
Adjudant-Chef Ibrahim Alzouma
Situées dans la région de Dosso, les Communes Rurales de N’Gonga et Fakara font face à de nombreux défis en matière de développement. Elles sont confrontées notamment à une insuffisance d’infrastructures de base, un accès limité aux services sociaux et à une faible mobilisation des ressources. Dans cet entretien, l’Administrateur Délégué des deux communes, Adjudant-Chef Ibrahim Alzouma, revient sur les priorités actuelles de ces deux entités, les projets en cours, les efforts de mobilisation communautaire et les perspectives envisagées pour faire émerger ces territoires à fort potentiel.
Monsieur l’Administrateur Délégué, présentez-nous les communes de Fakara et N’Gonga en quelques mots.
La Commune Rurale de N’Gonga est située dans le département de Boboye, région de Dosso. Elle couvre une superficie de 375 Km². Elle compte 33 villages administratifs, 44 hameaux et 8 groupements pour une population estimée à 40.246 habitants composée de 19.935 hommes et 20.311 femmes ; la densité est de 88,87 habitants au km².
Quant à la Commune rurale de Fakara, elle couvre une superficie de 606 km2 avec quatorze (14) Villages Administratifs et plusieurs hameaux pour une population estimée à 24.180 en 2022 avec un taux d’accroissement censitaire de 4,2% (enquête source PLEA 2019). La densité est estimée à 39,96 habitants au km2.
Deux principales activités productives caractérisent la vie de la population des 2 communes : l’agriculture et l’élevage. Ces deux activités font vivre presque toute la population et, dans une moindre mesure, le commerce et l’artisanat sont présents.
Quelles sont les priorités actuelles des communes en matière de santé, d’éducation, d’eau et d’infrastructures ?
Les priorités actuelles des communes s’articulent autour de plusieurs axes majeurs. En matière d’éducation, il s’agit d’assurer la fonctionnalité des écoles en travaillant à l’amélioration des taux d’accès, de fréquentation et de maintien des élèves dans le système scolaire. Il s’agit aussi de combler le déficit d’enseignants en soutenant les initiatives locales telles que le recours à des enseignants communautaires ou bénévoles ; améliorer les conditions d’apprentissage par la construction progressive de classes en matériaux définitifs, en remplacement des paillotes ; doter les établissements scolaires en matériels didactiques, aussi bien collectifs qu’individuels, pour renforcer la qualité de l’enseignement ; promouvoir l’alphabétisation et la formation continue des adultes, considérées comme des leviers essentiels de développement local et de réussite de la décentralisation ; renforcer l’ implication de l’État et des partenaires techniques et financiers.
En matière de santé, le système de santé de la commune de N’Gonga reste largement insuffisant pour répondre aux besoins de la population. Il est constitué de deux Centres de Santé Intégrés (CSI) de type I, d’un CSI de type II, de neuf cases de santé, d’un dépôt pharmaceutique communautaire, ainsi que de trois pharmacies privées. Cependant, ces infrastructures sont numériquement insuffisantes et souffrent d’un manque criant d’équipements, de personnel médical et paramédical qualifié. Face à cette situation, les priorités sont de renforcer la couverture sanitaire en transformant progressivement les cases de santé en CSI ; doter les CSI existants d’ambulances ; améliorer les ressources humaines, tant sur le plan quantitatif que qualitatif, en recrutant davantage d’infirmiers diplômés d’État, de sages-femmes et de médecins.
En matière d’accès à l’eau, dans les communes rurales de Fakara et de N’Gonga, l’accès à l’eau potable reste un défi majeur freinant le développement socioéconomique. Les infrastructures hydrauliques existantes sont limitées et souvent insuffisantes pour répondre aux besoins des populations. Pour y remédier, il est indispensable d’investir dans l’exploitation des Equipements de Qualité Potentiellement Exploitables pour l’Eau (EQPEM), dont un nombre important a été identifié et dans l’amélioration de la desserte en eau potable à travers la création ou la réhabilitation d’ouvrages hydrauliques adaptés aux besoins des communautés rurales.
Concernant les eaux de surface, la commune de N’Gonga est traversée par la grande vallée du Dallol Bosso, qui domine le paysage hydrographique local. On y trouve de nombreux bas-fonds, appelés localement «gorou», qui, après la saison des pluies, se transforment en zones de stagnation d’eau, donnant naissance à des mares permanentes ou semi-permanentes. Ces plans d’eau jouent un rôle important pour les communautés riveraines. Ils servent à l’irrigation des cultures, notamment le riz, le maraîchage et l’arboriculture, mais aussi à l’abreuvement du cheptel et parfois à des activités de pêche. Ce potentiel agricole et halieutique constitue un levier de développement que nous envisageons valoriser au mieux.
Cependant, une contrainte majeure limite leur pleine valorisation : la forte teneur en natron (carbonate de sodium) présente dans les eaux de certaines mares. Cette richesse en sels minéraux, bien que naturelle, nuit à la productivité agricole et freine certaines utilisations.
En matière d’infrastructures, on peut citer l’insuffisance d’infrastructures agricoles et d’élevage, la faible couverture du réseau électrique et de téléphonie mobile, limitant l’accès à l’électricité et aux communications et le manque d’infrastructures dédiées à l’épanouissement des jeunes, telles que des centres culturels ou sportifs.
En termes d’infrastructures routières, les communes sont traversées par la route nationale N°1 dans sa limite ouest pour N’gonga et extrême nord pour Fakara sur une quinzaine de kilomètres, notamment au niveau des villages de Koddo (Fakara), Darsalam, Madina et Diawando , dans la partie Est de N’gonga par la route nationale N°25 sur 5 kilomètres au niveau du village de Kalla-Paté. Elles disposent de deux (2) routes latéritiques, la première reliant N’gonga à la RN1 à partir de Margou sur 9 kilomètres et la seconde relie Kannaré à la RN1 à Koddo sur 8 kilomètres.
Le transport au sein des communes est principalement assuré par des charrettes, des motos et dans les rares cas par des véhicules (dogon baro) souvent vétustes, rares, limitant la mobilité des populations et l’accès aux marchés et services essentiels.
Quelles sont les initiatives locales pour encourager les femmes et les jeunes à entreprendre dans ces communes ? Y a-t-il des projets d’ONG, de l’État ou des partenaires techniques qui soutiennent le développement local ?
Dans les communes de N’Gonga et de Fakara, plusieurs initiatives locales ont été mises en place pour encourager les femmes et les jeunes à entreprendre. La mairie, en collaboration avec les ONG présentes sur le terrain, assure l’encadrement de ces groupes de femmes pour l’exploitation de sites agricoles aménagés. Parallèlement, des actions de sensibilisation sont menées au sein des communautés afin de promouvoir les investissements porteurs, notamment à travers les groupements féminins et les structures de jeunes, toujours avec l’appui des partenaires techniques. Les jeunes sont également organisés dans des activités génératrices de revenus telles que le transport à moto (taxis-motos), qui constitue une alternative économique accessible. Enfin, il y’a des campagnes de sensibilisation visant à mobiliser la diaspora, afin qu’elle investisse dans des projets structurants au bénéfice des deux communes.
Quelles difficultés rencontrez-vous pour la mise en œuvre des projets de développement économique ?
La mise en œuvre des projets de développement économique dans les communes de N’Gonga et de Fakara se heurte à plusieurs difficultés majeures. La principale contrainte réside dans la faiblesse des ressources financières locales, conséquence directe de l’étroitesse de l’assise économique. Chaque commune ne dispose que d’un seul marché hebdomadaire, ce qui limite considérablement les recettes fiscales. La mobilisation des taxes reste également très faible. De plus, le tissu partenarial est peu étoffé, avec très peu d’ONG et de projets de développement présents sur le terrain pour accompagner les efforts des autorités locales. Ces limites freinent les ambitions de développement durable et inclusif.
Monsieur l’Administrateur Délégué, quelle est la situation du foncier rural dans vos communes ? Quels types de conflits fonciers surviennent généralement et comment sont-ils résolus ?
La gestion du foncier rural repose sur un dispositif structuré autour des Commissions Foncières Communales (COFOCOM), appuyées par des Commissions Foncières de Base (COFOB) qui assistent l’Administrateur Délégué à accomplir sa mission dans le domaine du foncier rural conformément au manuel de procédures de gestion des ressources naturelles rurales renouvelables. La commission foncière assure l’expertise sur les ressources foncières afin de prévenir les risques de conflits fonciers et permettre une utilisation harmonieuse, efficiente et équilibrée des espaces et ressources naturelles pour un développement durable.
Les conflits fonciers les plus fréquents dans ces communes incluent des litiges entre agriculteurs, entre agriculteurs et éleveurs, entre éleveurs, ainsi que des différends intrafamiliaux et interfamiliaux.
Aucun incident majeur n’a été enregistré, le seul cas de mésentente qui a nécessité une expertise de la Commission foncière départementale COFODEP a été géré grâce à une médiation conjointe avec la mairie. Et le terrain en litige a été réintégré au domaine public puis redistribué, illustrant l’efficacité de ce système de gouvernance foncière participative.
Quels sont les grands projets ou ambitions que vous avez pour Fakara et N’gonga dans les années à venir ?
Dans les années à venir, les communes de Fakara et de N’Gonga aspirent à impulser un développement local durable et inclusif. Pour ce faire, nous envisageons de mobiliser davantage de partenaires au développement, afin de pallier le manque actuel d’interventions extérieures et de soutenir les initiatives locales. Nous allons aussi promouvoir une gouvernance locale efficace, en renforçant la transparence et en incitant la diaspora à investir dans des projets structurants pour les communes. Nous voudrons également renforcer les capacités économiques des communes, en améliorant la mobilisation des ressources propres et en assainissant les finances locales. Nous comptons par ailleurs développer les compétences des ressources humaines, pour assurer une exécution efficiente des tâches quotidiennes et une meilleure gestion des services publics. Nous allons aussi assurer une gestion durable des ressources naturelles, en mettant en place des pratiques respectueuses de l’environnement et en valorisant les potentialités locales ; nous allons en outre intensifier les productions agro-sylvo-pastorales et halieutiques, afin de garantir la sécurité alimentaire et de créer des opportunités économiques pour les populations. Enfin, nous allons favoriser l’insertion socio-professionnelle des femmes, des jeunes et des personnes vulnérables, en soutenant l’entrepreneuriat et en développant des programmes de formation adaptés.
Propos recueillis par Aminatou Seydou Harouna (ONEP), Envoyée spéciale