
Au fil des ans, la mise de henné ...
Dans un passé relativement récent, il existait au Niger une manière de célébrer le mariage dans les communautés de tradition haoussa et zarma-sonray. Pour les haoussas, c’est une tradition pour la future jeune mariée d’observer une période dite « de mise en henné », alors que chez les zarma sonray, c’est tout un autre processus qui consiste à la recherche des écorces d’arbre par les tantes de la future jeune mariée, puis procéder à la préparation du cocktail qui sera méticuleusement versé sur la future jeune mariée suivant un cérémonial jalonné d’incantations. Mais, de nos jours, on constate que les communautés haoussa et zarma-sonray s’éloignent progressivement de la tradition et de ces valeurs socio-culturelles léguées par leurs ancêtres.
Belle comme une étoile, la femme nigérienne des temps anciens conservait sa beauté naturelle jusqu’au mariage, sans maquillage, ni dépigmentation. Elle était une source de beauté inimaginable dans un esprit de pudeur tout au long de la célébration de son mariage. Mme Moumay Harouna dite Tinni Bio Gna, une personne ressource en matière de conservation des traditions, explique au détail près ce qui se faisait par le passé dans les sociétés zarma-sonray. Dans la tradition zarma-sonray, la future jeune mariée doit subir un rituel très important avant son départ chez son mari.
« Dans notre tradition zarma-sonray, il n’y a jamais de mise en henné de la jeune mariée. Ce n’est pas propre à notre tradition. Nous avons notre rituel qui est totalement différent de la mise en henné. A trois (3) jours de la célébration du mariage, la jeune mariée s’installe chez sa tutrice pour le « Hanna ». C’est la nuit de son départ chez son mari que l’on procède à ce rituel. On installe un mortier dans lequel on ajoute du guéni communément appelé « Dougou bi « en zarma et des plantes cueillies en brousse par des tantes proches de la future jeune mariée. Au cours de ce processus, une de ses tantes chante, une deuxième pile et une autre tient le mortier. C’est un moment de dignité pour la future jeune mariée », explique cette traditionnaliste.
Ensuite, souligne-t-elle, l’une des tantes verse le mélange obtenu dans un récipient, puis ajoute du parfum. « C’est en ce moment-là qu’on installe la future jeune mariée sur le mortier et on lui applique ce mélange sur sa tête. Le liquide de ce mélange doit couler de la tête à la bouche de la future jeune mariée. C’est là que ces tantes sauront si elle est vraiment une jeune fille digne de ce nom. Elles vont commencer à chanter pour manifester leur joie immense malgré les multiples pleurs de la future jeune mariée. Ensuite, elle sera portée au dos par une de ces tantes pour faire le tour du mortier en chantant et en dansant au rythme du ‘’toubal’’, le tambour guerrier », ajoute cette adepte des traditions. Tinni Bio Gna précise également que cette tradition est un honneur, une cérémonie festive dans toute la communauté. « La jeune mariée d’avant, a de la pudeur ; elle ne parle pas, elle est toujours calme. C’est pourquoi, elle dure dans son foyer ; ce qui n’est pas le cas aujourd’hui », ajoute-t-elle.
Pour vivre la vie de couple de nos grands-parents, Tinni Bio Gna invite tous les parents zarma-sonray à respecter la tradition. « Le mariage est un événement sacré, on doit l’honorer. La future jeune mariée doit passer par la tradition pour vivre paisiblement dans son foyer. On doit éviter la célébration des mariages qui se fait de nos jours avec de la musique de tout genre. Nous ne connaissons pas ce style de vie et c’est vraiment déplorable pour ces parents qui l’acceptent », a-t-elle conclu.
Une autre réalité chez les haoussas
Assise sur une natte blanche durant une semaine, sans mot dire, la future jeune mariée haoussa est mise en henné dans toute sa splendeur et sa timidité. Aminata Abdoulaye est une cinquantenaire, qui partage ses connaissances et ses expériences de ces moments forts de mise en henné des autochtones de la région de Maradi, notamment chez les «gobirawa». « Dans nos traditions, la famille du futur jeune marié doit d’abord apporter un sac de henné, une natte blanche, une couverture, des chaussures et un sac de mil. Après cela, on détermine un jour spécial, car avant, il fallait aller demander un marabout quel est le jour idéal pour mettre le henné à la future jeune mariée », a-t-elle expliqué. Ainsi, après l’annonce des marabouts pour la détermination de la date, la famille de la future jeune mariée se prépare pour la mise du henné qui se fait une semaine avant son départ chez son futur conjoint. « Pour la préparation du henné, on met les feuilles de henné dans un récipient, puis on ajoute de l’eau, de l’oignon blanc, et les grands-parents maternels et paternels, chacun apporte des écorces pour y ajouter. On cherche ensuite quatre crottes de chameau et on remue jusqu’à ce que la mousse se forme, et on y ajoute ensuite du parfum », décrit Aminata Abdoulaye.
Par ailleurs, ajoute-t-elle, chaque soirée, la jeune mariée se lave avec ce mélange durant une semaine pleine. « Par exemple, si on met le henné le 15 du mois, cela veut dire que la future jeune mariée sera amenée chez son futur mari le 22 du mois, c’est une semaine qui est calculée. Mais, en l’absence d’un parent, on peut prolonger à deux semaines. Une fois cette opération arrivée à son terme, le résultat est époustouflant, elle peut faire une semaine en train de dégager l’odeur de parfum », a-t-elle témoigné.

Aujourd’hui, Mme Aminata Abdoulaye dit être désolée du fait que cette tradition ancestrale est complètement négligée. Les hommes amènent plutôt de l’argent à la mère de la fille. « Avant, dès que la future jeune mariée commence à se laver avec le henné, chaque matin le futur jeune marié remet une somme aux amies de la future jeune mariée. Cette somme comporte l’argent des sucreries, les frais de la radio, c’était la grande fête entre filles et garçons durant toute la semaine », dit-elle.
La vielle dame précise également que tout a changé avec le temps. Les gens ne se renseignent plus sur le moment où l’on doit se marier. Ils font tout à la modernité. « Si vous observez bien, les mariages d’avant sont plus solides, prospères et bénis que ceux d’aujourd’hui. La culture n’est pas obligatoire, mais elle apporte beaucoup de choses », relève Aminata Abdoulaye. C’est pourquoi, elle attire l’attention des futurs jeunes mariés en disant que le mariage n’a qu’un seul secret : c’est la patience. « Il faut que les filles fassent preuve de patience pour espérer un mariage réussi et béni », ajoute-t-elle.
Des jeunes mariées parlent de leur expérience sur la mise de henné
Mme Naima Souley, une jeune mariée raconte ses moments inoubliables de mise de henné. « Dans notre tradition haoussa, chaque fille qui se marie pour la première fois doit subir ce rituel. C’était un des moments forts et inoubliables pour mon mariage. C’était aux environs de 18h que la vieille femme venue de mon village uniquement pour la circonstance m’avait conduite dans une douche pour la mise de henné sur le corps, un henné préparé et parfumé par les anciennes, les sages et les savantes de la famille. Après cette étape, elle m’avait rhabillée et m’a couverte d’un drap communément appelé carreau-carreau tout en récitant des louanges de la cérémonie. Ensuite, en sortant de la douche, on a exécuté des pas de danse traditionnelle avec son assistante qui d’ailleurs me taquinait et me faisait des petites tapes sur le corps », confie Naima.
Saadia, elle, souligne que c’était une étape très cruciale de sa vie. « J’ai pleuré comme je ne l’ai jamais imaginé. Cette mise en henné m’a fait sentir une femme responsable et prête à entamer une nouvelle vie. Pendant une semaine, les filles d’honneur ont bien pris soin de moi. Je me suis retrouvée avec un joli teint et très bien parfumée » dit-elle.
Pour Ramatou Saley, une jeune mariée, ce rituel ressemble à un conte de fée. « On ne m’a rien fait soi-disant qu’il n’existe pas de rituel de mise de henné dans la tradition zarma. J’ai dû payer auprès d’une dame qui vend des produits cosmétiques, un kit de gommage pour m’arranger le corps », a-t-elle conclu.
Salima H. Mounkaila (ONEP)