
Colonel Boubacar Soumana Garanké
Intimement liée au processus de la décentralisation, l’Association des Municipalités du Niger (AMN) tient cette année la 11ème édition des journées des communes du 23 au 25 juin 2025 à Zinder. M. le Président, quelle est pour l’AMN la particularité de cette édition des journées des communes qui se tient dans un contexte où les collectivités ont à leur tête des Administrateurs Délégués ?
Permettez-moi, avant de répondre à cette question de vous remercier très sincèrement pour l’opportunité offerte et ensuite de vous exprimer tous mes encouragements pour l’engagement de votre journal à informer et éveiller au quotidien la conscience individuelle et collective des populations nigériennes. Cela démontre une fois de plus tout le mérite d’être attentif à vos sollicitations surtout que votre journal constitue une aubaine pour moi de mieux faire connaître l’Association des Municipalité du Niger.
Comme vous l’avez si bien dit, notre Association, faîtière des 255 municipalités du Niger, est actuellement dans le processus de la tenue de la 11ème Édition des Journées Nationales des Communes du Niger, plus exactement du 23 au 25 juin 2025 dans la Capitale du Damagaram, Zinder .
A travers vos lignes, je voudrais dans un premier temps présenter brièvement l’Association des Municipalités du Niger, (AMN).
L’Association des Municipalités du Niger (AMN) est une mutation à partir de 2005 de l’Association des Villes et Communes du Niger (AVCN) créée depuis 1989. Cette mutation est en parfaite adéquation avec la grande réforme décentralisatrice des années 2000 qui marque l’avènement de la communalisation intégrale.
L’AMN est aujourd’hui composée de 255 communes (214 communes rurales ; 37 communes urbaines ; 4 communes à statut particulier ou Villes composées de 15 Arrondissements communaux).
En tant qu’organisation d’utilité publique au service des municipalités, l’AMN a pour mission de « promouvoir le développement durable par le renforcement des capacités organisationnelles, institutionnelles et opérationnelles des municipalités du Niger » et son objectif général est de contribuer à la promotion du développement local intégré et équilibré, par le renforcement des capacités organisationnelles et opérationnelles des Communes à travers son triptyque : Solidarité, Gouvernance, Développement.
Depuis le 8 octobre 2024, l’AMN a un nouveau Bureau Exécutif National (BEN-AMN) dirigé par ma modeste personne.
Mon ambition personnelle, qui est d’ailleurs celle de toutes et tous les membres dudit Bureau, est de faire de l’AMN un véritable outil de Solidarité, de Gouvernance et de Développement mais également un levier dans la marche de souveraineté et de développement de notre pays et de la Confédération AES.
Au-delà du BEN-AMN, notre Association, pour être plus performante en matière de plaidoyer pour un meilleur devenir des collectivités territoriales, vient de se doter tout récemment d’un bras armé dénommé « Réseau des Femmes Autorités Locale du Niger » qui aura pour défi, d’une part, d’aider l’AMN à atteindre ses objectifs et, d’autre part, d’aider le BEN AMN dans les processus de négociation, de plaidoyer, de mutualisation mais aussi de l’intégration des peuples de la Confédération AES.
Voilà. J’ai tenu à faire cette petite présentation de l’AMN avant de revenir à votre question.
Cette Édition des journées des communes du Niger est particulière de part d’abord le contexte national marqué par les événements du 26 juillet 2023 et l’avènement du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie qui a donné des nouvelles orientations à notre pays avec un accent irrévocable sur sa souveraineté absolue dans une ère de Refondation totale de la République. Ensuite, la gestion des entités décentralisées par des Administrateurs Délégués au nombre actuellement de 215 dont 15 femmes qui ont pour mission (i) d’insuffler une nouvelle dynamique au niveau local ; (ii) de mieux répondre aux aspirations légitimes des populations ; (iii) de contribuer à la sécurité nationale ; (iv) d’assurer la bonne gouvernance notamment en matière de finances des Collectivités Territoriales et enfin (v) de contribuer à la recherche de la vraie unité dans la prise en compte des aspirations des populations. Et, il y a le contexte confédéral en cours au niveau de Confédération Alliance des Etats du Sahel.
Cette Édition est d’autant plus particulière pour nous Administrateurs Délégués, en ce sens qu’elle nous permet de faire le bilan d’un an de gestion des communes, de partager nos expériences et bonnes pratiques mais également de porter un regard critique sur l’organisation et le fonctionnement des différentes communes, mais aussi d’interpeller l’État et les partenaires sur les besoins des communes en matière de financement, de formation, de logistique et d’équipement, entre autres.
Au-delà du thème central « La Gouvernance locale dans le contexte de la Refondation de la République », d’autres thématiques d’actualité seront de l’agenda de ces journées notamment, celles relatives à la sécurité et la cohésion sociale, la bonne gouvernance et l’amélioration de la croissance économique et de l’emploi.
Exceptionnellement, une foire sera dédiée pour mettre en exergue toute la créativité des acteurs locaux dans le développement local mais aussi dans la dynamique de souveraineté alimentaire.
En fait, il s’agira des journées stratégiques pour la construction d’un Niger plus fort, à partir de ses bases locales qui tiennent compte des enjeux majeurs du moment, tant au niveau national sous la guidance du Général d’Armée Abdourahaman TIANI, Président de la République, Chef de l’Etat, que du niveau de la Confédération Alliance des Etats du Sahel.
Donc la 11ème Edition dans ce contexte est tout un symbole et une référence pour l’AMN et ses membres mais également pour tous les acteurs dont en premier les populations.
Au-delà du thème central de cette 11ème édition des journées des communes, quelle place est réservée dans le programme de ces assises aux préoccupations des populations en ce qui concerne notamment les services qu’elles attendent des collectivités et de l’État ?
Comme vous le savez, les communes sont les collectivités territoriales de base qui par essence sont chargées des intérêts communaux et assurent les services publics de proximité répondant aux besoins de la population et qui ne relèvent pas, de par leur nature et leur importance, des compétences de l’Etat dans le contexte actuel. C’est à ce titre qu’elles jouissent de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Aussi, pour l’exercice de leurs missions et compétences, chacune des communes dispose d’un budget, d’un personnel et d’un patrimoine qui lui sont propres.
Il faut comprendre l’essentiel de la mission des Administrateurs Délégués en tant que Soldats de la Refondation qui d’ailleurs sont sous double contrat (un contrat moral avec les populations et contrat de performances avec le pouvoir central). Il s’agit de satisfaire l’intérêt général, procurer un bien-être à toutes les populations des 255 communes du Niger, donc à toute la population du Niger.
Le thème central est orienté exclusivement sur la satisfaction des préoccupations des populations pour un mieux-être. Si je parlais tantôt de faire le bilan de la gestion des Administrateurs Délégués, soyez-en sûr que tout, absolument tous les échanges, débats, partages d’expériences et de pratiques jusqu’à la présentation des produits locaux au niveau de la foire ne sont qu’exclusivement orientés vers les attentes des populations et la satisfaction de ces attentes-là.
Je puis vous assurer que durant cette année de gestion de nos communes sous l’ère de la Refondation, malgré les difficultés rencontrées de part et d’autre, beaucoup de résultats en matière d’offre de services sont enregistrés avec de la qualité surtout et cela dans plusieurs domaines de la vie locale tels : éducation, santé, approvisionnement en eau, amélioration du cadre vie, participation citoyenne, promotion des jeunes et des femmes, cohésion sociale, agriculture, élevage, bref en matière de développement local tout court et personne n’est laissé pour compte.
Mieux, la grande satisfaction pour l’AMN et pour l’Etat est le regain progressif de confiance entre les populations et leurs administrations. Toute une fierté pour l’AMN.
Je ne vais pas vous donner des statistiques des réalisations ou des témoignages forts des communautés, je vous inviterai plutôt à participer à nos assises afin de constater de vous-même de quoi je parle.
Pour ce qui est de la prise en charge des besoins des populations, quelle appréciation portez-vous au niveau de l’AMN à la question des transferts des compétences et des ressources aux collectivités territoriales par le gouvernement central ?
Question cruciale, mais sans a priori et je me permets de vous éclairer à ce sujet.
Dans sa portée, le transfert des compétences pose avant tout la question de redistribution des pouvoirs à l’intérieur de la sphère publique. C’est pourquoi, quelle que soit sa nature, il s’opère exclusivement de l’Etat en direction des collectivités territoriales par blocs de compétences et selon le principe de subsidiarité.
En application du principe de subsidiarité comme base de répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales (article 158 du CGCT), le Code Général des Collectivités Territoriales dresse à son article 163, une liste de dix-huit (18) domaines dans lesquels les communes peuvent bénéficier d’un transfert de compétences de l’Etat. A ces domaines exhaustivement énumérés, s’ajoute tout autre domaine que l’Etat juge utile de transférer aux collectivités territoriales.
Aussi, il vous souviendra que depuis la Directive N°104/2014/CAB/PM du 11 août 2014 portant modalités de transfert de compétences et de ressources de l’Eta aux Collectivités Territoriales, quatre domaines, à savoir Education, Santé, Hydraulique et Environnement, ont fait objet de transfert autant des compétences propres des Collectivités territoriales exercées par l’Etat que d’autres compétences identifiées.
Ces dernières ont été matérialisées dans un plan de transfert des compétences et des ressources de l’Etat aux Collectivités Territoriales 2018-2021 adopté par Décret N°20186008/PRN/MI/SP/D/ACR du 5 janvier 2018.
En se référant au Rapport consolidé de mise en œuvre du dudit Plan au titre des années 2018 et 2019 et qui a été finalisé en novembre 2020, il ressort que malgré la mise en œuvre du plan de transfert des compétences et des ressources de l’Etat aux Collectivités Territoriales, les communes ne perçoivent pas clairement leurs rôles et mieux les effets de cette dynamique. En effet, malgré la définition des contours des compétences des communes et même la précision des modalités de leur transfert, dans la pratique, les problèmes relevés renvoient tous à la question du transfert de l’exercice, autrement dit à la responsabilisation effective des communes, ce qui pose à juste titre la question de l’opérationnalisation du transfert des compétences et des ressources de l’Etat aux collectivités territoriales. Le bilan qui en a été fait et ce que nous vivons aujourd’hui encore au niveau de l’ensemble des communes du Niger ne change pas à priori cette tendance.
Sur les quatre domaines considérés, 34 compétences ont été transférées au niveau communal (9 dans le domaine de l’éducation primaire et de formation professionnelle et technique ; 3 dans le domaine de la santé publique ; 11 dans le domaine de l’hydraulique et de l’assainissement et 11 dans le domaine de l’environnement). Le plan de transfert des compétences et des ressources qui est censé être un processus participatif et itératif et qui doit confirmer les communes dans ce qu’elles savent déjà faire n’a malheureusement pas été perçu comme tel par de nombreux acteurs censés le comprendre et accompagner sa mise en œuvre.
Aujourd’hui, avec la suppression de la Région, collectivité territoriale, le manque de mise à jour du plan lui-même qui est arrivé à échéance depuis 2021 et des nouveaux enjeux de la Refondation de notre pays, une nouvelle dynamique doit être pensée car le plan de transfert des compétences et des ressources est un processus qui tire son essence des textes et documents de politiques nationales qui aujourd’hui sont entrain d’être changés progressivement pour tenir compte de la Refondation de la République.
A ce titre, l’AMN a déjà inscrit dans son Plan de Travail et Budget Annuel 2025, des actions visant (i) à renforcer et poursuivre le plaidoyer pour le transfert effectif de compétences et de ressources aux communes ; (ii) à développer des actions de plaidoyer pour l’abondement de ressources financières conséquences aux communes.
Comme je le disais à l’entame de ce cet échange, l’AMN est entrain de muter pour devenir un cadre associatif efficace apte à accompagner la marche de la Refondation de la République du Niger et à faire prendre en compte le point de vue du « local » dans la conception et la mise en œuvre des politiques publiques. Je jouerai mon rôle, l’AMN le fera, les communes du Niger le feront et plaise à Dieu chacun des acteurs comprendra et jouera son rôle pour un Niger véritablement indépendant et prospère.
Monsieur le président de l’AMN, concernant précisément les plans de développement et d’actions des collectivités territoriales, y aura-t-il au sortir des travaux de ces journées des communes des recommandations fortes pour la mobilisation des moyens et ressources nécessaires à la mise en œuvre de ces importants instruments de planification locale ?
Comme je vous le disais tantôt, les communes sont les collectivités territoriales de base qui par essence sont chargées des intérêts communaux et assurent les services publics de proximité répondant aux besoins de la population. Elles doivent obligatoirement satisfaire l’intérêt général donc à procurer un bien-être à toutes les populations. Vous conviendrez avec moi que c’est un défi, et pour relever ce défi, il faut une bonne organisation et une bonne valorisation et une bonne gestion des ressources de tous ordres (naturelles, humaines, matérielles, etc.). Donc, il faudra pour chacune des communes pour développer son territoire, une vision communale qui doit être concrétisée à travers la conception, la programmation et la mise en œuvre des actions de développement économique, éducatif, social, et culturel d’intérêt communal.
Et n’oublions pas aussi que les communes concourent avec l’Etat à l’administration et à l’aménagement du territoire, au développement économique, social et culturel ainsi qu’à la protection de l’environnement, à la mise en valeur des ressources naturelles et à l’amélioration du cadre de vie.
Avec le contexte sécuritaire, avec l’état de développement des différentes communes prises individuellement, avec les nouvelles orientations nationales et forts de la vision du Président du CNSP, forcement des leçons seront tirées de la gestion et du développement des communes et obligatoirement des recommandations seront formulées. Par conséquent, les outils de planification locale seront actualisés avec bien sûr tous les mécanismes permettant la mobilisation des ressources et leur mise en œuvre. N’oublions surtout pas que la commune est d’abord son propre bailleur de fonds. Ce n’est pas pour rien que chacune des communes dispose d’un budget, d’un personnel et d’un patrimoine qui lui sont propres.
Monsieur le président, quel appel avez-vous au nom de l’AMN aux populations à la veille de la tenue des journées des communes ?
Mon appel aux populations nigériennes est très simple et porteur : « Seul, on peut aller vite ; Ensemble, on peut aller loin ».
Le développement de nos territoires est une obligation qui interpelle et qui appelle la participation de toutes les nigériennes et tous les nigériens.
C’est le lieu de rappeler que toute nigérienne et tout nigérien a une attache avec le local, avec une des 255 communes du Niger, donc avec la REPUBLIQUE.
A chaque habitant d’une commune, par devoir et par patriotisme, de s’assumer et de s’assurer également en se donnant en tant que citoyen, en tant que contribuable et en tant qu’usager afin que les communes deviennent des Institutions locales crédibles, des espaces porteurs de dynamiques de développement local assurant les services publics de proximité répondant aux besoins de la population.
Chacune et chacun de nous se doit de jouer sa partition de façon individuelle, collective et organisée. C’est cela, entre autres, participer à la Refondation et la sauvegarde de la souveraineté nationale.
L’honneur de la Patrie doit s’affirmer à travers les actes positifs et porteurs de chacune des filles et chacun des fils du Niger qui par essence est fille ou fils d’une commune.
Interview réalisée par Souley Moutari (ONEP)