
Dr Adamou Bozari, Gynécologue Obstétricien, Chef de service Obstétrique de la Maternité Issaka Gazobi
Le Syndrome des Ovaires Polykystiques (SOPK) est une endocrinopathie ou une affection hormonale qui touche les femmes en âge de procréer. Règles abondantes, longues, irrégulières, imprévisibles ou inexistantes, acné ou peau grasse, pilosité excessive sur le visage ou le corps, calvitie masculine ou chevelure clairsemée, infertilité, trouble du métabolisme, prise de poids inexpliquée et rapide, fatigue excessive, troubles cognitifs et une profonde dépression, manque d’ovulation, tels sont les symptômes causés par cette maladie. Le SOPK est la première cause d’infertilité chez la femme selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Cette pathologie touche environ 6 à 13% des femmes en âge de procréer, et jusqu’à 70% des femmes touchées ne sont pas diagnostiquées dans le monde.
Maladie chronique et incurable, les causes du SOPK sont encore inconnues. Cependant, certains symptômes peuvent apparaitre dès l’adolescence et fluctuer avec le temps. Selon Dr Adamou Bozari, Gynécologue Obstétricien, Chef de service Obstétrique de la Maternité Issaka Gazobi, cette maladie affecte principalement les ovaires qui sont des glandes génitales féminines ayant une double fonction dont la fonction exocrine permettant la production des ovules, et celle endocrine engendrant la sécrétion hormonale. La maturation folliculaire est bloquée en cas de diagnostic positif et les follicules immatures s’accumulent avec une durée de vie plus longue sur les ovaires. « À la naissance, il y a environ 300 à 400.000 follicules primordiaux. À partir de la puberté jusqu’à la ménopause, 400 à 450.000 follicules primordiaux vont arriver à maturité en forme d’amande, ovoïde aplati pesant 6 à 8g chez la femme en activité et 1 à 2g chez la femme ménopausée », a-t-il expliqué. En effet, le SOPK est dû à un dérèglement hormonal d’origine ovarienne et/ou centrale entrainant une production excessive d’hormones androgènes conduisant à une élévation du taux de testostérone dans le sang de la femme alors que ce dernier est généralement présent en très petite quantité dans l’organisme féminin. Si les causes restent inconnues, certaines femmes sont prédisposées à contracter cette maladie au cours de leur vie, comme les femmes appartenant à un groupe ethnique spécifique, celles atteintes du diabète de type 2, les femmes sujettes à l’obésité ou aux facteurs environnementaux tels que les perturbateurs endocriniens. L’origine ovarienne ou centrale du SOPK réside dans la sécrétion de deux hormones à savoir les hormones FSH et LH qui sont responsables de la production d’hormones par les ovaires durant les différentes phases du cycle menstruel (phase folliculaire, ovulation et phase lutéale). « En cas de SOPK, le système est perturbé et l’hormone LH est anormalement élevé, empêchant ainsi l’ovulation et poussant les ovaires à sécréter trop d’androgènes conduisant à une pilosité excessive ou de l’acné », a-t-il ajouté. Aussi, Dr Adamou Bozari souligne que les femmes atteintes de SOPK sont plus susceptibles de développer d’autres problèmes de santé comme le diabète de type 2, une hypertension artérielle, une hypercholestérolémie, une cardiopathie ou un cancer de l’endomètre. Par ailleurs, le gynécologue obstétricien mentionne qu’en fonction de l’âge, les symptômes peuvent varier avec le temps ou se manifester sans aucun facteur déclencheur déterminé. « À 15 ans, la femme atteinte peut développer une hyper androgénie et avoir des cycles irréguliers, à 25-30 ans, une hyper androgénie et une infertilité, à 45 ans, une hyper androgénie et une intolérance aux hydrates de carbone et à 55 ans, elle développe un risque accru de maladies cardiovasculaires et du diabète de type 2 », dit-il.
Le diagnostic et les traitements administrés
Hormis les différents symptômes qui peuvent apparaitre ou conduire à une visite médicale, seule une échographie ou des analyses sanguines peuvent permettre de poser un diagnostic mais, le SOPK est diagnostiqué en présence d’au moins deux des éléments parmi une multitude. Il s’agit, d’après le gynécologue, des signes ou des symptômes d’un taux élevé d’androgènes après avoir exclu d’autres causes, des menstruations irrégulières ou inexistantes, des ovaires polykystiques visibles à l’échographie et les examens sanguins peuvent permettre de mesurer le taux d’hormones comme la testostérone, l’œstrogène, l’Hormone Lutéinisante (LH), l’insuline et l’hormone antimüllérienne qui mesure le taux de fertilité des ovaires sont élevés ou pas. À ce jour, il n’existe pas de traitement curatif à cette maladie mais, des traitements peuvent être prescrits pour atténuer les symptômes. Le spécialiste explique qu’un changement de mode de vie, une alimentation saine et suffisamment d’exercices peuvent aider à réduire le poids et les risques du diabète de type 2. Les pilules contraceptives, poursuit-il, et certains médicaments permettent de réguler le cycle menstruel, d’atténuer les symptômes et de réduire l’acné ou la pilosité indésirable causée par le SOPK. « Une intervention chirurgicale ou des médicaments visant à stimuler une ovulation régulière ou une Fécondation In Vitro (FIV) peuvent être effectuées pour pallier aux problèmes d’infertilité et certaines femmes arrivent à concevoir malgré la présence du SOPK. Tout dépend de l’organisme de la femme et de son mode de vie », a-t-il ajouté. Selon Dr Amadou Bozari, un tiers des consultations enregistrées à la maternité Issaka Gazobi sont des cas de SOPK connus ou sous diagnostiqués. Concernant les traitements traditionnels, il a expliqué que, même s’ils peuvent aider, le grand problème reste le dosage de ces derniers qui peuvent créer d’autres problèmes de santé graves comme des pathologies rénales, des problèmes cardiovasculaires, etc. « Seul le changement de mode de vie peut réellement aider. Il n’existe aucun traitement scientifiquement prouvé permettant de guérir complètement de la maladie et les traitements traditionnels ne respectent pas certaines mesures de dosage et les ingrédients peuvent causer ou aggraver d’autres maladies sous-jacentes », ajoute-t-il.

Les conséquences du SOPK sur le quotidien de la femme et sa fertilité
Stigmatisée par la société pour plusieurs raisons dont, entre autres, des difficultés à concevoir ou une pilosité apparente au niveau du visage, les femmes atteintes de SOPK sont considérées comme des ‘’sorcières’’ ou des ‘’femmes incomplètes’’. La pilosité excessive qui conduit parfois à l’apparition de barbe, de moustache ou de favoris chez la femme sur le visage ou le reste du corps expose ces femmes aux jugements et moqueries. Ce qui conduit au développement d’une anxiété, d’une dépression chronique, une faible estime de soi ou d’une image corporelle négative ,causant des conséquences importantes sur d’autres domaines de la vie de la femme tels que la famille, les relations sociales, le travail et sa participation à la vie de la communauté.
Les conseils et recommandations
Au-delà de l’alimentation et de la prise en charge médicale, l’adoption d’habitudes saines à travers la pratique d’une activité sportive régulière permet d’éviter le surpoids ; développer une pratique de relaxation du type yoga ou méditation pour diminuer le stress, prendre soin du sommeil en dormant à des heures régulières, limiter la consommation d’alcool et de tabac. Le spécialiste conseille également aux femmes d’éviter la consommation des produits avec des sucres ajoutés ou des sucres à absorption rapide, les glucides simples, les graisses présentes dans les aliments frits, la consommation excessive de boissons caféinées, de viandes grasses, de charcuterie, de produits laitiers riches en matières grasses comme le beurre ou la crème fraiche, le Junk Food (malbouffe), les viennoiseries et pâtisseries, les desserts types crèmes ou glaces, les confiseries, les sodas, le chocolat et les jus de fruits trop concentrés. Par ailleurs, il a recommandé la consommation d’au moins 30-40 g d’aliments riches en fibres et en protéines. « Vous les trouverez dans les fruits, les légumes, les céréales complètes, les pois chiches, les lentilles, le soja, le tofu, les viandes maigres, le poisson et les crustacés », a-t-il préconisé. Quant aux femmes vivant avec la maladie, il conseille à ces dernières de ne pas se laisser abattre car, elles peuvent vivre sous traitements avec le SOPK, concevoir et atténuer considérablement les symptômes et leur impact sur la vie.
Massaouda A. Ibrahim (ONEP)