Article d’opinion d’Abebe Haile-Gabriel, Sous-Directeur général de la FAO et Représentant régional pour l’Afrique
En Afrique, la pauvreté rurale et la faim sont de sinistres compagnons qui se chevauchent souvent avec l’emploi agricole. L’Afrique est également très vulnérable aux impacts du changement climatique, et une proportion significative de la population rurale employée dans l’agriculture est particulièrement exposée à ces impacts climatiques.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 389 millions de personnes vivent dans la pauvreté en Afrique, tandis que 282 millions de personnes font face à une crise de sécurité alimentaire. Plus d’un milliard d’Africains n’ont pas accès à une alimentation saine. Bien que les femmes représentent 60 % du secteur rural, elles sont confrontées à une insécurité alimentaire plus grande que les hommes, et les agricultrices luttent souvent pour accéder aux moyens de production et aux services d’inclusion économique tels que le crédit.
Dans ce contexte, la protection sociale – comprenant l’assistance sociale, la sécurité sociale et le bien-être social – joue un rôle essentiel dans la réduction de la pauvreté, l’atténuation de la faim, l’amélioration de la sécurité alimentaire, le renforcement de la résilience et la contribution à des moyens de subsistance productifs.
Actuellement, seulement environ 17 % de la population en Afrique est couverte par au moins une prestation de protection sociale, ce chiffre atteignant 27,1 % pour la population âgée d’Afrique qui reçoit une pension de vieillesse. Cela laisse pour compte de millions de travailleurs ruraux informels, d’enfants, de mères avec des nouveau-nés, de travailleurs au chômage, de personnes incapables de travailler en raison de maladie ou de blessure, de personnes handicapées et bien d’autres dans la privation.
Il est urgent d’étendre la couverture et l’adéquation de la protection sociale en Afrique, en particulier dans les zones rurales. Dans le cadre du Partenariat mondial pour une protection sociale universelle, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) s’engage à soutenir les pays membres pour étendre la portée des systèmes et mesures de protection sociale nationaux appropriés d’ici 2030. Nous n’avons que quelques années pour transformer les engagements en résultats afin de répondre aux objectifs de développement durable.
Dialogue régional pour explorer des solutions pour l’Afrique
Les 28 et 29 mai, la FAO réunira des experts en protection sociale, des universitaires, des acteurs de la société civile et d’autres partenaires dans le domaine du développement rural à Kampala, en Ouganda, pour un dialogue régional sur la protection sociale. Cet événement explorera comment une meilleure cohérence peut être atteinte pour conduire la transformation vers des systèmes agroalimentaires plus efficaces, inclusifs, résilients et durables. Le dialogue explorera les solutions potentielles afin d’étendre la protection sociale aux populations rurales à travers l’Afrique.
La protection sociale comprend un ensemble diversifié de politiques et de programmes qui abordent les vulnérabilités économiques, environnementales et sociales face à l’insécurité alimentaire et à la pauvreté en protégeant et en promouvant les moyens de subsistance. Les avantages incluent l’assurance sociale, les prestations sociales financées par les impôts, les services d’assistance sociale, les programmes de travail rémunéré, les transferts monétaires et l’aide en nature, y compris les intrants alimentaires et agricoles, les programmes d’alimentation scolaire, les pensions de vieillesse, la formation professionnelle et d’autres régimes garantissant la sécurité des revenus de base et l’accès aux services essentiels.
Au-delà du soutien aux individus, il existe un fort argument économique à grande échelle en faveur de la protection sociale. Il s’agit d’un investissement stratégique pour améliorer la capacité économique et productive des pauvres. L’accès à la protection sociale augmente considérablement la capacité des pauvres en milieu rural à assurer leur propre sécurité alimentaire tout en renforçant des moyens de subsistance durables, avec des effets multiplicateurs sur les économies locales et nationales. De plus, il a le potentiel de modifier positivement les relations de pouvoir au sein des ménages, améliorant ainsi l’égalité des genres, ce qui est payant en termes de dividendes dans de nombreux secteurs.
Protection sociale dans l’agriculture
En intégrant la protection sociale au développement agricole et rural, la FAO vise à lutter contre la pauvreté et la faim et à doter les communautés rurales d’outils et d’opportunités dont elles ont besoin pour assurer des moyens de subsistance durables et résilients. Au travers de son Cadre stratégique 2022-2031, la FAO s’engage à soutenir les pays africains pour étendre la couverture, l’adéquation et l’exhaustivité des systèmes de protection sociale aux populations rurales afin de contribuer à la réalisation des Objectifs de Développement Durable (ODD) en s’appuyant sur les « quatre meilleures améliorations » de la FAO : meilleure production, meilleure nutrition, meilleur environnement et meilleure vie, sans laisser personne de côté.
Le dialogue régional à Kampala offrira l’occasion de partager des points de vue et des expériences sur la manière dont l’Afrique peut renforcer les systèmes de protection sociale pour être les plus complets possible en termes de couverture, intégrés dans leur approche, spécifiques au contexte et participatifs dans la conception et la mise en œuvre afin d’assurer leur pertinence et leur efficacité. Des exemples de grandes collaborations entre la FAO et les pays incluent :
• Le Malawi, où la FAO a soutenu le gouvernement dans le développement d’une politique nationale de soutien social et d’un programme de transfert monétaire social ;
• Le Sénégal, l’Ouganda et la Zambie, où la FAO a soutenu la construction de registres d’agriculteurs et l’amélioration de l’interopérabilité avec le système de protection sociale ;
• La Somalie, où la FAO a aidé les ménages vulnérables à passer de l’aide humanitaire à la productivité agricole ; et
• Le Kenya, où la FAO a soutenu le gouvernement pour étendre la couverture de la protection sociale en utilisant des approches communautaires pour des processus plus inclusifs et participatifs.
Le dialogue aboutira à des recommandations politiques spécifiques pour fonder les bases de la collaboration future de la FAO avec les gouvernements africains sur les questions de protection sociale.
L’expansion de la protection sociale dans les zones rurales n’est pas simplement un filet de sécurité, c’est un investissement stratégique dans la transformation des systèmes agroalimentaires. De toute évidence, la responsabilité ne repose pas uniquement sur les autorités nationales. Les partenariats et la collaboration sont essentiels à la réalisation des objectifs de protection sociale. Grâce à des partenariats, au partage des connaissances et à des investissements durables dans la protection sociale, les pays africains peuvent ouvrir la voie à un avenir plus prospère, stable et équitable pour tous.
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