
Présentation à la Police Judiciaire de Niamey d’une bande responsable de plusieurs vols
Environ une agression suivie de vol chaque jour, et un vol à l’arraché tous les 3 jours, sont commis à Niamey, selon les statistiques de la Police de la Ville, cela malgré le renforcement du dispositif et du maillage sécuritaire. En effet, si ces chiffres sont globalement en baisse, comme l’indique la Direction de la Police de la Ville de Niamey (DPVN), il n’en demeure pas moins que ces actes qui s’assimilaient, jadis, à des crimes mineurs, limités à de simples pertes matérielles pour les victimes, s’accompagnent désormais d’abominables coups et blessures voire de meurtres. Ainsi, d’après la DPVN, pour le seul premier trimestre de l’année 2025, quelques 88 cas d’agressions suivies de vol avec l’utilisation de moyens motorisés et 33 vols à l’arraché.
L’émoi, un sentiment d’insécurité, ainsi que la désolation marquent très souvent les esprits lorsque des faits portant sur des cas d’agressions et vols défraient l’opinion, généralement à coup de relais des réseaux sociaux où est annoncé et parfois amplifié tout ce qui relève du sensationnel. Les victimes, souvent des personnes vulnérables, se retrouvent non seulement dépossédées de biens précieux, mais aussi affectées dans leur sécurité personnelle et leur bien-être. Au-delà de l’individu, ces crimes ont des répercussions sur l’ensemble de la société, en alimentant un climat général de peur et de méfiance qui fragilise le tissu social urbain.
Ce qu’a vécu une habitante de Niamey 2000 qui témoigne sous l’anonymat est une expérience, à tout point de vue, traumatisante marquée par la violence, la peur et le sentiment d’impuissance. « Un lundi matin vers 7h00, j’étais en train de fermer mon portail quand j’ai vu deux jeunes passer sur une moto. Après, je les ai vus faire demi-tour, j’ai pris le soin de bien garder mon sac, tout en me dirigeant vers une maison voisine pensant que je serai sauvée mais, ils m’ont suivie jusqu’à l’intérieur où malheureusement il n’y avait personne, à part un vieillard. L’un des jeunes m’a menacée avec un couteau, j’ai vraiment résisté. Alerté par mon cri, le vieillard s’est mis aussi à crier pour demander de l’aide. Mais, personne n’est venu à mon secours. Quand il a voulu prendre mon sac de force, je suis tombée et ils m’ont tirée jusqu’à la porte. Ils m’ont blessée à la main, avant d’emporter mon sac contenant une importante somme d’argent et mes documents administratifs. Je me suis retrouvée à l’hôpital pour les soins ».
Les quartiers les plus criminogènes de Niamey
Selon le Directeur adjoint de la Police de la Ville de Niamey, Commissaire Divisionnaire de Police Ibrahim Boukari Issaka, cette criminalité prend plus de proportion dans certaines zones, avec en tête le quartier Boukoki où, en termes d’agressions suivies de vols, le commissariat local enregistre 24 cas, toujours au titre du 1er trimestre 2025. Il y a ensuite le quartier Niamey 2000 avec 13 cas, tandis que l’on enregistre 8 cas au Commissariat Francophonie. Pour ce qui est du vol à l’arraché, le plus grand nombre a été enregistré au quartier Aéroport suivi de Boukoki et un peu à la rive droite et Talladjé.

Toutefois, indique le Directeur adjoint de la Police de la Ville de Niamey, ces chiffres sont plutôt en baisse, par rapport aux statistiques antérieures. Le dispositif mis en place dans la ville, ces derniers temps, et qui est d’ailleurs visible au niveau des carrefours et de certaines zones, explique le Commissaire divisionnaire de police Ibrahim Boukari Issaka, a beaucoup contribué à la réduction des cas d’agression et de vol à l’arraché dans la ville de Niamey.
Il faut noter, par ailleurs, que cette spirale de criminalité urbaine est souvent entretenue par des gangs constitués de jeunes désœuvrés, en lien avec le phénomène de consommation des stupéfiants. L’un des derniers coups de filet de la Police Nationale à Niamey illustre ce fait. En effet, le 9 janvier 2025, dans les quartiers Lazaret, Koira Tegui et Koubia de Niamey, il a été démantelé une bande de malfaiteurs responsables de plusieurs vols de nuit par effraction. Au cours de l’opération, six (6) individus de sexe masculin, âgés de 25 à 38 ans ont été interpellés.
Intensification des patrouilles et opérations coup de poing
La Direction de la Police de la Ville de Niamey (DPVN), relevant, sur le plan judiciaire, du ressort du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey et des cinq (5) tribunaux d’arrondissements communaux, comprend en son sein 25 unités. La DPVN dispose des commissariats communaux, les commissariats de quartier, des commissariats spéciaux, des postes de police et des unités d’intervention (corps urbain, circulation, service constat, etc).

Selon le Directeur adjoint de la DPVN, en plus de ce qu’il y a comme positionnement, les patrouilles et les opérations coup de poing ont été intensifiées. Certaines unités vont au-delà de 2 patrouilles par jour, tout cela pour sécuriser la population et mettre hors d’état de nuire tous ces criminels qui dérangent. « Toujours dans le cadre de la recherche de solution au problème, nous avons eu à organiser des échanges avec les communautés, afin d’attirer leur attention pour qu’à chaque fois qu’ils constatent des personnes ou groupes de personnes suspectes, d’informer le commissariat le plus proche ou bien le service des Forces de Défense et de Sécurité les plus proches », réitère le Commissaire Divisionnaire de Police Ibrahim Boukari Issaka.
Un phénomène social propre aux grandes villes
Selon le sociologue M. Sani Yahaya Janjouna, plusieurs causes peuvent être attribuées à ce phénomène qui n’est pas nouveau et qui est presque présent dans toutes les villes du monde. Il y a d’abord des raisons qu’on peut estimer d’ordre économique. Ces raisons économiques sont liées à la pauvreté, en termes de situation dans laquelle par exemple les gens peuvent se retrouver. Ce phénomène est plus observable chez les jeunes que chez d’autres catégories sociales. Si ce sont des jeunes qui sont plus concernés par ce phénomène, c’est parce que ces derniers se retrouvent dans une situation de frustration face à une certaine forme de faiblesse économique. Aujourd’hui, les besoins des gens grandissent alors que leurs revenus ne suivent pas souvent, ce qui fait qu’on a plus de besoins à satisfaire et moins de moyens pour cela. Dans la plupart des cas, cela entraîne une certaine forme de frustration qui peut pousser les jeunes, malheureusement, à vouloir choisir cette solution qui n’est pas la meilleure.

La deuxième cause pourrait être l’inégalité sociale. « Nous sommes dans des sociétés où, d’une manière ou d’une autre, la mal gouvernance a engendré des inégalités, en termes de discrimination, auxquelles beaucoup de jeunes sont l’objet. Cette inégalité sociale et cette discrimination font en sorte qu’il y a ceux qui sont de la classe moyenne ou ceux qui sont de la classe des riches et d’autres qui sont délaissés pour compte. Ces derniers vont souvent penser qu’il n’y a pas de solution que le vol, et le vol à l’arraché c’est ce qui intervient tout de suite. On s’accapare d’un bien et parce qu’on a bien calculé, on a bien étudié la victime, on s’en empare pour aller directement satisfaire ses besoins », explique le sociologue.
La troisième cause est liée à l’évolution des réseaux sociaux. En fait, cette dynamique des informations qu’on a, à travers les TICs, fait en sorte que les gens arrivent à s’identifier à beaucoup d’acteurs de cinéma qu’ils suivent. Ils regardent les films et ils s’en inspirent. Mais, il y a aussi cette influence d’un point de vue psychologique que cela va entraîner à vouloir imiter, ressembler à ces héros qu’on voit à travers des films. Il y a aussi cette question d’urbanisation. Le vol à l’arraché, c’est souvent le propre des villes, dans des quartiers plus ou moins criminogènes. « Le développement urbain fait alors en sorte que les populations s’accumulent, il y a donc une question de volume et une question de densité. Cela va entraîner justement toutes les conditions d’un point de vue environnemental favorables au vol à l’arraché, il y a aussi la question des normes sociales, c’est lié à la perception qu’on a du vol en tant que tel », indique M. Sani Yahaya Janjouna.
Comment nous percevons le vol ? Si une société banalise le vol, légitime ou tolère le vol comme une petite délinquance, cela peut malheureusement amener les gens à vouloir adopter le vol et même dans une certaine mesure à le légitimer, à le trouver plus ou moins normal parce que la personne a un besoin. C’est pourquoi elle vole et là les questions de normes sociales nous interpellent pour dire qu’il n’y a pas de petit vol.
Réprimer le petit vol revient à prévenir la grande criminalité
C’est généralement le petit vol qu’on considère comme tel qui conduit à la grande criminalité. Dans la plupart des cas, les grands criminels ont été d’abord des délinquants de quartier. Des délits, certains passent plus tard, malheureusement, à des crimes. Il y a également la réponse des autorités et de la société. Plus la réponse est forte, plus effective, adéquate, moins les voleurs se sentiront dans un environnement favorable au développement de leur activité, estime notre sociologue. « Il va falloir créer un maillage policier pour faire en sorte que les jeunes ou les petits voleurs qui s’adonnent à ce genre de phénomène, à ce genre d’acte, ne se retrouvent pas dans les conditions qui puissent leur permettre de continuer ainsi », dixit M. Sani Yahaya Janjouna qui pense que « plus l’autorité est présente et forte en jugeant, en attrapant, en contrôlant, en surveillant et en protégeant les populations, plus les voleurs ne vont pas se retrouver dans un environnement qui leur est favorable ».

L’autre élément, c’est l’influence de groupe. Dans les sociétés nigériennes, depuis quelques décennies, on assiste à une configuration nouvelle des Fadas, ces lieux de regroupement des jeunes qui partagent la même philosophie, la même perception, la même compréhension de la vie et où ils se retrouvent ensemble à longueur de nuit ou à longueur de journée. « Alors, dans ce genre de situation, tous les phénomènes, toutes les causes que j’ai évoqués peuvent faire en sorte qu’au niveau de ce groupe, qu’il y ait deux ou trois mauvaises personnes qui ont ce genre de comportement pour influencer les autres », souligne-t-il.
« Ces jeunes sont, pour la plupart, à la charge des parents mais, en même temps, ils ont plus de besoins à satisfaire que leurs propres parents car, ils veulent entretenir leur relation ici et là, mais ils n’arrivent pas à trouver les moyens de façon légale. Ils utilisent même la violence sur une victime pour qu’elle lâche et leur permette de disposer de son bien », déplore le sociologue.
Entre l’école, la rue et les médias, la famille pesant moins dans l’éducation des enfants…
Il y a aussi, quelque part, la fuite de responsabilité des parents. Ces derniers ne veulent pas corriger leurs enfants, en cas de faute. « Tu ne peux pas mettre au monde un enfant et laisser la nature l’éduquer. Quand il sort, tu ne sais pas où il va, qu’est-ce qu’il fait dehors ? Quelles sont ses fréquentations ? L’essentiel est que l’enfant sorte pour coller la paix aux parents », déplore Mme Hachimou Aminatou, actrice de la société civile. « Il n’y a plus de punition, quand un voisin parle à ton enfant même pour son bien, tu t’opposes, tu insultes le voisin. En plus, les parents d’aujourd’hui ne disent jamais non à leurs enfants. Du coup, ces derniers se sentent prioritaires et s’imposent, c’est déjà une grosse erreur», a-t-elle poursuivi.
« Aujourd’hui, quand tu rencontres un enfant en train de faire quelque chose d’anormal, tu essaies de le gronder, il va aller, en pleurant, informer ses parents qui vont te trouver à la maison pour faire la bagarre ou c’est peut-être la police qui va vous départager, alors que tu veux juste aider cet enfant à être sur le droit chemin. Pourtant, nous, nos parents nous ont éduqués avec la contribution des voisins », explique Mme Hachimou Aminatou. Certains parents ont délaissé leurs enfants à la merci des médias, réseaux sociaux et la rue.

Même pour les jeunes chez qui les parents ont mis plus d’accent sur leur scolarisation, il n’est pas évident qu’ils leur aient appris les bonnes valeurs sociétales. Pire, ceux qui abandonnent l’école deviennent des proies faciles à la délinquance. Il y a aussi la mauvaise fréquentation qui fait qu’aujourd’hui, la drogue est devenue l’appât de beaucoup de jeunes. « C’est cette drogue-là qui pousse les enfants aux vols, aux agressions et à tout ce qui est mauvais. Dès qu’ils ont besoin de la drogue, s’ils n’arrivent pas à l’avoir, ils sont capables de tuer même », fustige Mme Hachimou Aminatou.
Ce que dit la Loi
Par définition, le vol s’entend comme la soustraction frauduleuse d’un bien qui ne t’appartient pas. Le vol à l’arraché peut-être classé, selon Amadou Djibo Mamoudou, président du tribunal de l’arrondissement communal Niamey I, dans la catégorie de vol simple. Il faut le retenir, qu’il y a plusieurs cas des vols : vol simple, vol avec une circonstance aggravante, vol avec deux circonstances aggravantes et vol avec trois circonstances aggravantes qui s’assimule à un crime. Le vol à l’arraché est tout simplement le vol qui se commet dans la rue, mais tout dépend de comment ça se pose. Il y a des jeunes qui le commettent à bord de véhicules, avec des motos. S’il y a des circonstances qui viennent se greffer au cas de vol simple, là, la qualification diffère, surtout au niveau de la répression.

Ce qu’il faut retenir est que l’article 307 du Code Pénal punit le vol simple d’un emprisonnement de 1 à 3 ans et d’une amende de 5.000 à 100.000 FCFA. Pour le vol commis avec une circonstance aggravante, la peine c’est de 2 à 7 ans. Le vol commis avec deux circonstances c’est celui fait avec usage de moyen motorisé et d’une arme blanche. L’article 309 du Code Pénal réprime ce cas d’une peine d’emprisonnement de 2 à moins de 10ans et d’une amende de 10.000 à 150.000 FCFA. Le quantum de la peine dépend de la qualification de délit, a précisé M. Amadou Djibo Mamoudou. Pour ce qui est de non-assistance à une personne en danger, le code pénal parle de ce cas au niveau de la section 2 qui traite de l’administration de substances, la mise en danger de la vie d’autrui. La loi N° 2003-25 du 13 juin 2003, à son article 230.1, dispose que le fait d’exposer autrui à un risque immédiat de mort ou de blessure de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou règlement est puni d’un an à deux ans d’emprisonnement et une amende de 20.000 à 200.000 FCFA.
La non-assistance à une personne en danger, c’est en réalité le fait de voir quelqu’un qui doit bénéficier d’un secours et qui est souvent privé de ce secours. Toute personne qui est exposée à un danger doit avoir nécessairement un secours et si les gens qui sont là, au lieu de porter secours à cette personne, se permettent de filmer la scène sur leurs téléphones et balancer sur les réseaux sociaux, cet acte rentre dans le cadre de non-assistance à une personne en danger. « La loi fait obligation de porter secours, les gens doivent porter secours, on ne doit pas avoir peur car, il faut agir, plus vous agissez plus ça dissuade ces voleurs à ne pas commettre leur forfait. Si une fois, deux fois, les gens interviennent, ça sera pédagogique », conseille le président du tribunal de l’arrondissement communal Niamey I.
Aussi, il faut que la peine soit sévère, une condamnation de 6 mois avec sursis ou d’un an dont 3 mois avec sursis ne règle pas le problème. Les candidats au vol à l’arraché, doivent être sanctionnés sévèrement, il faut appliquer la loi, il faut que ça soit des peines pédagogiques, sinon ils ne vont jamais arrêter, estime le juriste.
Aïchatou H. Wakasso (ONEP)