
Le bétail vendu dans le marché de Tanda attire des clients du Nigeria et du Bénin
La Commune Rurale de Tanda est située à 20 kilomètres du chef-lieu du département de Gaya. Son marché hebdomadaire s’anime tous les lundis. Ainsi, les habitants de cette localité et ceux des villages environnants comme Haw Hanga, Alfagay Bélandé, Tchélélé, Ganda-Tché, Monboy Tounga, Tillé, Tondika et Albarkayzé y convergent chaque lundi pour exercer diverses activités commerciales dans ce lieu que visitent aussi des commerçants venus du Nigéria et du Bénin.
De par sa position géographique, ce marché rural demeure une plaque tournante en matière d’échanges commerciaux dans la zone. C’est pourquoi, le jour du marché de Tanda reste singulier pour la plupart des habitants du chef-lieu de la commune, ainsi que pour ceux des villages environnants et des pays voisins. L’on y trouve de petits commerces spécialisés dans la transformation agro-alimentaire des produits locaux. A côté de ce monde, de jeunes garçons opèrent dans le transport en conduisant des camions, des tricycles, des motos-taxis ‘’kabou-kabou’’ et en poussant des charrettes, ce qui facilite la mobilité pour les populations.
Le marché de la Commune Rurale de Tanda renferme aussi en son sein le marché de bétail avec des ovins, des caprins, des bovins, des camelins et des asins. Au-delà des échanges commerciaux qui impressionnent le visiteur par leur intensité, Tanda est aussi un carrefour linguistique où vivent en parfaite symbiose les différentes communautés telles que les Zarmas-songhaïs, les Peulhs, les Dendis et les Haoussas qui peuplent la zone. Cette coexistence pacifique constitue un atout majeur pour les populations de la commune.
En cette veille de saison pluvieuse où nous avons visité le marché de Tanda, les marchands arrivent par vagues successives sur les lieux. A 9 heures, les étals commencent à s’installer, l’ambiance se crée, les couleurs et les odeurs se mêlent. Au cœur du marché, les engins à deux roues, les produits vivriers, les condiments, les ustensiles de cuisine, le poisson fumé, fris ou frais et les produits issus de la culture de contre-saison sont exposés à la vue des clients qui ne tardent pas à apprécier leur qualité. Ce marché est une plateforme de partage, de donner et de recevoir où les vendeurs et les acheteurs s’épanouissent. Les prix des produits semblent abordables pour les clients, comme en témoignent les petits attroupements autour de certains marchands. C’est une opportunité pour les ménages qui profitent de l’aubaine pour remplir leurs paniers.
M. Soufiane Seydou dit Zaki est le représentant des revendeurs de motos d’occasion, communément appelé ‘’deuxième main’’. Une activité qu’il exerce depuis plusieurs années. Avant, Zaki était un conducteur de taxi-moto, appelé kabou-kabou. Vu le poids de l’âge, il a jugé utile de laisser tomber cette activité pour se reconvertir en revendeur de motos d’occasion. « Sans risque de me tromper, j’ai actuellement plus de vingt ans d’expérience dans ce business. Les motos que nous revendons viennent du Nigéria et de Malanville, au Benin. Il y a plusieurs marques dont Kasia, Royal, Haoujoue et Baja. Le plus souvent, ce sont ces genres de motos que nous revendons. Nous n’avons pas de motos pour femmes », a-t-il confié. En effet, M. Zaki et ses collaborateurs écoulent leurs marchandises principalement le jour du marché de Tanda. Selon lui, cette activité nourrit son homme. « Nous ne nous limitons pas à Tanda seulement. Ce qui veut dire que, si nous n’arriverons pas à écouler ici, il y a les marchés de Ouna, Bella et Gaya. Tout dépend aussi de l’endroit où nous pouvons trouver des clients », explique-t-il.

S’agissant du prix des moyens roulants, tout dépend de la marque choisie. « Pour les marques Kasia et Royal, le prix varie de 300 000FCFA à 350 000 FCFA. Pour celle de Haoujoue, il faut débourser 500 000 FCFA, bien que ce soit une ‘’deuxième main’’. Pour la marque Baja, le prix varie entre 280 000 et 230 000 FCFA. Par jour, nous pouvons revendre 7 motos, des fois plus. Tout dépend des jours du marché », a précisé ce revendeur qui ajoute que ce n’est pas tout le monde qui a les moyens d’acheter une moto neuve. « Certains clients achètent pour faire kabou-kabou. D’autres sont des fonctionnaires qui achètent pour leur propre déplacement. Il y en a aussi qui payent des motos pour leurs déplacements entre la maison et le champ en cette période d’activités champêtres. Tout dépend de la priorité de la personne », a-t-il fait savoir.
En ce qui concerne les entraves, M. Zaki a relevé le problème d’insécurité qui constitue un grand obstacle pour la bonne marche de leur business. « Il y a des gens, même s’ils veulent payer, avec ce problème d’insécurité ils vont se mettre en tête qu’à tout moment on peut leur arracher leur moyen de transport. Ça impacte beaucoup notre business. Tout de même, ce n’est pas à n’importe quelle personne qu’on vend des motos car, ici à Tanda, on se connait. Si nous n’avons pas confiance en la personne, nous ne lui vendons pas. C’est comme ça que ça marche. Nous savons bien qu’il y a des personnes de mauvaise foi. Parce que, lorsque l’affaire va à la gendarmerie, ils vont non seulement ternir notre image, mais également celle la commune. Nous n’allons pas l’accepter. Mais, entre nous les revendeurs, nous n’avons aucun problème. Tout se gère entre nous », a-t-il dit.
La commercialisation du riz local
Mme Haoua Moussa, surnommée Alarba, excerce la vente du riz local précuit depuis sept ans. Une activité qui lui permet de lutter contre le chômage et aussi de gagner sa pitance dignement. Tous les lundis, cette brave dame vient de Haw Hanga, un village environnant, pour écouler ses produits. « L’évolution du monde actuelle ne fait pas place à celui qui croise les bras pour attendre tout de quelqu’un d’autre. Les esprits changent, les mentalités évoluent au rythme du monde. Compter aussi sur quelqu’un ne résout pas le problème », a-t-elle expliqué. C’est pourquoi, Mme Haoua Moussa s’est lancée dans cette activité. « Tous les lundis, je prends kabou-kabou pour venir écouler mes produits. Les frais de transport des sacs de riz font 750 FCFA. Je vends plusieurs variétés de riz, à savoir le riz Potto, Tarey-zé, Mansour, Jamila et aussi le riz Tiani. La mesure (tongolo) coûte 300 FCFA », confie la quadragénaire.

La commercialisation du riz local est une activité très bénéfique pour Alarba car, elle gagne sa vie dignement. « Même si ce n’est pas toujours que j’écoule mon riz dans ce marché, Dieu merci, avec le peu que je gagne j’arrive à satisfaire certains de mes besoins, ceux de mes enfants et aussi de ma famille. Des fois, si mon mari n’a pas d’argent, c’est moi qui prends en charge les dépenses familiales. Avec le peu d’argent que j’économise, je paye le trousseau à mes filles quand elles se marient », explique-t-elle.
Issaka Daouda, est un revendeur en gros et en détails de céréales. Le riz, le sorgho, le mil et le maïs sont des produits vivriers qui ne manquent jamais chez lui. « Avant, je m’approvisionne en vivres au Benin pour venir revendre au marché. Mais avec la fermeture de la frontière, l’approvisionnement à partir du Benin n’est plus possible. Actuellement, nous payons auprès des agriculteurs de la commune et au niveau des villages environnants pour pouvoir revendre et avoir un peu de bénéfice. Nous achetons le sac de sorgho à 23 000 FCFA pour revendre entre 23 500 FCFA et 24 000FCFA, celui du mil à 24 000 FCFA pour revendre à 25 000 FCFA, le maïs à 22 000 FCFA pour revendre à 22 500 FCFA, et le riz à 12 500 FCFA », dit-il. Il ajoute que le jour de ce marché, les gens viennent de plusieurs localités pour se ravitailler. « Il y a des gens du Benin, de Gaya, de Kamba (Nigéria), de Billafia et de Ouna. L’agriculture est l’activité à laquelle les gens s’adonnent le plus. Si nous ne sommes pas ici au marché, on va nous retrouver dans nos champs en train de travailler la terre. Nous cultivons beaucoup plus l’arachide, le mil, le riz et le sorgho », a-t-il poursuivi. La zone de Tanda est certes une zone d’agriculture par excellence, mais les agriculteurs manquent d’intrants et de matériel roulant pour booster leurs productions.

Des femmes engagées dans le petit commerce
Mme Saadatou Bawa, une habitante de Tanda, vend de grandes tasses traditionnelles appelé ‘’makolla’’ en Hausa. La sexagénaire se ravitaille au Nigéria, plus précisément à Kamba. « Je vends des tasses en gros comme en détails. Avant, ce sont des pagnes et des matelas que je partais acheter pour revendre. Mais actuellement, ce sont uniquement des tasses que je revends. Ça fait plus de 40 ans que j’exerce cette activité », a-t-elle fait savoir.
Des tasses comme ‘’Baré ga Tokkou’ en zarma dendi, et ‘’Makolla’’ en haussa, Zoutti Béri et Zoutti Kayna, Waygou Izzé sont, entre autres, des récipients que vend la vieille dame. « L’unité est à 2 750 FCFA et la douzaine à 32 500 FCFA », nous confie la sexagénaire avec un sourire aux lèvres. « A travers cette activité, j’ai réalisé beaucoup de choses, sans compter la préparation du trousseau qui accompagne toutes mes filles qui se sont mariées. Quand j’ai un mariage dans ma famille ou chez une connaissance, si je n’ai pas d’argent, c’est dans mes tasses que je prends pour donner comme contribution. Je remercie Dieu pour cette grâce qu’il m’a accordé », a-t-elle témoigné.
Mère d’un enfant, Mme Balira Issa est une jeune dame qui n’est pas restée en marge. Elle est vendeuse de poissons fris au cœur du marché de Tanda. Agée d’une vingtaine d’années, elle s’est lancée dans le petit commerce très tôt. En effet, chaque lundi elle parcoure une dizaine de kilomètres depuis le village de Monboy Tounga pour venir écouler sa marchandise au marché hebdomadaire de Tanda. « Dans un premier temps, je me rends au bord du fleuve pour me procurer du poisson frais parce qu’en cette période, le poisson est moins cher. J’achète diverses variétés auprès des pêcheurs pour revenir à la maison et les frire pour revendre. J’achète pour 2 500 FCFA, 5 000 FCFA ou 10 000 FCFA, tout dépend de l’argent que j’ai sur moi », confie-t-elle.

S’agissant du prix du poisson, tout dépend de sa grandeur. « Quand le poisson est gros et grand, je le vends entre 1 250 FCFA voire 1 500 FCFA. Tout de même, on peut y avoir pour toutes les bourses, c’est-à-dire de 250 FCFA à 1 500 FCFA. Ma seule inquiétude, c’est surtout le prix de l’huile qui est en hausse », a déploré Balira. Ce petit commerce lui permet d’être financièrement autonome. « Je trouve cette activité bien avantageuse car, elle me permet de satisfaire certains de mes besoins. C’est en exerçant ce travail que je me prends en charge », se réjouit-t-elle.
Assis devant sa boutique, Elh Oumarou est un vendeur de plusieurs produits et articles. Je vends des produits qui concernent l’agriculture, notamment de l’engrais, des pesticides, du son et des matelas. Les produits et les articles que je vends proviennent du Nigéria. Je vends les matelas de deux (2) places parce qu’ici, les gens n’utilisent pas trop les matelas de trois (3) places. Ils n’ont pas assez de place dans les chambres pour utiliser les trois places. Il y a plusieurs marques de matelas. Il y a la marque vita, prestige, rima, vivac. Le prix diffère parce qu’ils n’ont pas la même qualité et la même épaisseur. Ce sont les marques vita et prestige qui sont les plus chères. Pour ce qui est de ces marques, on vend l’espèce de 8 à 45 000 FCFA, l’espèce 30 à 110 000 ou 120 000 FCFA.
La plus grande inquiétude de ce commerçant est liée aux tracasseries. « C’est le frais de dédouanement qui me taraude l’esprit le plus. Pour chaque matelas, la douane réclame la somme de deux milles (2 000) FCFA, et c’est deux postes qu’on franchit. Alors que pour chaque matelas, je donne 5 000 FCFA comme frais de transport. C’est pour dire que sur chaque matelas, il y a la somme de 7 000 FCFA qui vient se greffer au prix d’achat, ce qui est trop. Il est difficile de s’en sortir », a ajouté Elh Oumarou.

Notons qu’au niveau de ce marché, des milliers de personnes viennent pour se ravitailler. Une opportunité que saisissent également plusieurs familles pour renouveler leurs stocks de vivres. Des gens quittent leur domicile pour se ‘’perdre’’ entre les cris et les bousculades des commerçants du marché hebdomadaire de Tanda. « C’est une opportunité pour nous de rendre visite aux parents et nous approvisionner en même temps. Les produits sont de qualité et abordables. Nous les achetons également pour notre consommation », témoigne Salamatou, une habitante de la localité.
Le marché de bétail de Tanda
Dans ce marché, l’on trouve ceux qui viennent uniquement pour le business des animaux, qu’ils soient des gros ruminants ou des petits ruminants. C’est le cas de MM. Abdoulaye Tahirou et Saadou Maydawa. Le premier est un revendeur de bétail au marché de bétails de Tanda. Selon lui, les gens viennent acheter pour la revente ou pour l’abattage. « En cette matinée de lundi, le marché est plein de bétail, mais la morosité économique est sur toutes les lèvres. Elle est occasionnée, murmure-t-on, par la fermeture de la frontière avec le Bénin, suivie du blocage du passage des animaux vers ce pays. En ce jour, les habitants de plusieurs localités sont dans le marché. Il y’a les gens du Nigéria, du Bénin, du Ghana, de Bella, Garin Mahalba, de Konza, de Tondika, Monboy Tounga, Tasso Bon, Albarkayzé et bien d’autres. Néanmoins, le jour du marché nous pouvons vendre plus de 1 500 têtes de bétail. Les bouchers de cette commune, ceux de la commune de Sia, de Malaville et Gaya viennent ici pour se ravitailler et les prix sont abordables », a-t-il confié.
M. Saadou Maydawa est un revendeur de gros ruminants au marché de la commune. « Je suis dans cette activité il y’a de cela trente ans. Concernant la situation du marché, nous allons rendre grâce à Allah, mais elle n’est pas comme les années précédentes. Tout dépend aussi des circonstances. Dès que la traite des petits ruminants s’annonce, c’est-à-dire à l’approche de la Tabaski, l’on peut observer un regain d’intérêt par rapport à la filière vente du bétail. », a-t-il déclaré.
Dans ce marché, il y’a les races qu’on appelle Goudali, Azawak et Barhaz. Parmi ces races, c’est Goudali qui coûte chère, puis la race Azawak et Barhaz. « Nous avons l’habitude de vendre à un boucher venu de Malanville la race Goudali à un million (1 000 000) FCFA. Les prix varient de 75 000 FCFA à 1 000 000 FCFA. Notre seule inquiétude au niveau de ce marché, c’est surtout le manque d’eau pour abreuver les animaux. Je me réjouis de cette activité car, elle m’a permis d’effectuer le pèlerinage à la Mecque », a-t-il fait savoir.
Farida. A. Ibrahim (ONEP) Envoyée spéciale