
Une bonne campagne agricole...
La résilience de l’économie nigérienne est plébiscitée à l’international, et l’efficacité de la gestion de la crise post juillet 2023 reconnue à demi-teinte par la même occasion. Avec un taux de progression de 8,8% en 2024, le rapport annuel 2024 de la BCEAO fait du Niger le principal créateur de richesse dans l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) sur la même période. Ce rapport publié sur le site de l’institution financière régionale, le 02 juillet, consolide non seulement les politiques économiques et financières adoptées par les autorités dans le cadre de la Refondation, mais également la vision d’investir davantage dans les secteurs clés comme l’agriculture et l’élevage.
Cette performance, expliquent les experts et les institutions spécialisées, était portée par une bonne production agricole et par les exportations de pétrole. Des institutions financières comme le FMI, la BAD estiment même le taux de croissance à deux chiffres, soit respectivement 10,6% et 11,2%. Seule la Banque mondiale accorde au Niger, pour la période de 2024, un taux de croissance de 8,4%.
La première implication de cette performance, explique Dr. Seyni Almoustapha, enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de l’Université Abdou Moumouni de Niamey, « est que le pays s’est enrichi. Et pour preuve, la Banque Mondiale souligne que le PIB par habitant a progressé de 4,9% et aussi l’extrême pauvreté a sensiblement reculé ». Cet économiste spécialisé en planification, macro-économique et monnaie, précise également que la percée du Niger soutient les finances publiques.
Cette richesse créée en 2024, grâce à des efforts conséquents, poursuit Dr. Seyni Almoustapha, doit être bien gérée à moyen et long termes afin d’éviter les gaspillages. Il rappelle que si la production agricole a été bonne, c’est aussi grâce sa bonne préparation par les autorités qui ont mis à la disposition des agriculteurs des intrants agricoles à moindre coût, et cela bien avant le début des semis. Cette prévoyance, combinée avec une bonne pluviométrie, a permis de booster la production. « Bien évidemment, le Niger peut mieux faire. Et je pense d’ailleurs que certaines actions entreprises par les autorités s’inscrivent dans cette lignée », affirme-t-il, tout en insistant sur le potentiel de croissance inestimable dont dispose le pays dans plusieurs domaines.

Booster l’industrialisation et mieux partagé la richesse créée pour garder le cap
L’enseignant-chercheur Seyni Almoustapha plaide pour l’élaboration d’une stratégie d’industrialisation appropriée pour le Niger et ses réalités spécifiques car, un pays ne peut se développer sans industrialisation. «Cette stratégie devrait permettre d’accroître sensiblement les rendements agricoles, d’accroître significativement la production d’énergie pour soutenir l’industrialisation, développer le transport multimodal et intermodal, diversifier les corridors. Tout cela répose sur un capital humain à la hauteur, donc un bon système de formation et d’apprentissage et un système national d’innovation très efficace », ajoute-t-il.
Pour maintenir la place de leader au sein de l’UEMOA obtenue par le Niger en 2024, Dr. Seyni Almoustapha insiste sur une meilleure gestion des fruits de la croissance, donc de la richesse créée. Dans ce sens, dit-il, il convient d’accroître la participation des Nigériens à la réalisation de la croissance. « Il faut faire en sorte que de plus en plus d’entreprises nigériennes s’impliquent directement dans les activités minières et pétrolières. De même, la main d’œuvre nigérienne doit être le fer de lance de cette croissance. Donc, nous devons disposer d’un bon capital humain, de travailleurs bien formés, hautement qualifiés et compétents pour relever les défis », estime ce spécialiste. Ces investissements qui créent des emplois, poursuit-il, vont permettre de lutter efficacement contre la pauvreté dans le pays.
Il convient ainsi, dit notre interlocuteur, non seulement d’investir dans des secteurs porteurs, mais aussi de bien analyser la rentabilité économique et sociale de ces investissements. Pour ce faire, Dr. Seyni Almoustapha insiste sur la nécessité pour le Niger de disposer d’une grille de priorisation permettant de réaliser des « investissements qui contribuent le plus au développement et au bien-être des populations, à la transformation structurelle de notre économie ». En effet, renchérit-il, les Nigériens doivent avoir à l’esprit que c’est le même budget qui permet d’acheter des armes pour combattre les terroristes, qui permet également de financer l’éducation, la santé ainsi que les autres secteurs sociaux.
Souleymane Yahaya (ONEP)