Un marché qui bat son plein...
À la tombée de la nuit, quand la ville s’apaise, lorsque les rues se vident et que les marchés ferment à Niamey, le Tchini Habou ou «marché de nuit» prend vie. Situé le long du goudron, au quartier Yantala, ce marché nocturne est devenu un symbole de la vie urbaine à Niamey.
Les vendeurs de produits cosmétiques, de chaussures, de vêtements et de nourriture s’installent sous les lampes, le long de l’artère. À cet endroit, les odeurs de brochettes, de poulet, de doukounou, de frites et autres plats se mêlent à celles des vêtements neufs accrochés à des échafaudages servant de stands. Les voix des marchands et les rires des clients créent une atmosphère vibrante, et cela depuis plusieurs années. Pourtant, dans la journée, l’endroit est désert, semblable à un lieu abandonné. Mais dès la fin de l’après-midi, les commerçants installent progressivement leurs stands. « Ici, la nuit est notre journée. Certains clients n’ont pas le temps de faire les courses à cause du travail. Mais à la nuit tombée, ils peuvent sortir et se procurer tout ce qu’ils veulent », confie un commerçant, sourire aux lèvres, occupé à servir ses clients. Tchini Habou est un centre économique pour la ville de Niamey et les commerçants y trouvent leur gagne-pain quotidien. Les prix des marchandises sont plus abordables que dans les grandes surfaces, ce qui attire de plus en plus de clients. On y croise toutes les générations allant des jeunes venus profiter de la vie nocturne, aux familles qui viennent s’approvisionner.
« Nous étalons nos produits à partir du coucher du soleil et jusqu’à minuit. Je vends plusieurs variétés d’articles dont des produits cosmétiques et du parfum », a confié M. Saïdou Garba, vendeur à Tchini Habou. Ce vendeur est, en effet, régulier sur ce marché depuis 1983. À cette époque, raconte le sexagénaire, « pour créer l’ambiance dans le marché, on mettait du feu dans une boîte de conserve pour produire de la fumée, et cette fumée reposait sur les articles. L’odeur attirait les clients ». Selon lui, en 1984 l’ancien Président de la République, le Général Seyni Kountché, était passé acheter des articles. Émerveillé par ce qu’il avait vu, il a doté le marché d’électricité avec 6 compteurs. Les marchés nocturnes à Niamey ont commencé avec celui de Yantala. Ensuite, les autres quartiers s’en sont inspirés et ont ouvert les leurs. Jour pour jour, cela fait exactement 42 ans que M. Saïdou Garba vend des articles à Tchini Habou, et jusqu’à aujourd’hui, il profite toujours des avantages qu’offre ce marché.
Un symbole du commerce nocturne à Niamey
Grâce au commerce nocturne, beaucoup de commerçants ont pu réaliser des projets qui leur tiennent à cœur. « À l’époque, quand les gens voyageaient, ils venaient à Tchini Habou pour se procurer les derniers produits. J’ai l’habitude de vendre à des clients pressés qui ne peuvent pas attendre le lendemain. Pour les étrangers de passage, le marché est une immersion dans la vie quotidienne nigérienne », souligne-t-il.
Né de la volonté des habitants de créer un espace vivant après le coucher du soleil, Tchini Habou est devenu au fil des années un symbole de la vie nocturne à Niamey. Le marché soutient de nombreux petits commerçants et contribue à la vitalité économique du quartier. « Les clients viennent de Yantala bas et haut ainsi que d’autres quartiers pour acheter nos produits », affirme M. Boubacar Hassan, vendeur à Tchini Habou installé dans ce marché dépuis 1989.

À ses débuts, le marché a accueilli des commerçants venus de toutes les contrées de Niamey, à l’exemple de M. Boubacar Hassan, autrefois vendeur à Kalley Sud, qui a changé de lieu et s’est installé depuis à Tchini Habou. Certains perpétuent la tradition de père en fils, afin que chacun profite de cette expérience unique, réalise des chiffres d’affaires insoupçonnés et renforce la cohésion sociale.
On dit souvent « si tu veux sentir battre le cœur de la ville, va à Tchini Habou ». Beaucoup s’y rendent pour ressentir l’énergie et le bruit des échanges entre vendeurs et clients. D’un côté, les vendeurs interpellent les passants avec des phrases parfois humoristiques « Ay Gna, wayhidjo, a si ga ma bo… Maman, madame, je vends à bon prix ! ». De l’autre, des négociations, des salutations, des éclats de rire, le bruit des motos et des voitures créent un environnement chaleureux et agréable. Pour M. Boubacar Hassan, cet endroit emblématique offre de nombreux avantages, tant pour les commerçants que pour les clients.
« À l’époque, dès que les salaires tombaient, chacun se précipitait pour faire ses provisions du mois, une occasion pour nous de réaliser des chiffres d’affaires. Avant, je vendais des produits cosmétiques. J’ai arrêté pour l’exode, et, à mon retour, je me suis lancé dans la vente de boucles d’oreilles. Depuis 2 ans, je suis dans la commercialisation de téléphones portables », ajoute Boubacar Hassan, par ailleurs membre des délégués du marché. Malgré la position stratégique et son caractère symbolique, les vendeurs de Tchini Habou se plaignent aujourd’hui de la mévente.

« Il y’avait un temps où avant même qu’on ne finisse d’installer nos produits, on vendait beaucoup. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, les choses avancent à pas de tortue. Ces derniers temps, on peut passer la nuit sans vendre un seul article. Mais avant, on gagnait beaucoup dans ce marché », déplore un commerçant.
Dans la quiétude et la serénité
À Niamey, la nuit rime parfois avec peur et insécurité, mais, à Tchini Habou, chacun vaque à ses occupations sans inquiétude. Du Camp supérieur Abdou Garba jusqu’au rond-point Yantala, les personnes mal intentionnées ne circulent pas, car seuls les commerçants occupent les lieux. « Si une personne mal intentionnée s’infiltre, elle n’aura aucune chance. Nous sommes soudés, et, à nous seuls, nous pouvons la maîtriser et la livrer aux forces de l’ordre », souligne un commerçant. Concernant l’assainissement du marché, après la vente, chaque marchand nettoie sa place afin de ne pas laisser l’endroit sale. Ainsi, pour améliorer la qualité des ventes, les commerçants appellent la population à se rendre massivement à Tchini Habou, car c’est un lieu propice pour faire ses courses en toute tranquillité.
Fatiyatou Inoussa (ONEP)
