
Le Grand Chancelier des Ordres Nationaux du Niger, répondant aux questions de notre reporter
Monsieur le Grand Chancelier des Ordres Nationaux, pouvez-vous expliquer à nos lecteurs ce que représente la Grande Chancellerie des Ordres Nationaux du Niger, l’une des plus anciennes institutions du pays, mais qui ne semble pas assez connue du grand public ?
Merci pour l’occasion que vous me donnez de répondre à cette question et lever par la même occasion l’équivoque qui persiste sur la date de création de la Grande Chancellerie des Ordres Nationaux (GCON). Mais avant, permettez-moi de parler des Ordres Nationaux. En effet, les Ordres Nationaux sont les plus hautes distinctions qu’un pays décerne à ses citoyens et aux ressortissants étrangers pour récompenser les mérites éminents ou distingués dans tous les secteurs d’activités. Ils sont organisés en différents grades et sont principalement décernés par le Président de la République, Grand Maître des Ordres Nationaux. Il peut déléguer ses pouvoirs aux ministres ou à toute autre autorité administrative publique.
Pour le cas de notre pays, nous avons au total 16 distinctions dont l’Ordre National du Niger qui est la plus ancienne et la plus haute distinction. Cet Ordre a été créé suivant décret N°59-206/MJ du 14 décembre 1959 pour récompenser les services éminents rendus à la République du Niger.
Aussi, le décret N°61-130/PRN du 24 juillet 1961 est intervenu pour réorganiser cet Ordre et fixer sa prérogative. Dans le même temps, un Conseil des Ordres a été mis en place avec un mandat de cinq (05) ans pour ses membres.
En 1962, et suivant décret N°62-08/PRN en date du 7 février 1962, le Président de La République nomme M. Diallo Ousmane Bassarou, Grand Chancelier, cumulativement avec ses fonctions de ministre de la justice. Il devient ainsi, le premier à être nommé Grand Chancelier.
La création et la gestion d’autres Ordres ont ensuite suivi sous la responsabilité des Grands Chanceliers qui seront au fur et à mesure nommés. Il a fallu attendre l’année 1991 sous la conduite du Gal Dupuis Henri Yacouba, 8éme Grand Chancelier, pour que l’Institution dont il est question reçoive la dénomination de Grande Chancellerie des Ordres Nationaux suivant décret N°91-007/PRN/CHAN du 28 janvier 1991.
Voilà ce que nous pouvons brièvement apporter comme éclaircissement sur la création de la Grande Chancellerie, qui a connu à ce jour douze (12) Grands Chanceliers, dépositaires des médailles.
Pour répondre brièvement à votre question par rapport à ce que représente la Grande Chancellerie, la plus ancienne de toutes les Institutions logées à la Présidence, il faut dire qu’elle se porte bien et se consolide dans la promotion du mérite et de l’excellence, sous la haute autorité de Son Excellence Monsieur le Président de la République, Grand Maître des Ordres Nationaux.
Elle s’organise sous la conduite d’un Grand Chancelier des Ordres Nationaux nommé par décret du Président de la République, Grand Maître des Ordres Nationaux. Le Grand Chancelier est assisté d’un Conseil des Ordres Nationaux composé de 7 membres dont 5 nommés par décret du Président de la République, Grand Maître des Ordres Nationaux, du Grand Chancelier, président dudit Conseil et du Secrétaire Général assurant le secrétariat du Conseil ainsi que d’une administration composée d’un Secrétariat Général et d’un Cabinet.
Cet arsenal juridique et institutionnel qui se déploie sous la responsabilité du Grand Chancelier des Ordres Nationaux, chargé de préparer et de mettre en œuvre la politique du Gouvernement relative à l’administration et à la discipline des Ordres Nationaux, se fait conformément à l’article 4 du décret N° 2014-722/PRN du 24 novembre 2014, portant organisation de la Grande Chancellerie et fixant les attributions du Grand Chancelier, et s’exerce autour de 16 Ordres dont : l’Ordre National du Niger ; l’Ordre du Mérite du Niger ; la Médaille Militaire ; la Croix de la Vaillance (citation) ; la Médaille d’Honneur de la Santé Publique ; l’Ordre du Mérite Agricole ; la Médaille d’Honneur des Douanes Nigériennes ; la Médaille d’Honneur du Travail ; l’Ordre des Palmes Académiques ; la Médaille des Théâtres d’Opérations Extérieures ; la Médaille du Mérite Sportif ; la Médaille d’Honneur de la Police Nationale ; la Médaille du Mérite Ecologique ; la Médaille de la Culture, des Arts et de la Citoyenneté ; la Médaille de la Souveraineté Sarauniya Mangou ; la Médaille des Théâtres d’Opérations Intérieures « Tarha Nakal ».
Parmi les différentes distinctions honorifiques, la médaille d’honneur du travail attribuée aux salariés méritants semble la plus fréquemment évoquée ; avez-vous, monsieur le Grand Chancelier, à ce jour des statistiques concernant les personnes physiques récipiendaires de ces récompenses ainsi que leur secteur (public, parapublic, privé) ?
Merci de poser cette question de Médailles d’Honneur du Travail. Il est important tout d’abord de rappeler, comme vous l’évoquiez, la particularité de cette médaille décernée aux personnes relevant du secteur privé et régie par des instruments juridiques spécifiques dont le code du travail, la partie règlementaire du code du travail et la Convention collective interprofessionnelle, etc.
De prime abord, il faut dire que la médaille d’Honneur du travail, instituée par décret N° 67-126/PRN/MFP/T en date du 07 septembre 1957, n’est pas la plus fréquente. Il faut d’abord rappeler qu’en termes d’examen, pour la première fois, de dossier d’un Ordre quelconque créé, celui de la Médaille d’Honneur du Travail se classe 8éme après l’Ordre National, l’Ordre de Mérite National, la Médaille militaire, l’Ordre du Mérite agricole, la Médaille d’Honneur de la Santé, la Croix de la Vaillance et la Médaille d’Honneur de la Douane.
Ensuite, quant aux personnels du secteur public disposant de médailles, les effectifs se révèlent plus importants (y compris les Forces de Défense et de Sécurité(FDS) ainsi que ceux du secteur privé estimés à seulement 117 694 (source ANPE). Enfin, une seule session sur trois tenues annuellement par le Conseil des Ordres est dédiée à la Médaille d’Honneur du Travail.
Aussi, selon les statistiques observées à la Grande Chancellerie, il ressort clairement que les dossiers de demande de décoration à la médaille d’Honneur du Travail à l’occasion des sessions du Conseil des Ordres n’a guère dépassé huit cents (800) dossiers par session de sa création à aujourd’hui.
Par contre, rien que l’Ordre National et l’Ordre de mérite, plus de mille cinq cents (1 500) dossiers sont régulièrement enregistrés chaque année à l’occasion de chacune des deux sessions tenues pour la circonstance. D’ailleurs, après un travail d’actualisation des contingents mené en 2025 par les services de la Grande Chancellerie, il s’avère que le contingent annuel de la médaille d’honneur du travail est de mille(1 000) alors qu’il est de mille quatre cent cinquante(1 450) pour l’ordre national contre trois mille(3 000) pour l’Ordre du mérite. C’est dire que, de par les statistiques, la Médaille d’Honneur du Travail n’est pas la distinction la plus fréquente, mais elle dispose d’une prise en charge spéciale en ce qu’une session est organisée uniquement pour elle (1er Mai) avec une procédure de décoration qui lui est propre.
Après le dépôt des dossiers au Ministère en charge de l’Emploi une commission tripartie composée de représentant de la Grande Chancellerie, du Ministère de l’Emploi, des syndicats et du Patronat est installée. Cette commission vérifie les conditions de dépôt des dossiers et leur conformité à la réglementation. Après les travaux de la commission, les dossiers sont transmis à la Grande Chancellerie des Ordres Nationaux pour examen à la session du Conseil des Ordres Nationaux.
Y-a-t-il, monsieur le Grand Chancelier, au niveau du gouvernement ou de la Grande Chancellerie des Ordres Nationaux du Niger, un mécanisme pour recenser et honorer des personnes qui dans l’anonymat font des exploits, des actions constituant véritablement des services rendus à la Nation ?
Pour répondre à cette question, il faut comprendre qu’il y a deux voies par lesquelles les personnes physiques ou morales acquièrent la distinction avec chacune en ce qui la concerne une procédure appropriée. Il s’agit de la distinction à titre normal et de la distinction à titre exceptionnel.
Pour la première, la procédure débute avec une lettre d’ouverture de dépôt de dossiers appelant les personnes intéressées sur un délai d’un mois, adressée par le Grand Chancelier des Ordres Nationaux aux ministres et Présidents d’Institutions, ce, conformément à l’arrêté fixant les dates de dépôt des dossiers.
Les mémoires de propositions renseignés et portant les appréciations des supérieurs hiérarchiques concernant les candidatures sont ensuite adressées au Grand Chancelier des Ordres Nationaux par les responsables desdits Ministères et Institutions. Nous insistons sur le fait que la Grande Chancellerie des Ordres Nationaux ne peut recevoir des dossiers individuels ne portant pas le cachet de l’autorité de tutelle.
Le service des Décorations reçoit les dossiers et en rapport avec les autres services de la Grande Chancellerie procède à leur traitement. C’est seulement après que les dossiers aient été traités, que le Grand Chancelier des Ordres Nationaux, par ailleurs, Président du Conseil des Ordres Nationaux, convoque la session.
Après la clôture de la session, le Grand Chancelier des Ordres Nationaux transmet les délibérations à l’appréciation et à la décision du Président de la République, Grand Maître des Ordres Nationaux. La validation des délibérations du Conseil par le Président de la République, Grand Maître des Ordres Nationaux, se traduit par la signature de décrets portant nomination ou promotion aux Ordres Nationaux. Ainsi, lesdits décrets sont signés et publiés au Journal Officiel.
C’est après épuisement donc de la procédure que les admis s’adressent à la Grande Chancellerie pour retirer les Brevets de décorations ainsi que les médailles après avoir versé les droits de Chancellerie dont le montant varie selon les types de décoration et les grades.
Pour la deuxième procédure relative au titre exceptionnel, la demande est adressée par le Ministère de tutelle du concerné au Cabinet de la Présidence qui instruit éventuellement la Grande Chancellerie à procéder à la préparation de la distinction en élaborant le projet de décret et projet de brevet y afférents. La Grande Chancellerie transmet alors ces documents à la signature du Président de la République, Grand Maître des Ordres Nationaux.
Ces deux mécanismes permettent très bien, s’ils sont bien suivis, d’identifier ceux que vous appelez les gens qui travaillent dans l’anonymat et qui font des exploits. A titre d’exemple, un Gouverneur de région ou un préfet ou un maire, peut, dans la limite de sa compétence territoriale, identifier ces personnes dont vous parlez et les proposer à la décoration en s’adressant au Président de la République, Grand Maître des Ordres Nationaux, par voie hiérarchique. D’ailleurs, la Grande Chancellerie envisage déjà d’identifier ces genres de personnes en envoyant des correspondances à cet effet dans toutes les régions, pour que la médaille de la souveraineté Sarauniya Mangou leur soit décernée. D’ores et déjà, nous avons repartis des places pour les régions que nous vous ferons savoir dans les prochains jours.
Monsieur le Grand Chancelier, en ce qui concerne les personnes morales, quelles sont les conditions à remplir pour mériter une distinction honorifique pour services rendus à la Nation ?
Merci pour cette question également très pertinente. C’est vrai. Il faut relever tout de suite un constat qui est le fait que les personnes morales n’apparaissent pas beaucoup dans le champ des décorations et nous pensons que ce manque d’intérêt constaté vient d’une insuffisance d’information que nous assumons.
Pour parler de conditions à remplir pour mériter une distinction, nous disons que l’appréciation est faite à la mesure des actes posés et des actions menées ayant eu un impact positif majeur et certain sur la vie de la nation et pouvant être assimilés comme de grands services rendus à la nation. Nous enregistrons ces derniers temps des cas de personnes morales qui, dans le cadre de la Refondation, participent activement aux actions de refondation. Quelques-unes ont d’ailleurs fait l’objet de décoration. C’est le cas cette année de la Radiotélévision du Niger(RTN), la Centrale Électrique Marocaine, la Commune Urbaine d’Abalak.
Pour le cas par exemple des collectivités, elles peuvent être appréciées sur plusieurs plans. Elles pourraient demander la décoration pour avoir été par exemple la collectivité la plus propre ou encore celle qui a excellé dans le recouvrement des taxes et impôts surtout dans nos pays où l’incivisme constitue un obstacle au développement.
Bien d’autres actions importantes entrant dans le champ de services précieux rendus à la nation peuvent être entreprises par les personnes morales. Ces actions peuvent être reconnues par l’Etat qui décide éventuellement de les décorer.
La médaille d’honneur attribuée aux personnalités étrangères en fin de mission au Niger, a-t-elle une valeur spécifique, et y-a-t-il des critères à satisfaire pour en être récipiendaire ou bien il s’agit simplement d’un geste de civilité ?
Non, les décorations ne peuvent pas s’apparenter à de simples gestes de civilité même s’il est attendu dans les rapports entre les représentations diplomatiques que les normes de respect et de courtoisie soient suivies. Le respect est important parce qu’il crée un lien fondamental qui favorise la compréhension mutuelle et un environnement propice. Ainsi, les personnalités étrangères en fin de mission peuvent recevoir diverses décorations de l’Etat du Niger. Comme de tradition, une cérémonie d’au revoir est généralement organisée à l’honneur de la personnalité en fin de mission. Cela, pour lui signifier toute la reconnaissance pour sa parfaite collaboration et les éminents services rendus à la nation. Cela se traduit généralement par une décoration dans un des Ordres Nationaux.
La valeur spécifique de la décoration en l’espèce, c’est qu’elle traduit l’excellence des relations entre les deux Etats et constitue un geste de reconnaissance officielle pour son travail acharné et peut renforcer le prestige de la personnalité décorée.

Avec l’institution de nouvelles médailles d’honneur en 2024, la Grande Chancellerie des Ordres Nationaux du Niger a-t-elle mis à jour son répertoire de distinctions, et à ce jour combien y-a-t-il de récipiendaires de ces récompenses ?
Deux (02) médailles ont été créées en 2024. Il s’agit de la médaille de la Souveraineté Sarauniya Mangou et la Médaille des Théâtres d’Opérations Intérieures Tarha Nakal, respectivement par le décret N°2024-378/P/CNSP/GCON du 23 mai 2024 et le décret N° 2024-379/P/CNSP du 23 mai 2024.
La médaille de la Souveraineté Sarauniya Mangou récompense les personnes physiques ou morales qui se sont particulièrement distinguées par des actes de patriotisme, d’engagement et/ou de sacrifice pour la cause de la Souveraineté.
La médaille des Théâtres d’Operations Intérieures Tarha Nakal récompense le personnel des Forces de Défense et de Sécurité déployé sur les théâtres d’opérations intérieures et qui aura été désengagé de l’opération pour maladie ou blessure survenue en cours de mission. Elle est également décernée à titre posthume au personnel des Forces de Défense et de Sécurité décédé pendant le déploiement.
Comme vous pouvez le constater, ces deux médailles sont créées à point nommé et participent comme instruments juridiques à la lutte pour la reconquête de notre souveraineté dans un contexte marqué par la lutte acharnée contre les forces du mal dont le terrorisme et tous ceux qui sont engagés pour la déstabilisation de notre cher pays.
Pour la mise à jour du répertoire de distinction tenant compte des deux médailles en question, nous l’actualisons au fur et à mesure que nous recensons des décorations à ces deux médailles.
Monsieur le Grand Chancelier, au-delà de l’aspect honorifique, les distinctions attribuées par la Grande Chancellerie des Ordres Nationaux du Niger confèrent-elles à leurs récipiendaires d’autres avantages ?
Parlant des avantages, ils peuvent être à la fois moraux et/ou matériels. Déjà, être reconnu et honoré pour avoir rendu service à la nation génère une satisfaction morale chez le récipiendaire et par ricochet au sein de son entourage et, contrairement à ce que croient beaucoup de personnes, les membres des Ordres disposent d’importantes prérogatives.
Ainsi, conformément au décret N°91-007/PRN/CHAN du 28 janvier 1991, les membres des Ordres Nationaux sont admis à vie, sous réserve des dispositions réglementant la discipline des Ordres. C’est notamment le cas en cas de dégradation civique où la radiation est encourue de plein droit (article 26 du décret sus-évoqué). Cette sanction entraîne la perte de la qualité de membre et oblige le concerné à remettre sans délai les médailles et brevets à l’autorité administrative dont il relève.
Pour revenir aux prérogatives, les membres des Ordres Nationaux ont droit qu’il soit porté par les Officiers d’état civil sur les actes les concernant la mention du ou des grades qui leur ont été conférés dans l’Ordre. C’est le cas également dans toutes les correspondances officielles émanant d’un membre des Ordres, il a le droit de faire mention de ses grades dans l’Ordre à la suite de l’énoncé du grade, du titre ou de la fonction qu’il occupe dans un service public ou privé ou encore dans une institution coutumière.
Plus encore, les membres de l’Ordre National ont droit aux Honneurs militaires conformément aux règlements en vigueur. Les membres de l’Ordre National sont aussi exonérés des frais d’hospitalisation dans les formations sanitaires appartenant à l’Etat. Comme vous pouvez le constater, les membres des Ordres disposent d’innombrables et précieux avantages. Et, la Grande Chancellerie des Ordres Nationaux œuvre activement pour une effectivité desdits avantages. D’ores et déjà, des actions et démarches sont en cours pour une meilleure mise en œuvre des droits desdits membres des Ordres Nationaux.
Interview réalisée par Souley Moutari (ONEP)