Le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont décidé d’impulser une nouvelle dynamique de coopération stratégique à travers la signature de la Charte instituant l’Alliance des États du Sahel (AES), le 16 septembre 2023 à Bamako. Cette ambitieuse vision s’inscrit dans la droite ligne de la volonté des Chefs d’État, le Capitaine Ibrahim Traoré, Président de la Transition, Chef de l’État du Burkina Faso, le Colonel Assimi Goita, Président de la Transition, Chef de l’État du Mali, le Général de Brigade Abdourahamane Tiani, Président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), Chef de L’État du Niger, d’œuvrer à la sécurisation, à la promotion de l’indépendance économique et à l’intégrité de l’espace du Liptako-Gourma.
Si le combat contre l’hydre terroriste a été en toile de fond de la création de cette alliance, il n’en demeure pas moins que les trois pays, qui ont manifestement un destin commun, ont bien voulu ratisser large pour en faire un véritable instrument de leur développement économique et social. Ainsi ont-ils voulu amorcer la mise en place d’une institution complète dont les tentacules s’étendent dans tous les secteurs de la vie socio-économique des trois pays. C’est ainsi que les ministres en charge des Affaires étrangères se sont réunis le 30 novembre 2023 à Bamako au Mali. Mme Olivia Ragnaghnewendé Rouamba du Burkina Faso, M. Bakary Yaou Sangaré du Niger et M. Abdoulaye Diop du Mali ont ainsi examiné les recommandations issues des travaux des Experts tenus préalablement. Il s’est agi notamment pour les chefs de la diplomatie des trois pays d’examiner le processus d’opérationnalisation stratégique de l’AES ; de déterminer les aspects relatifs aux organes à mettre en place ainsi que l’articulation entre l’expertise existante et les acquis capitalisés par l’Autorité de Développement intégré du Liptako-Gourma et l’AES et d’accorder une attention particulière à la coordination de leurs actions diplomatiques et politiques ainsi que les questions de communication, en ces temps de guerre informationnelle.
« Sous le leadership du Général de brigade Abdourahamane Tiani, du colonel Assimi Goïta et du capitaine Ibrahim Traoré, l’AES est en train de prendre son envol et rien ne peut l’arrêter », a déclaré sans ambages le ministre nigérien des Affaires Etrangères, de la coopération et des Nigériens à l’Exterieur, M. Bakary Yaou Sangaré. Il a ajouté que l’espoir que suscite cette organisation va au-delà des peuples de l’espace Sahélien. « L’Afrique toute entière a les yeux rivés sur cette nouvelle dynamique de coopération stratégique basée sur les principes de souveraineté, d’intégration et de solidarité agissante », a-t-il estimé. En effet, en décidant de mutualiser leurs efforts, les trois pays entendent aussi prendre leur destin en main. Du reste, initialement limitées à la sécurité et à la défense, les compétences de l’AES ont été élargies aux domaines politique, diplomatique et au développement économique, conformément à la vision des trois Chefs d’Etat. La ministre burkinabè des Affaires étrangères, Mme Olivia Ragnaghnewendé Rouamba a abondé dans le même sens soulignant les défis communs auxquels les trois pays sont confrontés depuis plus d’une décennie, en particulier sur le plan sécuritaire. « Des armées étrangères aux moyens colossaux ont été déployées, des stratégies endogènes ont été expérimentées, des rencontres sous régionales, régionales et internationales sur la question ont été organisées sans grand succès sur le terrain de la lutte contre le terrorisme dans notre région », a-t-elle rappelé. Elle a ajouté à cela le manque de solidarité évident des instances sous régionales et régionales africaines, beaucoup plus préoccupées à prendre des sanctions injustes et inhumaines contre les populations des pays en transitions politiques déjà durement éprouvées par les effets néfastes du terrorisme. Elle a souligné la clairvoyance des Chefs d’Etats des trois pays pour avoir mis en place l’AES et à travers elle une architecture de défense collective et d’assistance mutuelle dont les premiers résultats se font déjà ressentir sur le terrain ainsi que l’atteste la reprise de la ville de Kidal par les FAMas.
« La réaction résolue de nos Armées nationales, leur dévouement indéfectible et leur courage ont été des piliers essentiels. C’est grâce à l’engagement de nos forces armées que des progrès significatifs ont été réalisés dans la restauration de la paix et de la stabilité. Nous leur rendons un hommage appuyé car ils incarnent la résilience de nos peuples et je m’incline respectueusement à la mémoire de toutes les victimes, civiles comme militaires, de la crise au Sahel », a affirmé M. Abdoulaye Diop le ministre malien des Affaires étrangères et de la coopération internationale. Il a insisté sur la nécessaire coordination sans faille et une collaboration étroite dans la lutte contre le terrorisme, tout en précisant que l’AES ne se limite plus à la défense et à la sécurité. « Nous aspirons, entre autres, à faire de l’AES un espace où l’indépendance et le développement économique dans toutes leurs composantes sont solidement ancrés. Nous parviendrons à l’atteinte de ces objectifs à travers, entre autres, la poursuite de nos concertations diplomatiques et politiques », a-t-il expliqué. Il a appelé ses pairs à démontrer que l’engagement des trois pays n’est pas seulement un acte formel, mais une promesse vivante.
Avant cette rencontre, les experts des pays membres de l’AES se sont réunis du 23 au 24 novembre dans la capitale malienne. Cette réunion qui a regroupé les experts dans les domaines, de la sécurité intérieure, des transports, des douanes, de l’énergie, des mines, du commerce, des industries, de l’économie et des finances a pour objectif d’échanger et de créer une synergie d’action entre les pays membres sur l’accélération du processus d’intégration économique et financière au sein de l’Alliance. De manières spécifiques, les experts ont entre autres, procédé à une évaluation des forces, des faiblesses, des opportunités et menaces qui se présentent à l’AES. Ils ont également évalué les potentialités économiques des pays (ressources humaines, minières, etc.) ; le poids de l’AES dans l’UEMOA et la CEDEAO. Les experts ont par ailleurs identifié les contraintes et difficultés économiques majeures auxquelles sont confrontés les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) ; analysé les problèmes de financement des économies des pays de l’AES. Ils ont ensuite identifié les solutions spécifiques et endogènes ; identifié et analysé les solutions aux entraves à la libre circulation et à la sécurisation des biens et des personnes à l’intérieur tout en assurant un meilleur contrôle aux frontières extérieures de l’AES. Les experts de l’AES ont par ailleurs défini des stratégies pour sécuriser l’approvisionnement des pays de l’AES en produits importés tout en minimisant les coûts ; défini une stratégie de création des unités industrielles. Ils ont enfin élaboré une feuille de route pour la réalisation des actions majeures retenues.
Le 25 novembre 2023 les ministres en charge de l’Économie et des Finances se sont réunis pour se pencher sur les propositions des experts. A cette occasion, le ministre délégué auprès du Premier Ministre, chargé des Finances M. Boubacar Saidou Moumouni, qui représentait le Niger à cette réunion, a indiqué que les résultats et les recommandations fort enrichissants auxquels sont parvenus les experts des trois pays constituent des leviers importants pour lancer les bases des discussions qui vont aboutir à des reformes structurantes dans l’espace AES. C’est pourquoi, il a estimé que la réunion des ministres doit émettre des signaux forts pour rassurer les populations de l’espace commun, dont les attentes à ce propos sont pressantes et légitimes. Ces signaux doivent porter sur quatre points essentiels. Il s’agit de la mise en place rapide d’une administration légère, dotée d’un budget conséquent pour financer les opérations de lutte coordonnées contre le terrorisme, les escortes conjointes pour la sécurisation des corridors de désenclavement, d’approvisionnement et des sites d’extraction de nos richesses minières ; la réalisation d’une étude rapide sur la zone
« franc » qui dégagerait tous les scénarii possibles. « Cette étude sera menée par les universitaires de nos trois pays de l’AES et le financement sera assuré par l’administration légère », a-t-il précisé. Il y a en outre la tenue, dorénavant, d’une rencontre de concertation des trois pays de l’AES avant toute réunion de la BCEAO, de l’UEMOA, de la CEDEAO et des autres organismes internationaux pour harmoniser leurs positions respectives et la tenue rapide d’un sommet des Chefs d’Etat pour entériner les décisions importantes auxquelles les trois pays sont parvenus.
Oumarou Moussa (ONEP)