Mme la Directrice Générale, quelle est actuellement l’ampleur, en termes de quantité de production des eaux usées à Niamey et au Niger en général ?
Rappelons d’abord avec RODIER (2005) qu’en ce qui concerne les eaux usées, selon leur origine, on peut citer les eaux d’origine urbaines constituées par des eaux ménagères (lavage corporel et du linge, lavage des locaux, eaux de cuisine) et les eaux vannes chargées de fèces et d’urines. Toute cette masse d’effluents est plus ou moins diluée par les eaux de lavage de la voirie et les eaux pluviales. Peuvent s’y ajouter suivant les cas les eaux d’origine industrielle et agricole. L’eau, ainsi collectée dans un réseau d’égout (dans des milieux qui en disposent), apparaît comme un liquide trouble, généralement grisâtre, contenant des matières en suspension d’origine minérale et organique à des teneurs extrêmement variables. Donc, les eaux résiduaires urbaines (ERU) sont constituées par des eaux résiduaires ou eaux usées d’origine domestique, industrielle et/ou agricole ; des eaux pluviales ou de ruissellement urbain.
Pour les eaux usées rejetées, elles sont issues des eaux consommées par les ménages. Cependant, ces deux volumes (consommation et rejet) ne sont pas égaux. On applique généralement un coefficient de restitution de 80%. Mais pour ce qui est de la ville de Niamey, une étude réalisée par le laboratoire de chimie de l’eau, faculté des sciences et techniques, de l’Université Abdou Moumouni de Niamey en 2011 a relevé que le volume des eaux usées rejetées au niveau des différents points de rejet est estimé à environ 15 119 m3 d’eaux usées domestiques, des établissements industriels et des activités commerciales qui sont drainées chaque jour dans le fleuve Niger sans aucun traitement. Pour ce qui est de la quantité d’eaux usées au Niger, il n’y a pas une étude spécifique qui a essayé de les quantifier à l’échelle du pays.
Selon le PROSEHA, la consommation moyenne en eau potable par jour par personne est de 25L en plus des eaux usées issues des industries et des activités agricoles. Sur cette base la production des eaux usées à l’échelle du pays peut être estimée à environ 570 430 000 l/j soit 570 430 m3/j en 2024.
Quels sont les risques et impacts sur la santé humaine, animale et l’environnement du rejet dans la nature des eaux usées ?
Sur la santé humaine et animale, les eaux usées présentent un risque sanitaire énorme direct de par la présence d’organismes pathogènes, comme des bactéries (choléra, salmonella, shigella), de virus (virus de l’hépatite, entérovirus, poliovirus), des vers et de parasites.
Elles peuvent polluer les eaux de surface et les nappes phréatiques, entraînant de graves risques sanitaires pour les humains comme pour les animaux. Elles peuvent provoquer des maladies, des déficiences physiologiques (le dysfonctionnement d’un organe par exemple), mais peut aussi affecter la reproduction. En outre, certains polluants ne sont pas biodégradables et s’accumulent tout au long de la chaîne alimentaire. Les germes, les parasites et les vers contenus dans les eaux usées peuvent provoquer des maladies de l’estomac, des intestins ou du foie, des diarrhées, de la fièvre, des crampes, des nausées, des vomissements, des maux de tête, une faiblesse ou une perte d’appétit.
L’impact des eaux usées sur l’environnement est le plus souvent dévastateur. Les eaux usées contiennent des polluants tels que des bactéries, des métaux lourds, des nutriments et d’autres toxines qui peuvent polluer les cours d’eau, contaminer le sol et les eaux souterraines et nuire à la faune. Elles peuvent détruire les écosystèmes. Car, les polluants contenus dans les eaux usées peuvent perturber les processus naturels tels que le cycle des nutriments et le flux d’énergie. Si elles sont déversées sans traitement dans un plan d’eau de surface, elles peuvent réduire les niveaux d’oxygène dans l’eau. Ce qui peut entraîner la mort de poissons ou la prolifération d’algues.
En outre, le déversement d’eaux usées non traitées dans l’environnement est illégal dans de nombreux pays en raison de son impact négatif sur les ressources en air, en terre et en eau. C’est pourquoi des pratiques de gestion appropriées doivent être mises en place pour garantir que les eaux usées soient correctement traitées avant d’être déversées dans un environnement naturel.
Y‘a-t-il un dispositif fonctionnel au niveau des industries et certaines entreprises pour le traitement des eaux usées à Niamey et les autres grandes villes du Niger ?
Le traitement des eaux usées avant leur rejet dans le milieu naturel est essentiel pour protéger la santé humaine, animale et les différents écosystèmes/environnement. Les procédés de traitement tels que le traitement physique, chimique et biologique permettent d’éliminer les polluants des eaux usées, de réduire le risque de transmission de maladies en éliminant les agents pathogènes qui peuvent y être présents ce qui rend leur rejet dans l’environnement sain et sûr pour tous.
Les avantages du traitement des eaux usées comprennent l’amélioration de la qualité de l’eau, la réduction de la pollution et des écosystèmes aquatiques plus sains. Les eaux usées correctement traitées peuvent être réutilisées à diverses fins, telles que l’irrigation, les processus industriels et l’aquaculture. En outre, les eaux usées correctement traitées sont beaucoup plus sûres à déverser dans les masses d’eau de surface ou les eaux souterraines que les eaux usées non traitées. Le traitement des eaux usées contribue également à améliorer la qualité de l’air en réduisant les odeurs et les émissions de gaz à effet de serre associées aux eaux usées non traitées. Enfin, le traitement des eaux usées avant leur rejet dans l’environnement contribue à protéger la santé humaine en éliminant les sources potentielles de bactéries pathogènes et autres agents pathogènes.
Quelques industries et entreprises de la place disposent d’ouvrages de traitement des eaux usées avant le rejet dans la nature. C’est le cas entre autres des hôpitaux de référence, l’hôpital national et régional de Niamey, la tannerie, l’ONPPC, …. Toujours est-il que leur fonctionnalité de ces ouvrages n’est pas garantie. Il en est de même pour les autres grandes villes.
Quelle sont les mesures prises par l’Etat et les collectivités pour lutter contre le phénomène du rejet des eaux usées ?
A ce sujet, évoquons d’abord la question d’orientations stratégiques. L’objectif visé à travers le sous-programme « Assainissement » du PROSEHA est de réduire de moitié la proportion d’eaux usées non traitées à l’horizon 2030.
A ce niveau, il faudrait noter que le sous-secteur de « l’hygiène et l’assainissement » est un domaine partagé par plusieurs départements ministériels dont entre autres celui en charge de l’hydraulique de l’assainissement et de l’environnement, de la santé, de l’éducation, de l’équipement, de l’urbanisme, du commerce, des mines, de l’industrie, de l’énergie….
Ensuite concernant la construction d’infrastructures, l’Etat dans sa politique du secteur de l’eau, de l’hygiène et de l’assainissement, à travers le PROSEHA a prévu la réalisation de stations de traitement de boues de vidange dans les huit capitales régionales du pays. Les stations de traitement de boues de vidange sont des ouvrages d’assainissement adaptés pour la gestion des eaux usées, excréta en milieu urbain. Niamey en dispose déjà de deux dont une opérationnelle et l’autre en finalisation par le projet de la Plateforme Intégrée pour la Sécurité de l’Eau au Niger (PISEN). Deux autres sont en projet de construction pour la ville de Niamey (une qui sera réalisée par le PISEN, et l’autre par la BID). Les études sont en cours pour la réalisation de ces stations dans les 7 capitales régionales restantes sous ressources propres de l’Etat et de ses partenaires. Les stations des villes de Maradi et Zinder seront respectivement réalisées par la plateforme PISEN et la BAD.
Il y a aussi le renforcement du cadre règlementaire de gestion des eaux usées. Plusieurs textes sont élaborés et adoptés relativement à la gestion des eaux usées qu’elles soient domestiques, industrielles ou agricoles. Des normes de rejet sont définies par l’Etat selon les types d’activités. Les textes sont vulgarisés mais l’application n’est toujours pas effective. Les collectivités et les services concernés doivent veiller à l’application stricte de ces textes.
Toujours dans le même sens, nous avons l’élaboration des schémas directeurs d’assainissement et de drainage des eaux pluviales. Il faut aussi noter que la promotion des schémas directeurs d’assainissement et d’évacuation des eaux pluviales pour les villes, dans lesquels s’inscrivent toutes les réalisations en termes d’ouvrages/dispositifs de gestion des eaux usées y compris les eaux pluviales dans le domaine de l’assainissement, est une priorité de l’Etat. Pour le moment seule la ville de Niamey dispose d’un schéma directeur actualisé.
Enfin, il faut indiquer la perspective de création de stations d’épuration des eaux usées. Dans le cadre de la recherche des solutions durables à la gestion des eaux usées, l’Etat veille à la mise en place des ouvrages de gestion adaptés pour la sauvegarde de l’environnement et de la santé.
Réalisée par Rahila Tagou(onep)