La pandémie du Covid 19 a tout changé, le monde culturel est bouleversé, impactant négativement les acteurs. Les spectacles ont été suspendus. Economiquement les artistes ne se retrouvent plus. Pour beaucoup d’entre eux, il est plutôt difficile de joindre les deux bouts. Comment inverser la tendance, lorsque le mal est bien là, et continue à faire des dégâts. Même sans grands moyens, les artistes nigériens continuent la sensibilisation pour que les populations respectent les gestes barrières et ce dans l’objectif de se protéger et de protéger les autres. Ils témoignent cependant qu’avec cette pandémie de Covid 19, le monde culturel traverse une grande crise notamment le report des festivals, des expositions, des concerts, l’annulation des voyages, toute l’industrie culturelle est à l’arrêt. Néanmoins ces acteurs ne se laissent pas abattre, certains continuent à créer des œuvres, d’autres lancent des appels à l’aide..
Daouda Karimou dit DonD Animateur culturel à Dounia TV et Studio kalangou de Niamey
«Avec l’avènement de la pandémie Covid 19, les autorités ont pris très tôt des mesures de distanciations physiques qui ont directement impacté les activités artistiques et culturelles. En effet, la force des activités artistiques et culturelles
résident dans les regroupements et les rassemblements notamment les concerts dans les salles de spectacles, les restaurants, les boites de nuit, les bars, la projection de films, les expositions dans des salles, etc. Avec donc la fermeture de ces espaces, les acteurs culturels se sont retrouvés dans une situation délicate car il faut gérer le quotidien alors qu’il n’y a plus d’entrées. Je pense que les acteurs culturels ont été le corps le plus touché par cette pandémie avec le secteur du transport et du tourisme.
Mais le chômage des acteurs culturels les a conduits à la recherche d’idées pertinentes pour continuer à travailler et à produire. C’est ainsi que nous avions, au niveau des émissions musicales suivi un peu ce qui se passe à l’international avec les spectacles virtuelles notamment sur internet. Une piste que nous essayons désormais de développer ici, car en plus d’être une alternative à la fermeture des lieux de spectacles, elle peut devenir le concept du siècle, par ce que les TICs seront d’ici peu et partout incontournables. En tant qu’animateur, dans la période chaude de la pandémie, nos émissions à la télé tout comme à la radio ont continué bien qu’on ne pouvait plus recevoir d’invités physiquement sur ces émissions. J’ai profité pour tourner des émissions allant plus dans le cadre de la contribution à la lutte contre la Covid 19 à travers la sensibilisation sur la maladie et la promotion des gestes barrières en milieu jeune. A la télé, nous avions réalisé des émissions dans la ville pendant la période du couvre-feu pour nous enquérir des sentiments de la population et des autorités de la ville qui ont instauré le couvre-feu. A la radio, nous avions tourné des émissions hebdomadaires sur la jeunesse, son comportement et la façon dont elle mène sa vie quotidiennement face à la covid 19. La production ne s’est pas arrêtée, c’est juste que la promotion musicale des artistes que j’assure en tant que maitre de cérémonie lors des spectacles s’est arrêtée puisqu’il n’y avait pas d’évènements culturels, tout était suspendu».
Amadou Sanda Maiga Abdoul Rachid, réalisateur
«Le Covid 19 est venu changer nos habitudes. Il faut le dire, il a eu des impacts positifs et négatifs. Personnellement, le fait de me retrouver sans travail est pénible, j’ai dû remettre à plus tard mes activités, un projet important qui me tenait beaucoup à cœur. J’ai aussi profité du confinement pour travailler et candidater à des fonds internationaux. Cette maladie a été pour le monde entier une véritable tragédie. Il était nécessaire pour nous de veiller à ce qui est arrivé dans les autres pays n’arrive pas chez nous. C’est pourquoi avec ma caméra, je suis allé rencontrer les plus grands ’’ronfleurs‘’ du pays pour faire des vidéos de sensibilisation avec eux. Ces vidéos je les ai publiées sur ma page Facebook, mais également sur certaines télévisions de la place. Avec l’artiste slameur Althess, nous avions fait un clip vidéo en langue pour vraiment informer la société sur les mesures de sécurité, de prévention mais aussi sur ce qu’on doit faire en cas d’apparition des symptômes de la maladie. Aujourd’hui, il faut le dire tous les programmes de tournage ou de projection sont interdits pour cause de Covid. Cela n’arrange aucunement le métier mais on attend bien sûr que les choses s’améliorent pour amorcer un nouveau départ dans un nouveau monde. Pour l’instant j’invite toute la société à respecter les gestes barrières pour se protéger et protéger les autres de la maladie. Nous avons des personnes âgées et vulnérables nous devons tout faire pour les protéger car elles ont une santé fragile. Mon souhait c’est que nous sortions forts et ressourcés de cette sombre période».
Aichatou Soumaila Ali dite ‘’Dan kwali’’, chanteuse du groupe Sogha
«Depuis le début de la crise sanitaire due à la pandémie du Covid 19, beaucoup de secteurs économiques sont durement touchés. La culture n’est pas épargnée, aujourd’hui tous les programmes culturels de l’année 2020 ont été annulés. Du coup les artistes sont dans un chômage technique sans aucune ressource dans certains pays. Au Niger, il y’a distribution de vivres, de quoi soulager surtout quand on sait que beaucoup d’entreprises culturelles gagnent des prestations en temps normal avec des retombées financières acceptables. L’Etat du Niger a fait des promesses d’aide financière et les artistes attendent toujours; pour le moment c’est très dur et personne ne sait quand est-ce que cela va finir».
Boubacar Souley Salifou alias Speedy, artiste comédien scénographe-danseur
«Cette pandémie nous a complètement bloqués, on ne pouvait rien faire. Les salles de répétition et de spectacle ont été fermées. Avant l’arrivée de cette maladie terrible presque tous les artistes étaient en création avec le début de l’année. Mais, à cause du confinement, rien n’a pu être fait de bon. Passer 4 mois sans activités, ce n’est vraiment pas facile pour nous. Il y’a des tas de questions à se poser. Comment vivre sans activités ? Comment payer ses dettes ? Il y’en a parmi nous qui croulent sous des dettes parce que cela a surpris tout le monde. Comment utiliser cette impasse pour créer de nouvelles œuvres artistiques ? Malgré les difficultés rencontrées en ce moment on a quand même trouvé des méthodes de travail à distance. En définitive, cela a vraiment freiné le développement socioéducatif et culturel».
u Amadou Younsa Hamani dit Force morale, artiste rappeur
«La pandémie à coronavirus impacte le milieu culturel comme dans les autres milieux au Niger. Depuis l’arrivée de cette pandémie, les artistes se trouvent dans une situation socioprofessionnelle difficile marquée par l’absence de prestation à travers lesquelles les artistes gagnent leur pain, l’interdiction des concerts, les difficultés d’aller en studio non seulement liée au problème financier mais aussi à la crainte de se faire infecter par le virus. Alors que depuis le début de l’épidémie, les acteurs culturels dont nous faisons partie font tout pour trouver des moyens de contourner les contraintes pour continuer à produire, pour créer de nouveaux formats et faire comme si de rien n’était. Nous avons produit tout récemment un clip, en respectant les règles édictées. Les artistes souffrent déjà avec ce manque d’investissement, mais ils agissent, et essaient de voir comment demain sera fait. Pour le moment, il faut faire face à la situation».
Aïssa Abdoulaye Alfary(onep)