« Avec les évènements du 26 juillet 2023, ayant consacré l’avènement du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie au Niger pays siège de la CCRS, je me réjouis très sincèrement que cela n’ait pas eu des implications négatives sur l’élan du processus de notre institution intergouvernementale. Une marque d’attachement des nouvelles autorités au règlement des défis environnementaux auxquels le Niger est confronté ainsi qu’à la pérennisation de sa position de pays pivot de la diplomatie climatique et environnementale régionale que lui confère cette institution ».
Excellence Monsieur le Secrétaire Exécutif, vous avez été nommé par la 2ème Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement le 17 février 2023 à la tête de la CCRS. Bientôt donc un an, en attendant, que peut-on retenir des dix premiers mois de mise en œuvre de la feuille de route du secrétariat exécutif ?
Permettez-moi tout d’abord de vous remercier pour l’occasion que vous m’offrez pour parler de l’opérationnalisation de la Commission Climat pour la Région du Sahel (CCRS) et cela opportunément, au lendemain de la Conférence des parties (COP28) qui s’est tenue à Dubaï mais aussi en prélude à la fin de l’année 2023.
Pour revenir à votre question, en effet, c’est lors de la dernière Conférence des Chefs d’Etat qui s’est tenue le 17 février 2023 à Addis-Abeba, que l’honneur m’a été fait d’être nommé comme le premier Secrétaire Exécutif de la CCRS. Qu’il me soit permis de saisir la présente occasion pour réitérer toute ma gratitude à l’ensemble des dirigeants des 17 pays membres de notre institution intergouvernementale. Au cours de ces dix premiers mois en termes de réalisations stratégiques, devrions nous saluer la signature de l’accord de siège de la CCRS avec la République du Niger ainsi que de la ratification des lois relatives au protocole additionnel instituant la Commission et la convention de création du Fonds Climat Sahel.
Aussi il nous plait de souligner la dynamique de collaboration insufflée avec les pays membres, ce qui a permis d’ailleurs au succès de ma première série de visites de travail auprès des pays membres notamment au Cameroun, en Cote d’Ivoire et au Mali. Nous nous réjouissons également du succès de la première phase des consultations et des prises de contact avec les partenaires bilatéraux et multilatéraux notamment au niveau des représentations basées au pays siège, le Niger ainsi que celles sous-régionales, régionales et internationales.
Sur le plan opérationnel, comme réalisation nous nous réjouissons du lancement du Projet 2 du programme de renforcement de la résilience à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle au Sahel (P2-P2RS), qui constitue le premier programme de la Banque Africaine de Développement (BAD) aligné au Plan d’Investissement Climat pour la Région du Sahel (PIC-RS) en termes de concrétisation de son engagement vis-à-vis de l’opérationnalisation de la Commission. Il s’agit d’un programme d’environ 220 Millions de Dollars sur 5 ans qui concerne 9 de nos pays membres y compris le Niger et dont la composante régionale est portée par la CCRS, le CILSS et l’Agence Panafricaine de la Grande Muraille Verte.
Nous nous réjouissons également du démarrage en janvier 2024, du projet intitulé PACO, projet de mise en œuvre des initiatives d’adaptation, financé par l’Allemagne et dont la CCRS a mandat de coordonner les activités de ses trois pays membres bénéficiaires le Bénin, la Côte d’Ivoire et le Sénégal.
Par ailleurs, il nous plait d’annoncer en perspective à court terme, un programme régional avec Mercy-Corps, dont le budget indicatif est de 70 millions de Dollars qui concernera cinq pays membres de la CCRS dont le Niger. La CCRS est collaboration avec son partenaire OXFAM dans le cadre de l’élaboration d’un projet régional de résilience de l’adaptation qui interviendra également au Niger.
D’autres perspectives sont également en cours de consultation avec des partenaires comme l’UICN, Save the children, la coopération espagnole…
Nous ne pourrions boucler les perspectives immédiates de l’agenda opérationnel sans annoncer la stratégie régionale sur le Nexus Paix Climat Sécurité dont le processus vient d’être amorcé en relation avec l’organisation sous-régionale ALG, les pays membres avec l’appui du PNUD.
En résumé, en moins d’un an, nous avons déjà établi un agenda programmatique plurisectoriel qui contribue sans nul doute à renforcer la résilience des populations de la Région du sahel. Nous nous concentrons également sur la mise en place du Fonds Climat Sahel, pour lequel nous nous réjouissons d’avoir mobilisé le siège et la résidence de son Directeur Exécutif grâce à la République Fédérale du Nigeria qui en est le pays hôte.
Sur le même agenda de ce fonds nous pouvons annoncer que les consultations sont déjà entamées avec les partenaires dans le cadre de la réalisation des autres diligences notamment le choix du mécanisme approprié ou de la banque qui sera chargée de gérer la fiducie du Fonds ainsi que les études complémentaires lui permettant de lui doter d’une gouvernance cohérente.
En tant que Premier Secrétaire Exécutif de la Commission et ressortissant du Niger, abritant également le siège, qu’est-ce qui était à la base de ce choix sur votre personne et comment vous arrivez à assumer cette fonction de chef d’une organisation intergouvernementale dans votre propre pays ?
Il est vrai que sans que cela ne soit consacré on a tendance d’observer au niveau de la coopération régionale que le poste de premier responsable d’une institution inter-gouvernementale échappe au pays qui abrite son siège. C’est dans ce sens que notre cas pourrait être estimé comme une exception mais doit être salué à notre humble avis.
En effet nous estimons que le choix porté sur notre humble personne était dicté par la grande vision des dirigeants de la Région de veiller au maintien de l’élan du succès de l’opérationnalisation de cette Commission constatée depuis sa création. Après avoir dirigé le groupe de travail conjoint des experts et l’organe transitoire, nous avons ainsi été honoré par la reconnaissance de l’ensemble des parties prenantes, de l’engagement et du leadership qui ont marqué la conduite opérationnelle et cela en dépit de beaucoup d’évènements et d’aléas survenus au cours du processus. C’est le lieu ici de remercier et réitérer toute notre reconnaissance à l’endroit de l’ensemble de celles et ceux qui nous ont toujours accompagné tout au long du processus tant au niveau national, régional et même international.
Revenant à la question de savoir comment assumer une telle fonction dans son pays d’origine, il nous plait de souligner l’importance du respect du droit de réserve que nous impose cette mission et cela conformément à l’accord de siège qui nous lie au pays siège. Nos actions sont ainsi guidées avec comme repère et boussole le devoir de veiller à une collaboration dynamique et soutenue avec toutes les parties prenantes de la République du Niger ainsi qu’au respect de ses institutions et de ses lois et ce, à l’instar de tous les Chefs de Mission des institutions diplomatiques et organisations internationales. A cet égard je me réjouis une fois de plus de l’excellente collaboration dont bénéficie la Commission avec toutes les institutions parties prenantes de la République du Niger.
Excellence le Niger a été à l’avant-garde de la conduite du processus de la Commission Climat pour la Région du Sahel. Avec les événements du 26 Juillet, où est-ce que nous sommes avec le leadership du Niger par rapport à ce processus ?
Effectivement, comme vous l’avez dit, le Niger a été, en relation avec tous les pays membres, à l’avant-garde de la conduite du processus de la Commission. Avec les évènements du 26 juillet 2023, ayant consacré l’avènement au Niger du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie, seulement 5 mois après la mise en place du secrétariat exécutif de notre organisation inter-gouvernementale, je me réjouis très sincèrement que cela n’ait pas eu d’implications négatives sur l’élan du processus. Pour cela, au nom de l’ensemble des parties prenantes nationales et internationales de la Commission, nous rendons un hommage mérité aux nouvelles autorités du Niger pour avoir su maintenir l’élan du leadership du Niger sur ce processus sur lequel le Niger capitalise des acquis stratégiques importants.
Cette volonté politique affichée par les autorités de la République du Niger démontre à notre humble avis leur attachement au règlement des principaux défis structurels auxquels le Niger est confronté notamment en lien à la perte de la productivité agrosylvopastorale ainsi que la vulnérabilité de ses populations dont plus 80% rurales. Aussi cette volonté politique pourrait être illustrative du souci de ses autorités de veiller au maintien de la position du Niger comme pays pivot de la diplomatie climatique et environnementale régionale qui verra par ailleurs sa Capitale devenir le hub d’élaboration et de suivi des projets structurants régionaux au Sahel.
Vous revenez d’une mission à la COP 28 qui s’est tenue à Dubaï aux Emirats Arabes Unis et c’est votre première participation en tant que Secrétaire Exécutif de la CCRS avec un agenda très chargé, quels sont les enseignements et les résultats tirés de cette participation ?
Nous tirons une grande satisfaction pour cette participation à la COP 28 dans la mesure où tout ce qui a été défini et programmé dans notre agenda a été réalisé avec succès. La COP 28 nous a ainsi donné l’occasion des rencontres bilatérales avec les autorités politiques des différents pays membres. Cela nous a effectivement permis de renforcer davantage le lien de collaboration soutenue, de nous assurer davantage du renouvellement des engagements de ces pays et d’amorcer par ailleurs, des perspectives de collaboration avec une dizaine de partenaires multilatéraux et bilatéraux.
Aujourd’hui, beaucoup de personnes estiment que les rencontres de la Conférence des parties (COP) ne sont plus opportunes du fait du non-respect des engagements. Qu’en pensez-vous ?
Vous savez il faudrait faire la part des choses de l’existence de différentes opinions qui peuvent être humblement jugées objectives ou subjectives. D’une part peut-on relever les opinions des certains acteurs (société civile, ONG internationales) qui restent insatisfaits et révoltés du constat du clivage Nord/Sud qui a toujours marqué les négociations Climat notamment dans le cadre de la définition des mécanismes cohérents et adaptés pour accompagner les pays en voie de développement plus éprouvés et qui sont pourtant moins imputables aux causes anthropiques (liées à l’action de l’homme) de ces phénomènes. Ces opinions ne réfutent pas ainsi l’opportunité des COPs, mais plaident pour que leurs agendas ne soient pas dictés par l’égoïsme dont sont victimes les pays du Sud en soutenant plutôt que la justice climatique soit au cœur de la diplomatie multilatérale.
A l’opposé de ces opinions, il y a celle des climato-sceptiques du Nord qui pour des raisons idéologique ou clientéliste en réfutant en effet l’existence des causes anthropiques des changements climatiques ne soutiennent guère l’agenda multilatéral des négociations climat et cela, afin d’éviter toutes formes de réparation à nos pays du Sud.
Par contre, il y a une autre forme de perception négative que vous trouverez très malheureusement dans les pays du Sud qui subissent pourtant plus les effets des changements climatiques. Cette catégorie d’opinions est malheureusement soutenue par une mauvaise compréhension de l’agenda des COPs. Elle est aussi soutenue par l’absence de résultats tangibles issus des participations de certains pays à ces rencontres. En effet faudrait-il souligner que les COPs ne sont pas simplement de cadres de négociations ponctuels, elles servent aussi de cadres de networking, partage d’expériences et de mobilisation de ressources. Toutefois leur agenda doit bénéficier d’une bonne préparation en amont à travers une vision politique déclinée en plan d’actions cohérent aux priorités du pays. Le choix des personnes qui auront mandat de représenter le pays doit être également indiqué tant au niveau de la représentation qu’au niveau des compétences. Le devoir de rendre compte et du suivi post participation doit être par ailleurs un impératif. Très malheureusement le constat d’une participation peu cohérente de certains de nos pays du Sud est une réalité. C’est pourquoi avec l’avènement de la CCRS nous comptons appuyer nos pays dans la dynamique de veiller à leur représentation efficiente à ces agendas afin que la voix de la Région du Sahel y soit durablement portée. C’est la seule manière qui permettra à nos pays de bénéficier au maximum de ces agendas multilatéraux de la diplomatie climatique et environnementale.
Quel message avez-vous à lancer à l’endroit des parties prenantes de la CCRS ?
Je saisis la présente occasion pour rappeler à l’ensemble des parties prenantes de la CCRS notamment les pays membres le caractère décisif de l’année 2024 qui s’annonce. En effet au cours de l’année 2024 sont prévues les principales actions prioritaires relatives à l’opérationnalisation du Fonds Climat Sahel ainsi qu’à la mise en œuvre de la première génération des projets régionaux du PPCI-Sahel.
Cela demande ainsi le maintien de l’élan d’engagement de chacun des pays membres afin d’assurer une mise en œuvre régulière de la feuille de route. Je saisis aussi la pressente occasion pour renouveler notre appel à l’endroit des partenaires techniques et financiers pour leur parfaite adhésion à travers un accompagnement soutenu dans le cadre du renforcement de la synergie entre les acteurs, la mobilisation des ressources et la mise en œuvre des actions de résilience climatique cohérentes pour la Région du sahel.