Au Niger, presque dans toutes les cultures, une femme, après avoir accouché, doit observer une période de récupération physique et émotionnelle qu’est la période post-partum appelée « quarantaine ». C’est un moment crucial, durant lequel la nouvelle mère, après 9 mois de grossesse, doit prendre soin d’elle-même et de son nouveau-né.
Sexagénaire, Rakia Hamidou échange avec ses enfants dans la cour de sa maison. Femme atteinte de ménopause depuis belle lurette, Rakia sait de quoi on parle lorsqu’on évoque la période post-partum. Selon elle, cette période est une pratique ancestrale dans la culture Zarma-Sonray. « Dans les temps anciens, quand une femme donne naissance à son premier enfant, la belle famille doit la ramener chez ses parents, accompagnée de vivres. Après l’accouchement, elle doit toujours se cacher. Aucun œil ne doit la voir ; et on ne doit pas l’entendre élever sa voix durant 40 jours. Pendant ce temps, elle doit prendre du poids pour montrer qu’elle est une femme capable », a-t-elle souligné.
Cependant la vielle dame a mentionné que cette nouvelle génération ne respecte pas la quarantaine qui est beaucoup plus culturelle que religieuse. Selon elle, de nos jours, il existe beaucoup de femmes qui sortent pour vaquer à leurs préoccupations pendant cette période. « C’est ce non-respect de nos cultures qui nous amène beaucoup de difficultés sanitaires. J’appelle cette nouvelle génération à se cacher pour mieux vivre cette période. C’est un moment qui a besoin de discrétion et de don de soi pour qu’à la sortie de la quarantaine, les gens puissent t’apprécier à ta juste valeur », a-t-elle dit.
Dans la religion musulmane, cette période a une tout autre dimension. Ainsi, selon les explications du prédicateur religieux Oustaz Moustapha Mahamadou, la période post-partum est une période bien déterminée dans le livre saint de l’islam (le Coran). « Il est dit dans ce livre saint que le temps de la période post-partum devrait dépasser 30 jours. Mais si la femme ne voit plus le sang de naissance (nifass), elle doit faire son bain de propreté afin de continuer ses prières. Elle doit aussi veiller non seulement sur son enfant mais aussi sur elle-même », a-t-il indiqué. Oustaz Moustapha Mahamadou a ajouté que le mot quarantaine n’est pas un terme religieux mais plutôt culturel. « En islam, on n’attend pas 40 jours pour faire la saddakat, mais plutôt le 7è jour après l’accouchement. Quant on prend l’exemple de Fatouma, la fille du prophète (SAW), après avoir donné naissance de ses jumeaux, elle a fait l’aumône le 7è jour pour manifester sa joie par rapport à la venue de ses enfants », a-t-il précisé.
Assise dans sa chambre en train de prendre sa bouillie de mil toute chaude, Aichatou Harouna souligne que la quarantaine est un moment pénible pour elle. « J’ai accouché de mon premier enfant il y a quelques semaines de cela. Mais je suis déjà épuisée de tout ce qu’on me fait subir. Il faut que tu te laves avec de l’eau chaude le matin et le soir pour te sentir mieux. En plus, ce qui me fait le plus mal, c’est l’allaitement. C’est très dur quand l’enfant tète, mais avec les conseils des sages, je m’habitue du jour au lendemain », a-t-elle dit.
Salima H. Mounkaila (ONEP)
