M. Chaibou Abou
La gouvernance des Partenariats Public-Privé au Niger repose sur un dispositif institutionnel tripartite structuré, visant à professionnaliser et rationaliser la gestion des projets. Ce système comprend trois acteurs clés : l’Autorité contractante, chargée de l’identification, de la préparation et du suivi opérationnel des projets ; la Structure d’Appui au Partenariat Public-Privé (SAPPP), organe technique spécialisé ; et le ministère chargé des Finances, garant de la cohérence globale des engagements budgétaires et de leur soutenabilité.
Au cœur de ce dispositif, la SAPPP occupe une place centrale. Elle est investie d’un rôle d’appui, d’expertise et de sécurisation méthodologique tout au long du cycle de vie des projets PPP. Concrètement, elle intervient dès la phase d’identification pour apprécier l’opportunité du recours au PPP par rapport aux modes traditionnels, participe à l’élaboration des études de faisabilité, contribue à l’analyse de la valeur ajoutée partenariale et à la structuration du partage des risques. Elle émet des avis techniques sur les évaluations préalables, la soutenabilité budgétaire, les projets de contrats et les matrices de risques, ce qui permet de réduire les asymétries d’information entre administrations sectorielles et privées.
La SAPPP joue également un rôle déterminant dans la normalisation des pratiques et la diffusion d’une culture de performance. Elle élabore ou adapte des guides, modèles de contrats, toiles d’analyses financières et juridiques, et accompagne les autorités contractantes lors des procédures de passation (préparation des dossiers, dialogues ou négociations, analyse des offres). Pendant la phase d’exécution, elle contribue au suivi des contrats, au contrôle du respect des indicateurs de performance et à l’anticipation des renégociations, en lien avec les organes de contrôle et le ministère des Finances. Ce positionnement transversal en fait un pivot de la cohérence technique, budgétaire et juridique de l’ensemble du portefeuille PPP.
Cette architecture repose sur une séparation des fonctions et des contrôles croisés visant à prévenir la capture réglementaire et à garantir l’objectivité des décisions. Le décret d’application prévoit des mécanismes de suivi-évaluation périodique, y compris des audits externes par l’Inspection générale d’État, l’Inspection générale des comptes des Finances et la Cour des, ainsi que la production de rapports annuels de performance. Les spécialistes des PPP soulignent que la réussite de ce modèle dépend étroitement du niveau de compétence technique de la SAPPP, de sa capacité à fonctionner comme centre d’expertise indépendant des pressions politiques et économiques, et de la qualité de sa coordination avec les ministères sectoriels et le ministère des Finances.
Enfin, la dimension participative complète ce dispositif de gouvernance. L’ouverture de l’information (par exemple via un registre public des contrats), l’implication des organisations de la société civile dans le suivi-évaluation et le renforcement du contrôle parlementaire sur les engagements de long terme contribuent à la légitimation des projets et à l’amélioration de leur performance opérationnelle. Dans cette configuration, la SAPPP peut également jouer un rôle de relais d’information et de pédagogie auprès des parties prenantes, afin de renforcer la transparence et la confiance autour des PPP.
Articulation systémique et cohérence normative
Les Partenariats Public-Privé comportent des risques financiers spécifiques, principalement liés aux engagements de long terme pris par l’État, qui peuvent se traduire par des charges futures importantes si les projets sont mal préparés ou mal encadrés. Parmi ces risques figurent en particulier les passifs éventuels, c’est à dire des engagements conditionnels ou non pleinement visibles dans les comptes publics, susceptibles de se matérialiser en obligations de paiement importantes et de peser sur la trajectoire de la dette. Des travaux régionaux montrent que l’insuffisance de préparation et la mauvaise gestion de ces passifs ont, dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, contribué à des augmentations significatives de l’endettement public et à une réduction de la capacité de financement d’autres priorités essentielles comme la santé, l’éducation ou les infrastructures de base.
Au Niger, le cadre juridique cherche précisément à limiter ces risques en imposant une évaluation préalable rigoureuse de chaque projet de PPP par l’autorité contractante, appuyée par la Structure d’Appui au Partenariat Public-Privé et sous le contrôle du ministère chargé des finances. Cette évaluation ex ante doit inclure des analyses économiques, financières, juridiques et techniques, permettant d’identifier les risques budgétaires, de vérifier la soutenabilité de l’opération et de comparer la pertinence du PPP par rapport à un mode de réalisation classique. La conclusion du contrat est, en outre, subordonnée à la vérification privée de la conformité du partenaire et des flux financiers, notamment au regard des exigences de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, ce qui traduit une volonté de renforcer la discipline et la crédibilité du dispositif.
Malgré ces gardes-fous, plusieurs défis subsistent en matière de transparence, de suivi et de contrôle des engagements contractuels. La complexité des contrats de PPP, la technicité des clauses financières et la durée souvent longue des engagements alimentent un risque d’opacité, de mauvaise compréhension des obligations futures et, parfois, de contentieux coûteux entre l’État et ses partenaires privés. D’où la nécessité de renforcer les mécanismes de contrôle ex post : audits externes réguliers, supervision parlementaire des engagements de long terme, implication accumulée des institutions de contrôle et, lorsque cela est possible, information du public et des parties impliquent sur les principaux paramètres financiers des contrats.
Le cadre réglementaire nigérien prévoit par ailleurs des mécanismes de gestion des situations de déséquilibre financier, incluant la possibilité de résiliation anticipée des contrats dans des conditions encadrées. Ces clauses visent à préserver l’équilibre économique global du partenariat, à garantir la continuité du service public et à limiter l’exposition financière de l’État, tout en respectant les droits du partenaire privé à une indemnisation lorsque la rupture n’est pas imputable à sa faute. Leur mise en œuvre exige toutefois une capacité de négociation et d’expertise élevée au sein de l’administration pour éviter des ruptures coûteuses ou des renégociations défavorables.
Enfin, les risques financiers des PPP s’inscrivent dans un environnement macroéconomique national marqué par la disponibilité des ressources publiques, la dépendance à l’aide extérieure, les chocs économiques exogènes et des incertitudes politiques. Ces facteurs accroissent la vulnérabilité des engagements de long terme et imposent une grande prudence dans la sélection des projets, le calibrage des engagements budgétaires et la conception des clauses contractuelles, ainsi que le recours aux stratégies d’atténuation (plafonds d’engagements, cadres de gestion des risques budgétaires, intégration des PPP dans les cadres de dépenses à moyen terme).
Perspectives et recommandations pour améliorer le système des PPP au Niger
Le contexte socio économique et institutionnel nigérien, marqué par des contraintes financières persistantes, une demande sociale croissante et des difficultés d’accès aux services publics, impose une consolidation du cadre juridique et un renforcement de la gouvernance des PPP. Dans cette perspective, plusieurs axes de réforme apparaissent prioritaires.
- Renforcer les capacités institutionnelles et techniques en investissant durablement dans la formation spécialisée des acteurs clés du dispositif – en particulier au sein de la SAPPP, des ministères sectoriels et des organes de contrôle – afin de disposer d’expertises juridiques, financières et techniques capables de concevoir, évaluer, négocier et piloter des contrats de long terme. Les échanges d’expériences avec les pays de la sous région et la mise en place de programmes de formation continuent de constituer des leviers essentiels d’amélioration.
- Améliorer la transparence et la redevabilité en instituant un registre public et accessible des contrats de PPP, en associant de manière structurée la société civile aux processus de suivi évaluation et en renforçant le contrôle parlementaire des engagements de long terme. La publication régulière de rapports de performance et d’audits indépendants contribuerait à asseoir la confiance des citoyens et des investisseurs dans le dispositif.
- Assurer une intégration budgétaire systématique des engagements PPP et une gestion rigoureuse des risques en évaluant de façon approfondie les passifs éventuels et en intégrant les engagements contractuels dans la programmation pluriannuelle des finances publiques. Le recours à des outils méthodologiques dédiés à l’identification, à la quantification et au suivi des risques budgétaires liés aux PPP est indispensable pour préserver la soutenabilité financière.
- Consolider la coordination interministérielle et sectorielle en instituant des cadres réguliers de concertation entre la SAPPP, le ministère chargé des Finances et les ministères sectoriels, afin d’harmoniser les pratiques, d’éviter les chevauchements de compétences et de garantir l’alignement des projets PPP sur les stratégies sectorielles et nationales.
- Promouvoir la durabilité sociale et environnementale en intégrant systématiquement l’évaluation des impacts sociaux et environnementaux dans la préparation des projets, en définissant des critères obligatoires de durabilité et en capitalisant les retours d’expérience pour ajuster les futurs montages contractuels.
- Développer un environnement plus favorable à l’investissement privé en améliorant le climat des affaires, en facilitant l’accès au financement et en structurant des projets bancables, clairs et prévisibles, afin de rendre le portefeuille de PPP nigériens plus attractif pour les investisseurs nationaux et internationaux.
Dans ce cadre, les PPP restent un levier d’innovation institutionnelle et financière pour faire face aux défis du financement public et améliorer la performance de la commande publique, à condition de conjuguer mobilisation des ressources privées, maîtrise stratégique par l’État et exigence de soutenabilité budgétaire. Leur réussite dépendra, en définitive, de la capacité des acteurs à inscrire durablement la performance, la transparence et l’évaluation méthodique au cœur de la pratique contractuelle, afin de transformer les PPP en véritables vecteurs de création de valeur publique au service d’un développement inclusif et durable.
Par Chaibou Abou, Doctorant en Commande Publique de l’Université Privée Africaine Franco Arabe de Mali, avec comme sujet de recherches : Performance de la Commande publique au Niger
