
L’organisation des Maoulouds à Kiota génère aussi des revenus importants pour la cité religieuse
Chaque année, la célébration du Maouloud à Kiota transcende le simple cadre spirituel pour devenir un véritable moteur économique. L’édition 2025 n’a pas dérogé à la règle : des centaines de commerçants, restaurateurs et artisans, venus du Niger, du Nigeria, du Ghana et d’autres pays de la sous-région, ont transformé la cité religieuse en un immense marché à ciel ouvert. Des articles religieux aux denrées alimentaires, en passant par la restauration et l’artisanat, le Maouloud génère des revenus considérables, faisant de Kiota un carrefour à la fois spirituel et commercial.
Au cœur de l’activité commerciale, les objets liés à la spiritualité musulmane restent les plus prisés. Mahamadu Kabir Wali, commerçant venu de Birnin Kebbi (Nigeria), explique : « C’est ma troisième participation. Je propose des cachets contenant des versets du Noble Coran, des stylos modernes pour l’écriture des versets et de l’encre (Daoua). Les prix varient entre 1.000 et 20.000 F CFA. Les sourates Koursi et Alhamdoulilah, ainsi que la prière Djawharatoul Kamal, sont particulièrement demandées. » Ces innovations séduisent de plus en plus de fidèles. Alfa Abdoul-Wahabou Maïga de Niamey, témoigne : « Avant, nous écrivions avec le Qalam (stylo traditionnel). Aujourd’hui, grâce aux cachets, les versets s’impriment en quelques secondes. Nous les utilisons pour prier, rechercher la guérison ou invoquer la prospérité. »
Commerce et savoir : un marché porteur de valeurs immatérielles
Pour certains fidèles, ce commerce dépasse le simple échange marchand et devient une transmission de savoirs spirituels. Alfa Ibrahim Tini, habitué du Maouloud, rappelle : « La sourate Quraysh ouvre les portes du succès et guérit des maladies que la médecine moderne échoue parfois à soigner. Quant à la sourate Al-Waqi’a, récitée neuf fois pendant neuf jours, elle attire bénédictions et prospérité. Le Maouloud est une nuit bénie qui favorise le partage de connaissances et de pratiques religieuses. »

Au-delà des frontières nigériennes, le Maouloud attire chaque année des commerçants de la sous-région et même d’Europe. Ismael Mohamed, Nigérien installé à Accra (Ghana), mise sur les chapelets importés du Sénégal : « C’est ma sixième participation. Je vends des chapelets dont les prix vont de 10.000 à 200.000 F CFA. Rien que pendant la nuit du Maouloud, j’ai réalisé un chiffre d’affaires d’environ 1,5 million de F CFA. » De son côté, Abdoul Bari Hamissou, originaire de Kano (Nigeria), constate la fidélité de la clientèle : « Je propose des affiches, des habits et des calendriers à l’effigie des grands Cheikhs. Depuis plus de 20 ans, mes produits s’écoulent rapidement. Les images des Cheikhs donnent une valeur spirituelle supplémentaire aux articles. »
Des articles variés pour tous les goûts
Au-delà des produits strictement religieux, les étals de Kiota offrent une grande diversité d’articles qui attirent aussi bien les fidèles que les visiteurs curieux. Amina Lawali, commerçante de Maradi, met en avant les tissus et foulards : « Les femmes aiment repartir avec de beaux pagnes pour rendre le souvenir inoubliable. Je propose des tissus à partir de 3.000 F CFA jusqu’à 25.000 F CFA pour les plus prestigieux. Chaque année, je rentre avec des bénéfices qui me permettent de relancer mon commerce ». Aliou Issa, bijoutier de Dosso, attire les foules avec ses parures : « Je fabrique et vends des bagues, colliers et bracelets en argent. Les prix varient de 5.000 à 50.000 F CFA. Le Maouloud est ma meilleure période de vente. Certains achètent non seulement pour se parer, mais aussi pour offrir en cadeau, ce qui augmente mes recettes. » Moussa Garba, vendeur de gadgets électroniques à Niamey, cible un autre public : « Je propose des radios solaires, des lampes rechargeables et des petits haut-parleurs pour écouter les prêches et les chants religieux. Les jeunes en raffolent. Les prix vont de 7.000 à 30.000 F CFA. Cette année, j’ai déjà vendu la moitié de mon stock en une seule nuit. »
Dattes et restauration : les incontournables du Maouloud
À côté des objets religieux, les produits alimentaires tiennent une place essentielle. Les dattes, notamment, restent un produit phare. Souleymane Adamou, vendeur de Dogondoutchi, explique : « Cela fait cinq ans que je vends des dattes importées d’Algérie et acheminées via Dogondoutchi. Nous les proposons en vrac, à 50 F ou 100 F l’unité, et aussi en sacs. Malgré les difficultés de transport, nous écoulons toujours nos stocks. » Le secteur de la restauration connaît également un essor remarquable. Mme Ramatou, restauratrice de Niamey, témoigne : « Voilà 30 ans que je participe au Maouloud avec mon équipe. Nous préparons des repas sur place pour les fidèles, puis nous proposons aussi d’autres produits. Chaque édition représente une source importante de revenus pour nos familles. »

Un levier de développement local et régional
L’effervescence économique qui accompagne le Maouloud profite à toute une chaîne d’acteurs : transporteurs, commerçants, artisans, restaurateurs et habitants de Kiota. L’événement religieux devient ainsi un véritable catalyseur de croissance locale et transfrontalière. Au-delà de sa portée spirituelle, le Maouloud de Kiota illustre comment une célébration religieuse peut dynamiser l’économie, avec des retombées estimées à plusieurs dizaines de millions de F CFA chaque année. Entre ferveur religieuse et effervescence commerciale, Kiota confirme son double rôle : sanctuaire spirituel et place marchande incontournable de la sous-région.
Oumar Issoufou et Abdou Razak Ado (ONEP), Envoyés spéciaux