Le ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux, chargé des Relations avec les Institutions, M. Alio Daouda et celui des Mines, le Commissaire Colonel Abarchi Ousmane, ont conjointement animé, le samedi 27 décembre 2025 au Palais de la Présidence de la République, un point de presse sur les accusations portées par le groupe français Orano contre le Niger. Au cours de cette sortie médiatique, le gouvernement de la République du Niger a exprimé son indignation face aux dernières prises de position d’Orano, détenu par l’Etat français, sur un prétendu vol en bande organisée d’uranium lui appartenant.
Dans ses explications, le ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux, chargé des Relations avec les Institutions, a précisé que cet exercice poursuit trois objectifs indissociables, à savoir réaffirmer le cadre légal de la concession d’Arlit et les obligations attachées à son exploitation, y compris le respect des dispositions fiscales et réglementaires, établir les faits économiques relatifs au partenariat historique, en documentant le déséquilibre structurel de la commercialisation au détriment de l’État nigérien et
« de répondre avec fermeté aux narratifs qui cherchent à transformer un exercice souverain en accusation infamante, et à déplacer le débat du terrain du droit vers celui de l’émotion et de la stigmatisation ».
S’agissant du cadre légal, le ministre Alio Daouda a rappelé que le cadre juridique de la relation contractuelle constitue en réalité une concession octroyée en 1968 sur 360 km³ pour 75 ans, et qui a été transférée successivement au Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA), à la Compagnie Générale des Matières Nucléaires (COGEMA), puis à Orano Mining en 2021. « Ce contrat s’analyse donc en un droit d’exploitation conditionné, et non une propriété du sous-sol nigérien, lequel demeure l’attribut souverain de l’État du Niger qui, dès lors, applique à bon droit sa réglementation minière en toute souveraineté, y compris en cas de non-respect par le concessionnaire des obligations mises à sa charge consistant notamment dans la protection de l’environnement et des activités de surface », a-t-il expliqué.
Pour s’en faire une idée, M. Alio Daouda invite tous ceux qui sont intéressés à consulter les données consolidées sur plus de cinquante ans qui révèlent un déséquilibre systémique dans la commercialisation de la production de la SOMAIR ; des décennies d’exploitation qui ont permis à la France de s’affirmer en tant que leader mondial du nucléaire, avec l’uranium du Niger, alors que le Niger n’a eu droit qu’à la dégradation de son environnement et bien d’autres conséquences révélées par les rapports du CRIIRAD en 2003, 2007 et 2010.
En effet, précise le ministre en charge de la Justice, « alors que la participation au capital est de 63,4 % pour Orano et de 36,6 % pour la SOPAMIN (État), la commercialisation cumulée sur la période 1971-2024 a été de 86,3% pour Orano contre 9,2% pour l’Etat du Niger (sur une production totale de 88 517 (U). Cet écart structurel, documenté par périodes, n’a jamais été corrigé et a généré un manque à gagner cumulé et une sous-valorisation durable de la participation publique ».
Concernant les faits économiques, a-t-il souligné, la pratique régissant la commercialisation de la production de l’uranium à la SOMAIR SA prévoit que chaque actionnaire enlève et commercialise une part de la production proportionnelle à sa participation au capital. « Cette pratique constitue le socle du partenariat. Elle est formalisée dans les PV des conseils d’administration et se traduit par des contrats de vente de SOMAIR à ses deux actionnaires. Dans ce cas, la SOPAMIN peut acquérir la production de la SOMAIR à travers la signature d’un contrat de vente entre les deux parties », ajoute-t-il.
Le ministre en charge de la Justice est revenu sur le partage de production de la SOMAIR, de 1971 à 2024. « En effet, de 1971 à 2024, la production totale de la SOMAIR est de 80 517 tonnes réparties comme suit : Orano a enlevé 69 524 tonnes soit 86,3% de la production totale commercialisée, l’Etat du Niger a commercialisé 7 392 tonnes, soit 9,2% de la production totale commercialisée, 3. 601 tonnes sont vendues au spot (soit environ 4,5%) soit une augmentation de la part de commercialisation (par rapport à l’apport au capital) de 36,12% pour Orano, et une diminution de 74,86% pour l’Etat du Niger ».
De 1971 à 1983, il y a exclusion quasi totale de l’Etat du Niger, avec ORANO qui a effectué 95 à 100% des enlèvements. Pendant la période 1984 à 2007 (24 ans), le ministre relève un monopole de fait d’ORANO qui a effectué 100 % de la commercialisation annuelle. « Pour la période 2008 à 2013, l’on parle de croissance captée par ORANO : c’est la phase de plus forte commercialisation historique. De 2014 à 2022, il y a eu la correction tardive et insuffisante. Ainsi, la SOPAMIN réapparaît plus régulièrement mais loin des 36, 6% correspondant à sa participation au capital », a expliqué le ministre Alio Daouda. Ce déséquilibre, a-t-il dit, a duré plus de 50 ans et n’a jamais fait l’objet d’un mécanisme de correction ou de compensation, même pendant les périodes de forte demande mondiale. Cette situation, a-t-il insisté, a conduit à une captation durable de valeur au détriment de l’Etat du Niger.
En termes de conséquences économiques, le ministre en charge de la Justice a énuméré le manque à gagner cumulé significatif pour l’Etat, la sous-valorisation durable de la participation de l’Etat portée par la SOPAMIN, une violation du principe de proportionnalité, le manquement à la bonne foi et à l’obligation de coopération (asymétrie d’information), avantage économique indu et enrichissement sans cause et préjudice direct et cumulatif pour l’État.
Face à ces actions de sabotage, le ministre Alio Daouda a rappelé que le Niger a nationalisé la SOMAÏR par ordonnance du 19 juin 2015 afin de sécuriser ce secteur stratégique, garantir la continuité de l’exploitation, préserver les emplois et protéger l’intérêt général en s’appuyant sur un personnel compétent qui a décidé de l’accompagner dans l’affirmation de sa souveraineté. « Le Niger demeure ouvert à des partenariats respectueux, équilibrés et transparents, tout en restant ferme et sans concession sur la protection de ses droits, de sa dignité institutionnelle et de l’intérêt supérieur de sa population », a-t-il assuré.
Le Gouvernement rejette toute idée de ‘‘vol’’
Abondant dans le même sens, le ministre des Mines, le Commissaire Colonel Abarchi Ousmane rejette avec la plus grande fermeté toute rhétorique assimilant à un ‘’vol’’ l’exercice de sa souveraineté sur une ressource nationale. « Une telle qualification, juridiquement infondée et politiquement inacceptable, procède d’une confusion volontaire entre droit d’exploitation et propriété souveraine, et ne saurait tenir lieu d’argument. Le Niger rappelle que ce différend doit être traité sur le terrain du droit, des faits et des responsabilités, y compris celles relatives au passif environnemental et sanitaire de l’exploitation (résidus radioactifs, pression sur les nappes, contaminations documentées) ainsi qu’aux obligations de réhabilitation, notamment sur le dossier COMINAK », ajoute-t-il.
Pour le ministre Abarchi Ousmane, le Niger choisit la clarté et répond par le droit, par les chiffres et par ‘’l’histoire longue’’. « Car, l’uranium nigérien n’est ni un objet de communication, ni un motif d’insinuation, c’est un actif stratégique national dont la gestion relève de la souveraineté pleine et entière de l’État du Niger, dans le cadre de sa législation et des standards internationaux ».
Le Commissaire Colonel Abarchi Ousmane assure que le Niger assume sa responsabilité historique qui est de protéger un secteur stratégique, de garantir la continuité d’exploitation, de préserver l’emploi, d’exiger le respect de ses textes, et d’obtenir la juste valeur de ses ressources. Il précise que le temps des ambiguïtés est révolu et que l’ère des partenariats déséquilibrés et des récits unilatéraux doit céder la place à l’État de droit, à la vérité des chiffres et à la dignité des nations.
Passif environnemental et sanitaire, un silence assourdissant
A cet effet, le ministre des Mines, le Commissaire Colonel Abarchi Ousmane, a rappelé que l’exploitation des ressources minières, et en particulier des substances radioactives telles que l’uranium, est encadrée au niveau international par des normes strictes en matière de protection de l’environnement, de santé publique et de responsabilité des opérateurs. Ces normes, portées notamment par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), l’Organisation internationale du Travail (OIT) et consacrées par les Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, imposent aux exploitants miniers une obligation renforcée de prévention, de surveillance, de transparence et de réparation des impacts.
Le ministre Abarchi Ousmane a fait constater qu’il est de principe reconnu que l’exploitation de l’uranium doit s’accompagner, d’une gestion rigoureuse des résidus radioactifs, de la protection durable des ressources en eau, en particulier des nappes fossiles, d’un suivi sanitaire effectif des travailleurs et des populations riveraines, du respect du cadre légal et des obligations attachées à l’exploitation, y compris le respect des dispositions fiscales et réglementaires. Pour le ministre des Mines, les agissements d’ORANO ne visent ni plus ni plus au moins qu’à masquer le déséquilibre structurel de la commercialisation de l’uranium au détriment de l’État nigérien.
Parmi ces impacts, le Commissaire Colonel Abarchi Ousmane a cité, entre autres, l’impact environnemental et sanitaire lié à l’exploitation de l’uranium à Arlit, les résidus miniers radioactifs et les pressions environnementales, la surexploitation des ressources en eau souterraine et la contamination radiologique de l’environnement. A cela s’ajoutent les conséquences sanitaires suite à la dégradation hydro-chimique des aquifères, la problématique du réaménagement du site (RDS) de la COMINAK.
Abdoulaye Mamane (ONEP)
