
L’artiste Black Mailer lors de l’entretien avec notre reporter
Né en Jamaïque en 1960, le reggae est un genre musical révolutionnaire utilisé par les défenseurs de la liberté comme un moyen de revendication et de résistance. Il est intégré au Niger dans les années 1980 par des artistes. Black Mailer et d’autres artistes ont su, dans les années 90, fusionner le reggae et les instruments traditionnels.
Secrétaire général du Syndicat National du Métier de la Musique, membre de la Fédération, secrétaire général de la Confédération Africaine de Musique et producteur agricole, Black Mailer, de son nom d’artiste pris à partir de Black Mail qui signifie étymologiquement quelqu’un qui fait du chantage pour l’adapter à sa façon : « Dans l’esprit de rasta, on dit Jah man qui veut dire l’homme de Dieu, quelqu’un qui cherche à être juste, qui cherche la lumière de Dieu et qui cherche la vérité. Mais, je me suis donné comme nom professionnel Black Mailer qui veut dire l’homme qui dit les choses telles qu’elles sont tout simplement ».
M. Adamou a toujours été passionné par la musique qu’il considère comme l’expression de son destin. C’est en 1996 qu’il a véritablement entamé sa carrière musicale de manière professionnelle, en tant que choriste aux côtés d’un musicien congolais résidant au Niger. Cet artiste congolais a d’ailleurs contribué à l’émergence de nombreux musiciens nigériens. Il a par la suite collaboré avec l’orchestre ‘’Samari Nouvelle Formule’’. Après l’obtention de son baccalauréat, en arrivant à l’Université, il a trouvé un vide au niveau de la Commission des Affaires Culturelles (CAC) avec le départ de la plupart des membres de l’orchestre les ‘’Tandistes’’. C’est ainsi qu’il a intégré la section musique au sein de la Commission. « Nous avons alors réuni quelques camarades du campus dont Aïchatou Soumaila plus connue sous le nom de Aïchatou Dan Kwali qui nous a rejoints un an plus tard. Ensemble, nous avons formé ‘les Camarades du Campus’ qui regroupe une dizaine d’étudiants passionnés de la culture » souligne l’artiste.
Black Mailer a à son actif trois albums dont le premier ‘’libération’’ sorti en 2001 au Togo, le deuxième ‘’coup de destin’’ ; il a fait les maquettes, le mastring ici au Niger mais l’album est sorti à Bamako (Mali) en 2009, le 3è album ‘’serment confessionnel’’ est en bonne voie. Indépendamment des albums, il a fait autant de titres de sensibilisation, sur des thématiques pour les ONG et bien d’autres structures.
Il est toujours dans la musique, mais travaille à son propre rythme et en fonction de ses moyens. « Être un artiste reggae n’est pas chose facile, surtout au niveau local. Il m’a fallu six à sept ans pour réaliser mon premier album. Pour le deuxième, j’ai mis cinq ans avant de pouvoir le sortir. Le troisième est déjà terminé, et plusieurs de mes titres sont désormais bien connus du public. À un moment donné, j’ai mis l’accent sur la formation afin de renforcer mes compétences musicales, notamment dans la maîtrise des instruments et plus particulièrement de la guitare », ajoute le musicien.
Musicien et grand producteur agricole
Parallèlement à son engagement musical, Black Mailer se consacre à la production agricole. Il possède un grand site vers Hamdallaye, où il s’investit pleinement dans le travail de la terre. Cet engagement a un but communicationnel : il vise à sensibiliser la jeunesse par rapport à l’importance de retourner à la terre. « Je m’inspire d’artistes comme Oumou Sangaré, Ali Farka Touré ou encore Tiken Jah Fakoly, qui, au-delà de leur carrière musicale, sont également engagés dans l’agriculture. Dans une perspective panafricaniste, je considère que l’autosuffisance alimentaire est un pilier fondamental que la jeunesse africaine doit maîtriser », soutient-il.
Pour l’artiste, si les jeunes s’intéressaient davantage à la production agricole, cela contribuerait largement à résoudre le problème de l’insécurité alimentaire qui touche non seulement le Niger mais aussi la majorité des pays africains. « En tant que leaders porteurs de projets, nous devons créer des initiatives susceptibles d’attirer l’attention des partenaires pour faire émerger des «champions» dans plusieurs secteurs. Il faut des champions au sein de la jeunesse : dans la production agricole, l’élevage, l’aviculture, l’apiculture (la culture des abeilles), et bien d’autres domaines », souligne Mailer.
Parlant du lien entre la musique et la terre, il a souligné que les grands travaux champêtres communément appelés ‘’Gayya’’ ’c’est-à-dire les travaux d’intérêt collectif se font avec des tam-tams, des battements des mains, des cris et des youyous au village. « En tant qu’auteur, même en travaillant la terre, je peux déjà finir un texte d’une chanson et quand je viens pour me reposer, je prends juste mon stylo et mon cahier pour le matérialiser. Chantant et travaillant en même temps, cela facilite l’inspiration. L’avantage de la production est que si elle promet bien, elle permet aux artistes de s’équilibrer parce que la créativité aussi a besoin d’un équilibre. Aujourd’hui, même sans argent, je peux me nourrir, il suffit juste de cueillir quelques feuilles de moringa et poser ma petite marmite. A un certain niveau, si vous arrivez à rentabiliser et à commercialiser, vous pouvez même investir aussi dans votre musique que d’attendre un promoteur ou un producteur », conclut Black Mailer.
Aïchatou H. Wakasso (ONEP)