
M. Mahaman Laouali Abdou Rafa
Monsieur le Directeur national de la BCEAO, pourriez-vous nous éclairer sur la signification de l’Avis publié par la BCEAO?
Pour édifier l’opinion nationale, nous voudrions d’abord indiquer que les deux Avis publiés respectivement en janvier 2024 et avril 2025 sont relatifs à l’Instruction de la BCEAO N°026-11-2016 du 15 novembre 2016 qui traite des règles de comptabilisation et d’évaluation des créances en souffrance par les banques et les établissements financiers à caractère bancaire. L’instruction dans le langage financier constitue un texte d’application d’une ou de plusieurs dispositions d’un texte supérieur, en l’occurrence ici la Loi bancaire.
Les règles définies dans cette instruction imposent que les banques doivent d’abord déclasser les créances impayées de la catégorie des créances saines et provisionner toute créance échue et impayée au-delà de 90 jours.
C’est quoi une provision ? Il s’agit d’un mécanisme instauré dans le droit commun des entreprises pour couvrir les pertes éventuelles sur les créances impayées par prélèvement sur les bénéfices réalisés, afin de sauvegarder le capital (par extension les fonds propres).
Au regard de la situation financière qui a prévalu en raison des sanctions subséquentes aux événements du 26 juillet 2023, le Trésor Public s’est trouvé dans l’incapacité d’honorer les échéances sur les titres émis par l’État du Niger. A la fin de l’exercice 2023, la durée d’immobilisation de ces échéances allait nécessiter des provisions financières à constituer par les banques. Ces provisions allaient ainsi impacter négativement les résultats nets des banques si elles sont appliquées.
Donc, c’est pour éviter cet impact négatif sur les banques que la BCEAO a suspendu temporairement l’application des dispositions de l’instruction 026-11-2016, contribuant ainsi à assurer la stabilité du secteur bancaire au niveau régional.
Après la levée des sanctions, le Trésor Public du Niger a repris normalement ses interventions sur le marché financier. De ce fait, il n’y avait plus de raison à garder la suspension temporaire de la mise en œuvre des dispositions de l’Instruction. C’est la constatation de cette normalisation, qui a fait l’objet de la publication de l’Avis N°005-04-2025 du 3 avril 2025, qui vient abroger en toute logique réglementaire l’Avis N°002-01-2024 du 22 janvier 2024, dont le contenu est devenu caduc.
Certains pensent que cet Avis va bloquer les opérations de l’Etat sur le marché financier. Est-ce exact ?
D’abord, c’est quoi le marché financier ? Il s’agit d’un lieu virtuel (à la différence des lieux physiques pour les marchés des biens comme le Grand marché de Niamey) au sein duquel les ressources financières (c’est-à-dire les capitaux ou l’argent) sont échangées. Les offreurs, ceux qui vendent, sont les banques installées dans tous les pays de l’UMOA ; et les demandeurs, ceux qui achètent, ce sont les États membres à travers leurs Trésors Publics.
La prise de cet Avis ne signifie nullement la création d’obstacles aux opérations financières de l’État du Niger, qui se déroulent normalement selon les règles du marché en fonction de la loi de l’offre et de la demande des ressources financières.
A titre d’illustration, le Trésor Public a effectué le 10 avril 2025, soit une semaine après la publication de l’avis, une émission sur le marché financier, qui a permis de conduire avec succès une opération de titrisation avec la SONIBANK. Cette titrisation a induit un apurement substantiel de la dette intérieure avec le remboursement immédiat d’un montant de plus de 25 milliards de FCFA (25 201 072 146 FCFA), en faveur de près d’une centaine de fournisseurs de la commande publique.
Hier encore, soit le 17 avril 2025, le Trésor Public a mobilisé un montant de 71,2 milliards de FCFA sur le marché financier.
D’autres estiment que la BCEAO a publié cet Avis parce que la situation économique et financière du pays est dégradée. Est-ce qu’il y a un lien ?
La publication de cet Avis ne signifie point une dégradation de la situation économique et financière du pays. Loin s’en faut, le Niger a enregistré un taux de croissance exceptionnel de 10,3 % en 2024, et les perspectives à moyen terme restent très favorables avec un taux de croissance projeté à 7,8 % en 2025, 8,2 % en 2026 et 8,3 % en 2027, soit une moyenne de 8,1 % sur les trois prochaines années.
De plus, sur le plan financier, le Gouvernement a conclu, de manière satisfaisante, au cours des 14 derniers mois, trois revues successives du Programme Économique et Financier avec le Fonds Monétaire International (FMI), ayant permis la mobilisation de ressources concessionnelles à hauteur de 74,9 milliards de FCFA. La prochaine Revue, la septième du Programme, est projetée se dérouler du 5 au 16 mai 2025. En conclusion, l’Avis en question n’est intervenu que pour constater une normalisation des interventions de l’État du Niger sur le marché financier au regard des performances du pays, notamment en matière économique et financière.
Source : RTN