Disposition des couches de matière de fabrication du biofertilisant
Ces dernières années, l’agriculture fait face à de nombreux défis, notamment l’impact des pratiques sur l’environnement et la santé des sols. Le Niger perd chaque année des milliers d’hectares de terres fertiles en raison de la dégradation des sols, de l’érosion et de l’usage excessif d’engrais chimiques. Cette situation entraîne une baisse considérable de la productivité agricole. Pour accroître la production et améliorer les rendements, les agriculteurs ont de plus en plus recours à des sources de nutriments et à des mesures visant à stopper la dégradation des sols et à restaurer leur fertilité. C’est dans ce contexte que les biofertilisants émergent comme une alternative prometteuse. Il convient alors de comprendre ce qu’est un biofertilisant, de quoi il est composé et quel est l’intérêt de son utilisation.
Dr. Boubacar Djibo, ingénieur agronome, administrateur général de la coopérative FASAM Terre Verte, explique qu’un biofertilisant est un produit d’origine biologique contenant des micro-organismes vivants (bactéries, champignons, ou levures) capables d’améliorer naturellement la fertilité du sol et la croissance des plantes. Contrairement aux engrais chimiques, ils n’apportent pas directement des nutriments sous forme minérale, mais favorisent les processus biologiques du sol : fixation de l’azote atmosphérique, solubilisation du phosphore, dégradation de la matière organique, et stimulation des racines. « En somme, ils sont des activateurs de vie dans le sol. Ils restaurent les équilibres microbiens et permettent à la plante de mieux se nourrir à partir de son environnement naturel », précise Dr. Boubacar Djibo.
Les biofertilisants, d’après l’ingénieur agronome, ont de nombreux et durables avantages. En effet, les biofertilisants favorisent des pratiques agricoles durables en réduisant la dépendance aux intrants chimiques et en préservant la santé des sols et des écosystèmes. « Ils améliorent la santé du sol tout en augmentant la teneur en matière organique, la porosité et la capacité de rétention en eau. Ensuite, ils renforcent la vigueur des plantes en stimulant la croissance racinaire », ajoute-t-il. En outre, les biofertilisants favorisent une meilleure absorption des nutriments et une plus grande résistance aux stress hydriques et aux maladies. Aussi, ils réduisent les coûts de production et les risques environnementaux liés aux engrais chimiques. Ils permettent également des gains de rendement significatifs tout en renforçant la résilience climatique. « Pour le maraîchage, le biofertilisant peu booster le rendement à plus de 20% voire même 60%. Les céréales de 15 jusqu’à 40%, les légumineuses jusqu’à 35% et l’arboricuture à plus de 50%. Au Niger, plusieurs démonstrations ont montré que l’utilisation correcte de Bokashi peut doubler la production maraîchère » indique Dr. Boubacar.
Cependant, l’agronome reconnaît que, malgré leurs avantages, les biofertilisants présentent quelques limites. « Leurs effets sont plus lents que ceux des engrais chimiques et dépendent fortement de la qualité de fabrication. Leur préparation prend du temps, nécessite de la main d’œuvre et certaines matières premières peuvent manquer selon la saison. Les biofertilisants doivent aussi être soigneusement stockés pour conserver leur efficacité. Enfin, sur les sols très dégradés du Sahel, les résultats apparaissent progressivement et demandent plusieurs applications », prévient -t-il .Toutefois, assure ce spécialiste en agroécologie engagé pour la souveraineté alimentaire, c’est une approche qui réconcilie productivité et durabilité, particulièrement adaptée aux conditions sahéliennes où la fertilité des sols est naturellement faible.
Un biofertilisant n’est pas un engrais chimique
Le biofertilisant est différent de l’engrais chimique, relève Dr. Boubacar Djibo. Bien que les engrais et les biofertilisants contribuent à la croissance et à la productivité des plantes, ils agissent selon des mécanismes différents. « La différence est fondamentale. Les engrais chimiques sont des produits industriels à base de sels minéraux (azote, phosphore, potassium…) qui agissent rapidement mais peuvent appauvrir le sol à long terme et perturber sa vie biologique. Et, les biofertilisants, eux, régénèrent le sol plutôt que de l’épuiser. Ils nourrissent la microfaune, stabilisent la structure et améliorent la fertilité de manière progressive. Autrement dit, les engrais nourrissent la plante, alors que les biofertilisants nourrissent la terre. Cette distinction résume toute la philosophie agroécologique que nous défendons à FASAM Terre Verte »,fait-il remarquer.
En effet, pour accompagner les agriculteurs à améliorer leur rendement, Dr. Boubacar Djibo s’est investi dans la production de biofertilisants à travers une coopérative appelée ‘’Fasam Terre Verte’’ située au quartier Cité Olani de Niamey. «Notre coopérative, FASAM Terre Verte, a choisi de promouvoir une agriculture vivante et respectueuse des écosystèmes, centrée sur la valorisation des ressources locales : résidus agricoles, fumier, charbon végétal, neem, son de riz, levure, mélasse, etc.» confie l’agronome.
Au sein de la coopérative, il a été développé plusieurs types de biofertilisants adaptés aux besoins des producteurs dont le Bokashi. Selon l’ingénieur agronome, c’est un engrais fermenté riche en micro-organismes efficaces (EM) utilisé pour toutes les cultures maraîchères et fruitières. Outre cet engrais, il est aussi fabriqué au sein de la coopérative du compost organique enrichi issu de déchets agricoles et de fumier. « Il apporte un humus stable et durable », fait-il savoir.
En plus de ces deux, la coopérative produit également du biochar (charbon végétal activé). Un biofertilisant qui améliore la rétention d’eau et fixe les nutriments dans le sol et les biostimulants liquides (thé de compost, extrait de neem, thé de Bokashi) qui favorisent la croissance et la résistance des plantes. Enfin, il y a les bioprotecteurs (apichi, bouillon de chaux souffrée, poudre de neem) qui complètent l’action fertilisante par une protection naturelle contre les ravageurs. « Chacun de ces produits est testé à la Ferme FASAM Terre Verte, dans la Cité Olani (Saga – Niamey, avant sa diffusion auprès des producteurs », assure le spécialiste.

A la question de savoir de quoi est composé un biofertilisant, le spécialiste a indiqué que la fabrication se fait selon des procédés artisanaux améliorés et scientifiquement encadrés. Autrement, ils peuvent être fabriqués à partir de différents matériaux notamment des matières animales, végétales ou microbiennes. « Pour le Bokashi, par exemple, il est obtenu à partir d’un mélange de matériaux locaux comme le son de riz, le charbon pilé, fumier, cendre, argile, sucre roux et micro-organismes efficaces. Le tout est fermenté pendant 15 jours dans des conditions contrôlées (humidité, température, aération). Le compost et le biochar suivent des protocoles similaires, axés sur la transformation lente et la conservation des nutriments », explique Dr. Boubacar Djibo.
Les prix des différents biofertilisants produits à la coopérative FASAM Terre Verte varient selon la catégorie. Ainsi, le Sac du compost est vendu à 3000 FCFA, le Bokashi à 2500 FCFA, le sac de balle de riz carbonisé (BRC) à 2500 FCFA et le Thé Bokashi à 1000 FCFA.
La coopérative Fasam Terre Verte forme aussi des groupements de producteurs à ces techniques, afin de diffuser le savoir-faire dans tout le pays. La vision de FASAM est claire : que chaque commune du Niger dispose de son pôle de production de biofertilisants pour renforcer la souveraineté agricole et la résilience climatique.
Les biofertilisants représentent aujourd’hui une solution réaliste et accessible pour améliorer durablement la production agricole au Niger. Leur utilisation permet de réduire l’usage des produits chimiques, d’améliorer la qualité des sols et de soutenir la biodiversité tout en optimisant les rendements agricoles. Contrairement aux engrais chimiques, ils favorisent un équilibre écologique, en travaillant avec les micro-organismes du sol pour stimuler une croissance saine et naturelle des plantes. « Produire des biofertilisants, c’est offrir aux agriculteurs des solutions accessibles, locales et durables pour améliorer leurs rendements tout en protégeant la terre. C’est aussi une manière de créer de l’emploi pour les jeunes et les femmes à travers la production, la formation et la commercialisation de ces intrants » a indiqué Dr. Boubacar Djibo.
Rahila Tagou (ONEP)
