
Des élèves visitant la centrale de Gorou Banda
L’un des secteurs où les Nigériens ont le plus senti des effets immédiats suite aux sanctions de la CEDEAO au lendemain des événements du 26 juillet 2023, c’est bien évidemment celui de l’énergie avec la suspension de la fourniture de l’électricité par le Nigéria. Les déficits en offre étaient de l’ordre de 30% pour la zone fleuve et de 50% pour la zone Niger Centre Est, deux principales zones représentant à elles seules plus de 90% de la demande du pays. Loin de s’en apitoyer, dans sa résilience, le peuple nigérien, sous l’égide de ses nouvelles autorités, a fait le choix de s’assumer, dans sa marche irréversible pour un Niger véritablement indépendant. Ce faisant, avec de la volonté et une détermination ferme à s’autosuffire, les capacités nationales de production d’électricité couvrent désormais environs 70% des besoins du pays, contre 40% auparavant.
Pour une première fois, les populations de la zone du fleuve ont passé un mois de Ramadan, correspondant à la période de pointe de la forte demande en énergie, avec de l’électricité stable. Globalement, les capacités supplémentaires dont les travaux ont été finalisés, entre 2024 et 2025, sont de 105,34 MW et d’autres capacités sont en cours d’installation, indiquait la ministre de l’Energie, Pr Amadou Haoua, lors de sa grande interview télévisée du 28 février 2025. Avec déjà une autonomie, en début d’année 2025, l’optimisme a gagné les cœurs des nigériens quant à l’atteinte de la souveraineté énergétique projetée, à travers la mise en œuvre pragmatique de projets phares dans les domaines de la production de l’énergie électrique, du renforcement des réseaux de transport et de distribution, et l’accès des ménages à l’électricité et à des moyens de cuisson propre.
«Tous les défis qui se posent actuellement au secteur de l’énergie seront relevés pour permettre un accès plus large des populations à l’électricité, favoriser l’industrialisation du pays et booster le secteur tertiaire», avait-elle dit. En effet, avec de nouvelles orientations définies par les plus hautes autorités, le Ministère de l’Energie est depuis lors à pied d’œuvre, suivant un plan d’actions pour la période 2024-2027, pour le renforcement de la production de l’énergie électrique dans le pays en valorisant les ressources disponibles et accessibles sur la base de l’évolution des besoins et pour une transition énergétique qui correspond aux réalités, atouts et enjeux de souveraineté et de développement du Niger.
Comme résultats probants, on peut citer, entre autres, l’inauguration de la centrale thermique diesel de 20 MW à Niamey II, le 12 décembre 2024, l’installation d’un 5è groupe d’une capacité de 20 MW à Gorou Banda, dont les premiers essais ont été effectués le 10 février 2025, la mise en service de la centrale solaire photovoltaïque de 30 MW à Gorou Banda, l’installation en cours d’une centrale diesel de 30 MW sur le site de Goudel, à Niamey, dont les travaux ont démarré, et la finalisation de l’installation du système de piquage du pétrole brut à la SORAZ pour permettre à Istithmar de disposer de quantités de combustible nécessaires au fonctionnement continu de ses centrales de Zinder et Niamey. Une opération qui a permis de faire passer sa puissance de 48 MW à 72 MW à Niamey. L’on peut noter également l’acquisition du train d’engrenage de la 2è tranche de la centrale thermique à charbon de la SONICHAR ayant permis de porter la puissance de la centrale à 26MW, le raccordement de la centrale de la cimenterie de Badaguichiri au réseau de la zone Niger Centre Est pour renforcer l’offre de la région de Tahoua (15 MW) dont les travaux de construction de la ligne d’évacuation vers le poste d’Illéla sont en cours.
Pour le volet accès aux services énergétiques
En termes d’accès à l’électricité aussi, plusieurs projets de construction de lignes haute tension sont en cours. Il s’agit notamment de la construction de la ligne 330 kV de la dorsale nord du West Africa Power Pool (WAPP) d’une longueur d’environ 420 km (sur le territoire nigérien) et de deux postes de transformation à Zabori et Gorou Banda. Il est prévu aussi l’installation des systèmes de compensation d’énergie réactive à Niamey II et à Gazaoua, l’électrification de 432 villages (dont 76 ont été déjà électrifiés) et la proposition de solutions de cuisson propre (plus de 5000 foyers améliorés sont à distribuer). Il faut mentionner qu’une ligne devant permettre l’interconnexion de la zone Niger Centre Est à la zone Fleuve est en perspective.

Dans le cadre de l’électrification, 73 Centres de Santé Intégrés en milieu rural et 4 centres de santé en milieu urbain ont été électrifiés par système solaire photovoltaïque. En 2024, 25 895 nouveaux branchements de ménages ont été effectués, selon le Ministère de l’Energie.
Des projets structurants opportuns pour l’intégration énergétique dans l’AES
Parmi les projets structurants qui permettront de régler de manière définitive le problème de l’énergie électrique dans notre pays, on peut citer principalement le projet de réalisation du complexe charbonnier de Salkadamna qui comporte, entre autres composantes, une mine de charbon d’une capacité minimale de production annuelle de 3 millions de tonnes et une centrale thermique de puissance nominale 600 MW en plusieurs tranches et extensible. Il y a également le projet de construction de la centrale éolienne de 250 MW à Tahoua (dans la vallée de la Tarka) par Savannah Energy dont les études techniques, financières et environnementales étaient déjà en cours.
Pour rappel, du 14 au 15 janvier 2025, s’est tenue à Bamako une réunion des experts, puis le lendemain, celle des ministres en charge du pilier « Développement » de la Confédération des États du Sahel (AES). Les conclusions de cette rencontre ont réitéré l’engagement des Etats à rechercher les financements nécessaires à la réalisation des projets structurants contribuant à l’indépendance et à la sécurité énergétique de l’Espace AES. A ce titre, il a été demandé à chaque pays de prendre toutes les dispositions nécessaires pour la réalisation des projets structurants de production et de transport d’énergie électrique dont la communauté pourrait tirer bénéfice. Le Niger a, à cet effet, identifié les projets du complexe Salkadamna et du parc éolien de la Tarka.
Pour ce qui est des échanges énergétiques entre les Etats de la Confédération, le réseau électrique du Niger sera connecté à celui du Burkina Faso à travers la Dorsale Nord qui est une ligne de 330 kV en cours de construction dont la mise en service est prévue en fin 2025. Et, entre le Mali et le Niger, outre le ravitaillement du nord Mali en carburant, un nouveau projet, cette fois-ci lié à l’interconnexion électrique, a été inscrit pour relier Niamey à Gao. Aussi, souligne-t-on, les trois pays de l’AES se sont entendus pour mettre en œuvre un programme électronucléaire civil commun.
Ismaël Chékaré (ONEP)