M. Chaibou Abou
Les Partenariats Public-Privé (PPP) constituent un mécanisme innovant permettant de conjuguer les expertises et les ressources des secteurs public et privé pour financer, réaliser et gérer des infrastructures et services essentiels. Au Niger, ce dispositif s’impose comme une alternative stratégique face aux contraintes budgétaires persistantes et à la demande croissante en infrastructures de qualité (Kiari, Financement des partenariats public-privé et gestion des risques budgétaires, 2018, p. 7).
Le cadre juridique nigérien encadre la mise en place des PPP à travers une architecture institutionnelle dédiée, structurée autour de la Structure d’Appui Technique aux Partenariats Public-Privé (SAPPP), chargée d’accompagner les ministères sectoriels dans la préparation, la contractualisation et le suivi des projets (République du Niger, Loi n°2018-40 du 12 juillet 2018 relative aux contrats de Partenariat Public-Privé, art. 23 ; Décret n°2018-765/PRN/MF du 18 octobre 2018).
Selon les analyses de la Banque mondiale (Rapport sur la gestion budgétaire des investissements publics, 2024, p. 54), le recours aux PPP au Niger se traduit non seulement par une amélioration de l’efficacité et de la qualité des services publics, mais aussi par une pérennisation des investissements publics à travers une répartition optimisée des risques et une mobilisation accrue des financements privés. Le développement des PPP au Niger s’inscrit ainsi dans une logique de développement économique durable et inclusif, en cohérence avec les priorités définies dans les cadres stratégiques nationaux.
Conceptualisation et problématique des PPP
La problématique centrale qui sous-tend l’émergence du régime juridique des PPP au Niger peut être formulée ainsi : comment concilier l’impératif de satisfaction des besoins collectifs croissants avec la contrainte de rareté des ressources publiques disponibles ? Cette équation complexe, fréquemment mise en avant dans la littérature sur les finances publiques (Banque mondiale, Rapport sur la gestion budgétaire des investissements publics, 2024, p. 15), nécessite une approche novatrice qui transcende les modalités traditionnelles de financement et de gestion des investissements publics (Kiari, Financement des partenariats public-privé et gestion des risques budgétaires, 2018, p. 19).
Les Partenariats Public-Privé se positionnent, dans cette perspective, comme une réponse stratégique permettant la mutualisation optimale des ressources, la valorisation des compétences spécialisées et la répartition rationnelle des risques entre les secteurs public et privé (PPIAF, Guide des PPP pour pays émergents, 2018, p. 11 ; Banque mondiale, Cadre de référence pour les PPP, 2020, p. 23). Toutefois, leur efficacité opérationnelle et leur contribution effective à l’amélioration de la performance de la commande publique restent conditionnées par leur intégration cohérente dans l’écosystème normatif et institutionnel existant (Kiari, Financement des partenariats public-privé et gestion des risques budgétaires, 2018, p. 33).
Cette intégration systémique revêt une importance cruciale, dans la mesure où la LOLF impose des contraintes de soutenabilité budgétaire et de transparence financière (République du Niger, Loi organique relative aux lois de finances, 2012, art. 5–8), le Code des marchés publics garantit le respect des principes de libre concurrence et d’équité procédurale (ARMP, Code des marchés publics et des délégations de service public du Niger, 2019, p. 7–10), tandis que le régime des PPP ambitionne d’introduire la flexibilité contractuelle et l’innovation organisationnelle nécessaires à la réalisation de projets complexes et de long terme (Kiari, Financement des partenariats public-privé et gestion des risques budgétaires, 2018, p. 27 ; UEMOA, Guide méthodologique des PPP dans l’espace UEMOA, 2018, p. 21).
Typologie des mécanismes de financement et d’allocation stratégique des risques
Le modèle de financement privé intégral offre un levier important permettant de mobiliser l’expertise technique et les ressources financières du secteur privé tout en limitant la pression immédiate sur le budget de l’État. Selon Kiari (2018), dans son livre Financement des partenariats public-privé et gestion des risques budgétaires, « ce modèle favorise la continuité et la qualité du service public, tout en exigeant un suivi rigoureux des engagements contractuels pour prévenir des risques financiers à long terme » (p. 24). Cette approche est également soutenue par les analyses de la Banque mondiale (2024), qui insistent sur l’importance d’évaluer précisément l’impact budgétaire des engagements pris dans ce cadre.
En ce qui concerne le financement public dominant, il apparaît comme particulièrement pertinent dans les secteurs sociaux sensibles tels que la santé et l’éducation. Ce modèle permet à l’État de conserver la maîtrise financière des projets tout en bénéficiant de l’expertise technique du partenaire privé (Banque mondiale et al., Rapport sur la gestion budgétaire des investissements publics, 2024, p. 67). Toutefois, il est reconnu qu’il réduit le levier financier privé et limite le transfert des risques, ce qui peut peser durablement sur le budget public (UEMOA, Note de politique publique sur le financement des infrastructures, 2018, p. 14).
Le modèle mixte, quant à lui, se présente comme un compromis équilibré entre soutien public et attractivité privée. Il combine les avantages de la maîtrise publique et du transfert partiel des risques au secteur privé, mais sa réussite repose sur une gouvernance institutionnelle robuste et une coordination étroite afin d’éviter conflits de responsabilités (CPCS, Étude comparative des modèles PPP en Afrique de l’Ouest, 2023, p. 29 ; Banque mondiale, Rapport sur la gestion budgétaire des investissements publics, 2024, p. 82).
Enfin, les schémas contractuels intégrés tels que BOT, BOOT ou DBFO incarnent la synthèse la plus avancée dans la gestion des PPP, en optimisant la performance globale sur le cycle de vie des projets (Kiari, Financement des partenariats public-privé et gestion des risques budgétaires, 2018, p. 42 ; PPIAF, Guide des PPP pour pays émergents, 2018, p. 60). Leur mise en œuvre efficace requiert cependant une expertise juridique et financière poussée ainsi que des mécanismes incitatifs contractuels clairs pour garantir la qualité du service et une gestion adaptée des risques.
Gouvernance institutionnelle et mécanisme de régulation des PPP
La gouvernance des Partenariats Public-Privé au Niger repose sur un dispositif institutionnel tripartite structuré, visant à professionnaliser et rationaliser la gestion des projets PPP. Ce système comprend principalement trois acteurs clés : l’Autorité contractante, responsable de l’identification, de la préparation et du suivi opérationnel des projets ; la Structure d’Appui au Partenariat Public-Privé (SAPPP), qui joue un rôle consultatif, méthodologique et de validation technique ; ainsi que le Ministère des Finances, garant de la cohérence globale des engagements budgétaires et de leur soutenabilité (République du Niger, Loi n°2018-40 relative aux contrats de Partenariat Public-Privé, 2018, art. 20–26 ; Décret n°2018-765/PRN/MF portant modalités d’application de la loi sur les PPP, 2018).
Cette architecture se fonde sur un principe de séparation des fonctions et de contrôles croisés permettant de prévenir les risques de capture réglementaire et d’assurer l’objectivité des décisions. Le décret d’application prévoit à cet effet des mécanismes rigoureux de suivi-évaluation périodique, incluant des audits externes réalisés par les organes d’inspection de l’État tels que l’Inspection générale d’État, l’Inspection générale des Finances et la Cour des comptes, ainsi que la production annuelle de rapports de performance destinés à renforcer la transparence et la redevabilité (République du Niger, Décret n°2018-765/PRN/MF, 2018, art. 35–40).
Les spécialistes des PPP soulignent que cette gouvernance multi-niveau tend à instaurer une véritable culture de transparence, de redevabilité et de gestion rigoureuse des ressources publiques, tout en conditionnant la réussite du modèle à plusieurs facteurs critiques : la compétence technique effective des institutions, leur indépendance vis-à-vis des pressions politiques et économiques, ainsi que la qualité de la coordination interinstitutionnelle (PPIAF, Guide des PPP pour pays émergents, 2018, p. 37 ; Kiari, Financement des partenariats public-privé et gestion des risques budgétaires, 2018, p. 55). Les insuffisances observées dans ces domaines constituent encore des défis majeurs pour la mise en œuvre optimale des PPP au Niger.
Enfin, la dimension participative est également mise en avant comme un levier essentiel de légitimation et d’efficacité du dispositif. L’instauration de mécanismes de contrôle citoyen – tels que l’accès public aux registres des contrats de PPP, l’implication structurée des organisations de la société civile dans les procédures de suivi-évaluation et le renforcement du contrôle parlementaire sur les engagements de long terme – contribue de manière significative à la consolidation de la transparence et à l’amélioration de la performance opérationnelle des projets (Banque mondiale, Rapport sur la gestion budgétaire des investissements publics, 2024, p. 61–63).
(A suivre)
Par Chaibou Abou, Doctorant en Commande Publique de l’Université Privée Africaine Franco Arabe de Mali, avec comme sujet de recherches : Performance de la Commande publique au Niger
