« Monsieur le Président,
Excellences Messieurs les chefs d’Etat et de Gouvernement,
Mesdames et Messieurs les Chefs de délégations,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais tout d’abord, vous adresser mes plus vives félicitations pour votre brillante élection à la Présidence de cette 74ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies.
Cette élection est le témoignage éloquent, à travers vous, de la grande considération que la communauté internationale éprouve à l’endroit de votre grand pays, ami et frère du mien, la République Fédérale du Nigéria.
J’y vois aussi, la consécration bien méritée de votre carrière exemplaire d’universitaire et de diplomate, qui conforte ma conviction que vous mènerez à bien la lourde mission dont vous avez été investi.
Je vous assure de la disponibilité de la délégation du Niger, à vous apporter tout l’appui dont vous aurez besoin dans l’exercice de votre mandat, de même, du reste, qu’aux autres membres du bureau.
Je voudrais ensuite, rendre un hommage mérité à Madame Maria Fernanda Espinoza Garces, Présidente sortante pour la manière exemplaire dont elle a dirigé les travaux de la 73ème session.
A l’endroit du Secrétaire Général, Monsieur Antonio GUTERRES, je voudrais exprimer toute notre appréciation pour le travail inlassable accompli en vue de renforcer l’efficacité de l’action de notre organisation, non seulement à travers la mise en œuvre de certaines réformes, mais également, pour son engagement personnel en faveur de certaines causes telles que le climat, la sécurité au Sahel, la migration, les questions humanitaires entre autres. Je profite donc de cette tribune pour vous adresser toute ma reconnaissance et mes vœux de succès continus.
Monsieur le Président,
Le 7 juin dernier, ici, dans cette même salle, les Etats membres ont massivement soutenu la candidature du Niger portée par l’Afrique au siège de membre non permanent du Conseil de sécurité.
C’est pour moi le lieu de vous exprimer mes très vifs et sincères remerciements pour cette marque de confiance et d’estime à l’endroit de mon pays.
Pour ma part, je mesure grandement notre responsabilité et je puis vous assurer que mon pays le Niger, assumera cette charge avec engagement et conviction pour contribuer à la recherche de solutions aux différents défis auxquels la communauté internationale est confrontée.
Monsieur le Président,
Le thème choisi cette année pour notre présente session, à savoir « Dynamiser les efforts multilatéraux pour l’éradication de la pauvreté, l’éducation de qualité, l’action contre le changement climatique et l’inclusion », est pertinent à plus d’un titre.
Il constitue d’abord le juste prolongement du thème de notre précédente session portant sur « nos responsabilités partagées au service de sociétés pacifiques, équitables et durables ».
Il est aussi, pour nous, l’occasion de rappeler que le multilatéralisme n’a, jusqu’ici, progressé qu’après des conflits sanglants, comme ce fut le cas avec le traité de Westphalie (1648) et le traité de Vienne (1814), qui ont fondé les ordres européens successifs après respectivement les guerres de 30 ans et de 80 ans et les guerres Napoléoniennes. Il en est de même de la tentative de mise en place de la société des Nations (la SDN) après le 1er conflit mondial et de notre organisation, l’ONU, après le second conflit mondial. À chaque fois, l’objectif était de mettre en place des règles et des institutions capables d’instaurer un ordre favorable à des relations internationales pacifiques, un ordre régi par le droit, permettant de sortir de l’état de nature où chaque Etat dispose de la liberté absolue de recourir à la force.
Dans le préambule de la charte de notre organisation, il est du reste annoncé qu’il s’agit d’éviter aux générations futures le fléau de la guerre. Nous ne devons donc pas oublier les enseignements de l’histoire. La complexification des relations internationales rend le multilatéralisme plus que jamais nécessaire dans un monde de plus en plus globalisé où l’interdépendance des Etats et des nations est de plus en plus croissante.
Le monde doit s’engager dans une coopération gagnant-gagnant et non dans des relations à somme nulle comme le prouve le «dilemme du prisonnier». Le monde a besoin d’institutions de régulation. Il est vrai que les intérêts nationaux gouvernent les politiques étrangères des Etats mais les intérêts nationaux sont mieux défendus dans la coopération que dans l’affrontement.
Monsieur le Président,
Le thème de la présente session est également pertinent au regard des défis auxquels la communauté internationale est actuellement confrontée. En effet la situation internationale est caractérisée par un début de retour à la course aux armements, les tensions commerciales, la montée des populismes et de la xénophobie, l’accroissement des inégalités, l’augmentation spectaculaire des flux migratoires, la propagation des menaces des organisations terroristes et criminelles ainsi que les conséquences du changement climatique. Nous sommes dans un monde où pendant que certains meurent d’obésité, d’autres meurent de faim.
Nous sommes dans un monde où le nombre de réfugiés et de déplacés, chassés par la pauvreté, le climat et l’insécurité est estimé à plus de 70 millions en 2018. Au Niger nous en accueillons 300 mille.
Nous sommes dans un monde où le nombre de pauvres est estimé à 800 millions de personnes pendant que les 1% les plus riches ont profité deux fois plus de la croissance des revenus que les 50% les plus pauvres. Depuis une quarantaine d’années les inégalités augmentent dans presque tous les pays.
Pour faire face à ces défis de manière efficace, le système multilatéral actuel doit être reformé. Pour «Dynamiser les efforts multilatéraux» une attention particulière doit également être accordée» aux mesures de réformes engagées depuis déjà plusieurs années et qui peinent encore à aboutir.
Le train des réformes demeurera incomplet sans avancées significatives sur la réforme du Conseil de sécurité aussi bien en ce qui concerne la représentation équitable en son sein, qu’en ce qui concerne ses méthodes de travail et de fonctionnement.
Par rapport à cette réforme mon pays demeure attaché à la position africaine commune telle qu’exprimée à travers le consensus l’Ezulwini. De même, la revitalisation de l’Assemblée générale, instance représentative par excellence et de l’ECOSOC, garant de l’avènement d’un Nouvel Ordre Economique Mondial, doivent être menées de pair avec celle du Conseil de sécurité.
La réforme ne doit pas se limiter à la gouvernance politique mondiale, elle doit aussi concerner la gouvernance économique et ses institutions notamment l’OMC, le FMI et la Banque Mondiale.
Sans ces réformes il serait difficile de réaliser les ODD à l’horizon 2030 notamment l’ODD 1 relatif à l’éradication de la pauvreté. Sans ces réformes il serait tout aussi difficile de répondre aux aspirations des peuples africains contenues dans l’agenda 2063.
Le thème de notre session est bien sûr l’occasion de passer en revue le chemin parcouru sur la voie de l’éradication de la pauvreté à travers la mise en œuvre de ces agendas.
Quatre années se sont déjà écoulées depuis l’adoption de l’ambitieux Programme d’Action pour le Développement Durable à l’horizon 2030. Le constat qui s’est dégagé des travaux du dernier Forum Politique de Haut Niveau tenu en juillet, est que malgré les progrès accomplis, nous ne sommes pas sur la trajectoire souhaitée pour atteindre les objectifs et cibles de ce programme.
C’est pourquoi, nous devons relever le niveau de notre ambition et renouveler notre engagement, à travers des actions concrètes qui ont un impact sur plusieurs ODD à la fois, pour espérer gagner la bataille contre la pauvreté et assurer une croissance économique inclusive qui tienne compte des aspirations de nos populations à un mieux-être.
Le Sommet sur les ODD prévu en marge de la présente session, nous donne ainsi l’occasion de renouveler notre engagement et de donner une nouvelle impulsion, par des actions concrètes de développement, afin de combler le retard accusé, pour être au rendez-vous de 2030.
Ce sursaut auquel je fais allusion ne pourra être effectif sans une mobilisation effective des ressources financières, y compris à travers le secteur privé. Je rappelle que, pour réaliser les ODD, l’Afrique a besoin de 600 milliards de dollars par an.
Je salue à cet égard, l’heureuse initiative du Secrétaire Général, d’avoir convoqué le Dialogue de Haut niveau sur le Financement du Développement. Ce dialogue permettra, je suis, pour ma part, convaincu, de dégager de nouvelles pistes susceptibles de combler le gap de financement actuel et de drainer des ressources vers les secteurs productifs et les projets structurants à effet de levier sur les ODD.
Je me permets d’insister ici sur l’éducation, particulièrement celle des jeunes filles, sur la santé notamment celle de la reproduction ainsi que sur la réduction de la mortalité maternelle et infantile. En particulier je lance un appel en faveur de la vaccination. Il faut non seulement reconstituer les fonds de vaccination de l’initiative GAVI pour la période 2021-2025 mais aussi trouver des vaccins contre des maladies comme le paludisme, le cancer, le diabète, le virus Ebola. Dans le même esprit, l’intégration régionale pourrait servir de catalyseur, à travers la création de marchés et la facilitation des échanges.
Parallèlement aux ODD, notre continent doit mettre en œuvre l’Agenda 2063, rendre opérationnelle la Zone de Libre Echange Continentale Africaine (ZLECAf), promouvoir l’industrialisation à travers la transformation de ses immenses ressources en matières premières, réaliser des infrastructures routières, ferroviaires, portuaires, aéroportuaires, énergétiques, de télécommunication, développer le capital humain à travers la promotion de l’éducation et de la santé afin de transformer son actif démographique en dividende économique, développer l’agriculture pour nourrir sa population, créer des emplois pour sa jeunesse et mettre fin au drame de la migration clandestine. Tous ces objectifs ne peuvent être atteints sans une réforme hardie de la Gouvernance économique et financière mondiale.
Il me plait de vous informer que le 7 juillet dernier, il a été procédé à Niamey, au lancement de la phase opérationnelle de la Zone de Libre Echange Continentale Africaine (ZLECAF). Cette initiative que j’ai eu l’honneur de piloter au nom de mes pairs Africains depuis 2017, permettra à l’Afrique de renforcer son intégration et, à travers la mise en œuvre de l’Accord et celle de l’Agenda 2063 dans son ensemble, de jeter les jalons de la transformation de notre Continent, en mettant en place les conditions de sa prospérité, notamment, à travers la création d’emplois pour les jeunes.
Monsieur le Président,
C’est désormais une évidence, les pays du Sahel et du bassin du lac Tchad sont devenus le théâtre d’opération des organisations terroristes et criminelles dont la menace fait partie des questions qui relèvent, par excellence, du multilatéralisme. En effet, la sécurité est un bien public mondial. En mettant en place des coalitions fortes de lutte contre le terrorisme en Afghanistan, en Irak et en Syrie, la communauté internationale l’a bien compris. Nous déplorons qu’il n’en soit pas ainsi au Sahel et dans le bassin du Lac Tchad où les menaces des organisations terroristes et criminelles ont été amplifiées par la crise Libyenne, crise dans le déclenchement de laquelle la communauté internationale a de graves responsabilités.
Par conséquent, comme j’ai eu à l’indiquer à maintes reprises, la communauté internationale ne doit pas détourner son regard de ces deux régions dont les populations, notamment les femmes et les enfants, connaissent des souffrances indescriptibles : populations réfugiées ou déplacées, fermeture d’écoles sacrifiant des générations de jeunes qui n’ont plus l’occasion de s’instruire. Pour faire face à la situation la communauté internationale doit :
Trouver une solution urgente a la crise Libyenne, notamment en désignant un envoyé spécial conjoint ONU-UA ;
Aider à renforcer les capacités opérationnelles et de renseignement des forces de défense et de sécurité des Etats membres ;
Renforcer les capacités opérationnelles et de renseignement de la Force Mixte Multinationale qui opère contre Boko Haram dans le bassin du Lac Tchad et de la Force conjointe du G5 Sahel que nous souhaitons voir placée sous le chapitre 7 de notre charte.
La nouvelle stratégie des groupes terroristes visant à entrainer des conflits intercommunautaires et l’extension de l’insécurité vers des pays jusque-là épargnés sont autant de raisons qui militent en faveur d’une action concertée de notre part contre les groupes terroristes.
C’est du reste, pourquoi, le 14 septembre dernier, un Sommet extraordinaire des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO, spécialement consacré à la sécurité régionale et à l’examen des voies et moyens d’y faire face de manière collective, s’est tenu à Ouagadougou au Burkina Faso.
Ce Sommet, traduit le fort engagement des dirigeants de notre région face à ce fléau, mais il conforte également l’option de la mutualisation de nos moyens, face à un ennemi commun de plus en plus organisé et qui conserve une capacité militaire avérée.
Je me félicite de ce que la CEDEAO, à l’occasion de ce sommet extraordinaire, ait pris des décisions fortes dans ce sens. À ces décisions s’ajoutent d’autres mesures non moins fortes : la demande de changement du mandat de la MINUSMA, y compris son extension au-delà du territoire Malien conformément à la résolution 2480 ; l’adoption du plan d’action 2020-2024 avec une dotation initiale des pays membres de la CEDEAO de 1 milliard de dollars.
En ma qualité de Président en Exercice de la CEDEAO, j’invite la communauté internationale, particulièrement les Nations Unies, à prendre en compte les conclusions de ce sommet au regard de leur pertinence. C’est ici l’occasion de saluer l’initiative conjointe du Président Français Emmanuel Macron et de la Chancelière Allemande Angela Merkel, relative à la mise en œuvre d’un Partenariat pour la Stabilité et la Sécurité au Sahel. Je fonde l’espoir qu’il permettra à nos populations de mesurer l’intérêt que leur porte la communauté internationale.
J’adresse nos sincères remerciements à tous les partenaires qui nous apportent leur soutien, notamment à travers l’Alliance Sahel, en vue d’accompagner les efforts de développement de nos Etats, et qui contribuent ainsi, à la stabilité de la région. Une harmonisation de l’action de ces divers partenaires s’avère cependant nécessaire pour un meilleur résultat. Il n’est jamais inutile de le rappeler, la victoire, à terme, contre le terrorisme passe par le développement.
Monsieur le Président,
La question des effets du changement climatique dépasse les frontières et relève des compétences de la communauté internationale. Comme l’illustre la situation du Sahel et du bassin du lac Tchad il existe une liaison étroite entre pauvreté, terrorisme et changement climatique.
C’est pourquoi, je lance un Appel, à tous les Etats membres, s’agissant des questions climatiques, pour que les conclusions de notre Sommet Spécial tenu hier, le 23 septembre, soient appliquées. En effet, tout le monde reconnait aujourd’hui l’impérieuse nécessité de mutualiser nos forces et nos moyens, en vue de trouver des solutions acceptables et durables pour protéger notre planète et permettre aux générations futures d’hériter d’un monde où il fera bon vivre.
Nous n’avons pas de planète bis, nos engagements immédiats conditionnent la survie de l’HUMANITE. Nous sommes conscients de cela au Niger. C’est pourquoi nous mettons l’accent sur la résilience au changement climatique dans les politiques et stratégies sectorielles de santé, de transport, de production agropastorale et dans les schémas et plans locaux d’aménagement du territoire et de développement.
C’est pourquoi nous avons également pris des mesures pour intégrer la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans notre Programme National d’Accès aux Services Energétiques, et renforcer la résilience et les capacités d’adaptation des secteurs de l’agriculture et de l’eau.
C’est enfin pourquoi le Niger s’est résolu à mettre en place un Plan National d’Adaptation à long terme à travers, entre autres, l’élaboration de sa Contribution Déterminée au niveau National.
Je tiens d’ailleurs à relever ici l’importance du Plan d’Investissement Climat de la Région du Sahel pour la période 2018-2030 et son programme prioritaire, qui constituent des instruments stratégiques importants dont élaboration a été faite sous le leadership du Niger en sa qualité de pays assurant la présidence de la Commission Climat pour la région du Sahel. Je voudrais ici et au nom des autres pays membres de cette commission, réitérer notre appel à la communauté internationale pour qu’elle accorde l’attention qu’il convient aux conclusions de la Table Ronde sur le financement du Plan et du programme Climat pour la région du Sahel, tant il est vrai que la persistance de la pauvreté, du changement climatique, du terrorisme et du crime organisé a des conséquences négatives immédiates sur les efforts de nos Etats à réaliser les Objectifs du Développement Durable à l’horizon 2030.
Monsieur le Président,
L’augmentation spectaculaire des flux migratoires est une autre caractéristique de notre époque. Cette question ne peut être prise en charge par un seul pays : elle relève du multilatéralisme.
S’agissant de cette question, je suis heureux de l’adoption du Pacte de Marrakech en décembre 2018. En effet, ce premier acte d’engagement de notre organisation sur la thématique, constitue un premier pas pour traiter la question dans sa globalité à travers les 23 objectifs identifiés.
Comme vous le savez déjà, je me suis personnellement engagé dans ce combat, du fait des problèmes de sécurité que nous crée la migration clandestine mais aussi parce que nous sommes révoltés par le spectacle insoutenable des drames que vivent les migrants à travers désert et océan.
C›est donc avec une réelle motivation que le Niger participera en 2022, au Forum d’examen de la mise en œuvre du Pacte, afin de partager sa propre expérience et de s’enrichir de l’expérience positive des autres pays. Je fonde l’espoir que d’ici cette date, des décisions hardies auront été prises pour s’attaquer aux causes profondes des migrations notamment la pauvreté, le changement climatique et l’insécurité.
Monsieur le Président,
Le monde a subi ces dernières années de rapides et profondes mutations. Celles-ci nous imposent par conséquent d’adapter nos stratégies au nouveau contexte ainsi créé, si nous voulons répondre aux aspirations légitimes des peuples de la planète. La communauté internationale a plus que jamais besoin d’une ONU forte pour atteindre les objectifs ambitieux de sa Charte. Il est donc nécessaire d’appuyer sans relâche le Secrétaire Général dans ses efforts visant à réformer l’organisation, à renforcer son rôle et à la doter des moyens pouvant lui permettre de remplir ses missions de façon adéquate.
Pour conclure je voudrais réitérer mon appel pour une nouvelle gouvernance politique et économique mondiale. Les instruments mis en place au lendemain de la seconde guerre mondiale, en l’état, ne suffisent plus. C’est la condition sine qua non pour faire face aux défis que nous venons d’évoquer : défis de la pauvreté, défi du changement climatique, défi du terrorisme et du crime organisé, défi migratoire ;
Je vous remercie de votre aimable attention. ».
Onep