
Dans un centre de santé à Konni
L’accès des populations aux structures sanitaires au Niger reste encore un défi. La Couverture sanitaire d’un pays est l’unité de mesure de l’accès de la population aux structures sanitaires ou l’effectif de la population vivant à moins de 6 km d’une formation sanitaire. De 2016 à 2022, le taux de couverture sanitaire n’a évolué que de 6,11%.
Selon le Plan de Développement Sanitaire du Niger 2021-2025, la politique sanitaire du Niger, vise particulièrement l’amélioration de la qualité des soins, l’égalité et l’accessibilité d’un plus grand nombre de personnes vulnérables (femmes, enfants, personnes handicapées, populations en zones rurales…) aux services de santé.
Pourtant, près de la moitié de la population qui vit en dehors des centres urbains a des difficultés à accéder aux formations sanitaires. Les populations en milieu rural sont les principales victimes de ce faible taux. Et dans cette catégorie, ce sont les femmes et les enfants qui en souffrent à cause de leur vulnérabilité. Mme Ali Zara du village Boultoum dans la région de Zinder affirme avoir parcouru, plus de 100 km pour se rendre dans un CSI afin de bénéficier d’une assistance pour accoucher son fils ainé, Ismaël. Selon elle, c’est dans des conditions atroces qu’elle a été transportée au CSI. « C’était très difficile. Nous avons quitté notre domicile vers 4h du matin pour arriver dans le village le plus proche où il y a un CSI. J’ai commencé le travail durant le trajet. Je pensais que j’allais mourir » se souvient la jeune dame.
Selon le Système National d’Information Sanitaire, la région de Zinder dispose de 801 établissements sanitaires au total, avec une prédominance du secteur public qui représente environ 90 % des infrastructures sanitaires. Les 719 établissements publics jouent donc un rôle central dans la couverture des besoins de la population. Cependant, le nombre relativement faible d’établissements privés (82) indique un accès limité aux services de santé pour ceux qui recherchent des options médicales alternatives ou spécialisées dans le secteur privé. Le nombre d’établissements sanitaires publics par rapport à la population totale donne un ratio d’environ 1 établissement public pour 7 607 habitants. Ce ratio est assez élevé, et pose des défis en termes de charge de travail pour chaque établissement, notamment dans les zones densément peuplées.
Zinder est la plus grande région du Niger en termes de densité humaine avec une population de 5 468 989 d’habitants depuis le recensement de 2012. Malheureusement, cette région enregistre un taux de couverture sanitaire très faible établi à 48 %. Ce taux est sensiblement faible par rapport à la couverture sanitaire nationale qui est de 54,42 %. Cette couverture sanitaire est assurée par un personnel, réparti dans 11 Districts Sanitaires implantés dans les 10 départements et la Ville de Zinder. Dans cette même région, il y a plus de 30 Centres de Santé Intégré dans lesquels il y a qu’un seul agent de santé en service.
Selon Dr Farouk Manzo, Directeur régional de la Santé de Zinder, le faible taux de la couverture sanitaire est un élément qui accentue la souffrance de la population à accéder aux services de santé alors que, la promotion de la santé et du bien-être des populations passe nécessairement par une meilleure couverture sanitaire. A ce faible taux s’ajoute la question des ressources humaines en qualité et en quantité, etc.
Le cas du département de Doungass, l’un des départements les plus peuplés du Niger qui ne dispose pas d’un hôpital de district est assez illustratif. « Nous sommes en train de faire le plaidoyer pour la construction d’un hôpital de District à Doungass. Nous sommes en train de faire ces mêmes plaidoyers pour que la Ville de Zinder soit dotée d’une structure sanitaire intermédiaire, ou réhabiliter l’hôpital de district (HD) avec un bloc opératoire pouvant prendre en charge les petites chirurgies, etc. Aujourd’hui, les agents sont envahis par la prise en charge des soins primaires, ce qui n’est pas intéressant et cela coûte cher aux patients », explique Dr Farouk Manzo, Directeur régional de la Santé de Zinder.
Pour les responsables de la structure faitière du secteur de la santé, la couverture sanitaire du Niger doit aller au-delà de 53% afin de mettre fin aux inégalités sociales et économiques, renforcer la stabilité, la justice sociale et contribuer au développement du pays. M. Samaila Mamadou, Secrétaire Général du Regroupement des ONGs et Association du Secteur de la Santé du Niger déplore la situation du secteur de la santé au Niger et la répartition des centres de santé. « L’idéal pour nous c’est d’atteindre 80 ou 90 % de couverture sanitaire. La construction des infrastructures sanitaires doit répondre à des normes. Elle ne doit pas se faire n’importe comment. Dans l’expansion de la couverture sanitaire, on ne tient pas compte de certains contextes socio-culturels », déplore-t-il.
Aujourd’hui encore, plus de 45 % de la population est entre 6 à plus 100 km d’un service de santé. Ce taux prouve la souffrance de la population pour accéder aux services de santé. Cette situation, difficile pour une population caractérisée par la pauvreté, est criarde dans les zones rurales. Pourtant, la promotion de la santé et du bien-être des populations passe nécessairement par une meilleure couverture sanitaire.
Alzouma Mahamadou, acteur de la société civile, membre de l’Association pour la Santé et le Développement ASD, estime que l’accès aux soins est véritablement un casse-tête pour certains. « Au Niger si tu résides dans certains milieux ruraux, tu dois parcourir une distance de plus de vingt km pour avoir des soins ou pour accoucher. Et si une femme doit parcourir 15,20 voire 100 km pour faire des consultations prénatales et postnatales ou des vaccinations, ça va être très difficile. Aujourd’hui, il existe une grande disparité en matière d’offre de santé entre les zones urbaines et rurales », déclare Alzouma Mahamadou.
(Couverture sanitaire par région du Niger en 2021 )
Pour une meilleure amélioration de cette couverture sanitaire, les acteurs proposent la réactualisation de la carte sanitaire du Niger, la révision des priorités en matière de santé, l’exécution des stratégies et plans, programmes et projets en matière de santé, le renforcement des structures en ressources humains, etc. « Pour une amélioration de la couverture sanitaire au Niger, il n’y a pas quatre (4) chemins à emprunter. L’Etat doit mettre suffisamment de ressources dans le domaine de la santé qui est un secteur crucial aujourd’hui. On doit s’investir pour le respect des engagements et œuvrer pour une souveraineté en matière de santé », suggère le Secrétaire Général du Regroupement des ONGs et Association du Secteur de la Santé du Niger du Niger M. Samaila Mamadou.
Abdoul-Aziz Ibrahim (ONEP)
NB : Cet article est réalisé dans le cadre du Programme de formation sur le journalisme de données (PJD-2è vague) dispensé par l’E-jicom Dakar