique (CDB), la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC). Le Niger est Partie à ces trois conventions depuis leur adoption lors du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en juin 1992. Il est important de rappeler que bien avant le Sommet de Rio, le Niger avait déjà manifesté son engagement dans la lutte contre la désertification, notamment à travers l’engagement de Maradi en 1984 qui marque un tournant dans la mobilisation nationale autour de cette problématique.
Face à la récurrence des catastrophes naturelles telles que les sécheresses et les inondations, le pays s’est également doté d’une stratégie nationale de prévention des risques et catastrophes, ainsi que d’un plan national de gestion des sécheresses, afin d’anticiper et d’atténuer les impacts de ces phénomènes sur les populations.
Dans le même élan, le Niger a élaboré, en 1998, son Plan National de l’Environnement pour un Développement Durable (PNEDD), qui constitue depuis lors un cadre de référence en matière de gestion environnementale et de développement durable. À cela s’ajoute l’adoption, en 2016, de la Politique Nationale de l’Environnement et du Développement Durable, renforçant davantage les bases de l’action environnementale au niveau national. En matière de lutte contre les changements climatiques, le Niger a fait preuve d’un engagement constant à travers l’élaboration et la soumission au Secrétariat de la CCNUCC de plusieurs documents clés, notamment : six (6) inventaires nationaux des gaz à effet de serre ; quatre (4) Communications Nationales ; un Rapport Biennal Actualisé (RBA) ; un Plan National d’Adaptation (PNA), soumis en septembre 2022 ; un Rapport Biennal de Transparence (RBT), soumis en décembre 2024 ; et une Contribution Déterminée au niveau National (CDN), révisée en 2021.
La CDN constitue l’outil principal de mise en œuvre de l’Accord de Paris signé par le Niger le 22 avril 2016 et ratifié le 21 septembre de la même année. Elle est actualisée tous les cinq (5) ans, conformément aux engagements internationaux, afin de rehausser les ambitions climatiques. C’est dans ce cadre que le Niger a soumis sa première CDN en 2015, puis procédé à sa révision en 2021, à l’issue d’un processus inclusif impliquant l’ensemble des parties prenantes nationales. Cela témoigne de la volonté du pays à respecter ses engagements internationaux en matière de lutte contre le changement climatique. En ce qui concerne le processus des Plans Nationaux d’Adaptation (PNA), il a été établi dans le cadre du Cadre de l’Adaptation de Cancún en 2010. Ce processus vise à identifier les besoins d’adaptation à moyen et long terme, ainsi qu’à développer des stratégies et programmes permettant d’y répondre de manière efficace et durable.
En matière de lutte contre la désertification, l’État nigérien a engagé plusieurs initiatives multisectorielles visant à restaurer les terres dégradées, à renforcer la résilience des populations et à améliorer la sécurité alimentaire et environnementale. Parmi ces initiatives, on peut citer : la mise en œuvre du Programme National de Lutte Contre la Désertification (PNLCD) ; l’Initiative de la Grande Muraille Verte ; la promotion de la Régénération Naturelle Assistée (RNA) ; la gestion durable de l’eau et des ressources naturelles ; le développement de partenariats et la coopération internationale.
En ce qui concerne la conservation de la biodiversité, le Niger a entrepris plusieurs actions à l’échelle nationale, en cohérence avec ses engagements internationaux. Il s’agit notamment de : l’élaboration et la mise en œuvre de la Stratégie et du Plan d’Action Nationaux pour la Biodiversité (SPANB) ; la création et la gestion des aires protégées ; la mise en œuvre de la Loi n° 98-07 du 29 avril 1998 relative au régime de la faune et à la réglementation de la chasse ; la lutte contre la déforestation et la restauration des habitats naturels ; l’intégration des enjeux liés à la biodiversité dans les politiques sectorielles ; la sensibilisation, l’éducation environnementale et la recherche ; le renforcement des partenariats et de la coopération internationale.
Quelle appréciation faites-vous sur la mise en œuvre des engagements pris par la communauté internationale lors des dernières Conférences des Parties notamment en lien avec la lutte contre le réchauffement climatique ?
Les Conférences des Parties (COP) constituent les organes décisionnels suprêmes des Conventions internationales relatives à l’environnement. Elles réunissent chaque année l’ensemble des États Parties afin d’examiner les progrès accomplis, d’adopter de nouveaux instruments juridiques et de prendre les décisions nécessaires à la mise en œuvre effective des engagements internationaux. Les négociations qui s’y tiennent visent principalement la mobilisation des ressources, notamment financières, pour soutenir la mise en œuvre des actions prévues et assurer le suivi des progrès. Les COP offrent également un cadre privilégié pour le renforcement des capacités, le partage d’expériences entre Parties, ainsi que pour l’identification d’opportunités de financement de projets et programmes structurants.
À travers ces différentes conférences, la communauté internationale a pris d’importants engagements en matière de lutte contre les changements climatiques. Toutefois, la concrétisation de ces engagements demeure contrastée, avec d’un côté des avancées notables et de l’autre, des défis persistants qui freinent la pleine réalisation des objectifs fixés.
Concernant les avancées enregistrées, il y a le renforcement des engagements nationaux (CDN). Depuis l’adoption de l’Accord de Paris lors de la COP21 en 2015, la majorité des pays ont soumis et actualisé leurs Contributions Déterminées au niveau National (CDN), traduisant leur volonté de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). Dans cette dynamique, le Niger prévoit l’actualisation de sa CDN pour la période 2025-2035 avant la tenue de la COP30, prévue en novembre 2025 au Brésil. Cette nouvelle version comprendra des engagements rehaussés et renforcera la transparence dans le suivi des actions climatiques. L’augmentation de l’ambition climatique inclura notamment la prise en compte de nouveaux secteurs, tels que la gestion des déchets ainsi que les Procédés Industriels et l’Utilisation des Produits (PIUP).

Il faut noter également le Fonds de compensation pour les pertes et dommages (COP27 – COP28). L’adoption du Fonds pour les pertes et dommages constitue une avancée significative, marquant une reconnaissance du principe de justice climatique, particulièrement en faveur des pays en développement les plus exposés aux effets des changements climatiques. La COP28 a officialisé ce mécanisme avec l’annonce des premières contributions financières de la part des pays développés, ouvrant ainsi la voie à un appui concret aux pays vulnérables.
Pour ce qui est des défis et les limites dans la mise en œuvre de l’action climatique, il y a l’insuffisance des financements climatiques. L’objectif de mobilisation de 100 milliards de dollars par an, promis par les pays développés pour soutenir les pays en développement, n’a toujours pas été pleinement atteint. L’accès à ces financements demeure complexe pour les pays du Sud, en raison de procédures lourdes, d’un manque d’assistance technique et d’une faible disponibilité de fonds destinés spécifiquement à l’adaptation.
La lenteur des actions d’adaptation dans les pays vulnérables constitue aussi un autre défi. Les pays africains, notamment ceux du Sahel, ainsi que les petits États insulaires, restent fortement exposés aux impacts dévastateurs du changement climatique, sans bénéficier d’infrastructures suffisamment résilientes. Le financement de l’adaptation reste nettement inférieur à celui consacré à l’atténuation, alors même que les besoins sont urgents. Mais il y a également la nécessité de clarifier des concepts. L’adaptation désigne le processus d’ajustement aux effets actuels ou attendus du climat, afin de limiter les dommages ou d’exploiter les opportunités positives. L’atténuation, quant à elle, fait référence aux actions visant à réduire ou à prévenir les émissions de gaz à effet de serre, ou à augmenter leur absorption par les puits de carbone.
Pourquoi depuis des années les mêmes engagements sont quasiment reconduits lors des Conférences des Parties sans grands résultats ?
À mon avis, cela s’explique principalement par l’absence d’un cadre de gouvernance mondial véritablement efficace pour assurer le suivi et la mise en œuvre des engagements. En effet, il n’existe pas de mécanisme juridiquement contraignant permettant de sanctionner les pays qui ne respectent pas leurs engagements climatiques. Le mécanisme de transparence prévu à l’article 13 de l’Accord de Paris, bien qu’essentiel, reste difficile à mettre en œuvre. De nombreux pays présentent des rapports incomplets ou irréguliers, limitant l’évaluation des progrès réels.
Des espaces réservés comme la ceinture verte de Niamey sont morcelés et occupés. Qu’est ce qui explique le silence voire l’impuissance des services en charge de la protection de l’environnement face à ce problème ?
Pour la petite histoire, après l’indépendance du Niger en 1960, les autorités nigériennes ont observé une dégradation progressive du couvert végétal autour de Niamey. Face à ce constat, elles ont décidé de protéger l’environnement périurbain de la capitale contre les aléas climatiques en créant une bande verte de 1 km de large sur 25 km de long, s’étendant de l’hippodrome (à l’Est) jusqu’au fleuve Niger à hauteur de Goudel. Ainsi est née l’idée de la Ceinture Verte, dont les premières plantations ont débuté en 1965 sur financement propre de l’État, avant de se poursuivre jusqu’en 1995.
Le fruit de cet effort est un espace artificiellement boisé couvrant plus de 2331 hectares. La Ceinture Verte de Niamey représente plus de 40 ans d’investissement de l’État et de ses partenaires, pour un montant global estimé à plus de 3 milliards de FCFA, à travers des actions menées d’abord en régie puis à travers divers projets, ayant permis, la plantation d’environ 2 500 ha de végétation autour de la capitale ; l’aménagement d’un parc d’agrément de 2 ha ; la création de petits espaces verts dans la ville de Niamey ; l’élaboration d’un plan d’aménagement et de gestion de la Ceinture Verte.

La politique environnementale du Niger est principalement définie par le Ministère en charge de l’Environnement, créé en 1982. Ce ministère est chargé de la conception, de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques environnementales adoptées par le Gouvernement.
La Direction Générale des Eaux et Forêts (DGEF), en tant que structure de coordination principale des actions environnementales de l’État, exerce la tutelle administrative sur la gestion de la Ceinture Verte de Niamey.
Historiquement, la gestion directe de cet espace a évolué. Elle a d’abord été assurée par la Direction Régionale de l’Environnement de Niamey, puis transférée à la Direction de l’Environnement et du Cadre de Vie, ensuite confiée à l’Unité d’Administration et d’Aménagement de la Ceinture Verte de Niamey, créée par arrêté n°0154/MH/E/DGE/EF du 18 juillet 2012.
Depuis 2019, la gestion de la Ceinture Verte est revenue sous la tutelle directe de la Direction Régionale de l’Environnement de Niamey.
La Ceinture Verte de Niamey est actuellement classée d’utilité publique, conformément au décret n°2011-249/PRN/MHE/MF du 4 août 2011, « déclarant d’utilité publique et désignant à l’expropriation les terres situées dans l’emprise de la Ceinture Verte ».
Dans ce cadre, une commission ad hoc a été mise en place pour procéder au règlement à l’amiable des montants des indemnités à verser aux propriétaires des terres concernées par l’expropriation. Les résultats des travaux de cette commission sont toujours attendus.
Quelle place occupe le volet communication dans le plan d’action de la direction générale de l’environnement et du développement durable ?
La communication demeure le maillon faible dans la mise en œuvre des plans d’actions des entités gouvernementales. Toutefois, une amélioration notable est observée ces dernières années, avec l’émergence de médias entièrement ou partiellement dédiés aux questions environnementales.
Le paysage médiatique nigérien a connu une expansion remarquable, marquée par la prolifération de toutes les catégories de médias : presse écrite, audiovisuelle et électronique. Cependant, la contribution effective de ces médias à la cause environnementale reste limitée, en raison de plusieurs contraintes tant internes qu’externes. Ces obstacles incluent notamment l’organisation interne souvent précaire des entreprises de presse, un environnement institutionnel, économique et juridique peu favorable, un contenu éditorial encore peu structuré et surtout un déficit en ressources humaines qualifiées, les journalistes maîtrisant rarement les enjeux complexes liés à l’environnement. Ainsi, la qualité des productions médiatiques, qu’elles soient écrites, audiovisuelles ou numériques, demeure globalement insuffisante et en phase de structuration.
Propos recueillis par Rahila Tagou (ONEP)