Depuis un certain temps il est constaté au niveau de plusieurs services publics des retards voire des absences non justifiées. C’est pour constater la réalité de la situation qu’une équipe de médias publics a, sur instruction de la Primature, fait le tour de certains Ministères. Lundi 8 octobre, il est exactement 7 h 45 mn ; c’est l’heure officielle à laquelle l’administration publique comme privée doit commencer à fonctionner. Les Ministères de la Fonction Publique et de la Réforme administrative, celui de l’Emploi, du Travail et de la Protection Sociale et celui des Transports, reçoivent la visite surprise d’une équipe de journalistes. Le but de cette visite est de voir si l’heure du début du travail est effectivement respectée par les agents de l’Etat. Même si les portes de ces différents Ministères sont grandement ouvertes, l’affluence des agents vers leurs bureaux est timide sinon inexistante ailleurs.
L’équipe des journalistes s’invite d’abord dans le cabinet de la ministre de la Fonction Publique et de la Réforme administrative, à 7 h 45 mn exacte, la ministre Kaffa Christelle Jackou, bien que surprise par cette intrusion inattendue est à son poste prête à démarrer sa journée de travail, au niveau de son bureau installé au 10ème étage de l’immeuble. Elle est seule avec son garde-corps. Les autres agents dudit Ministère ne sont pas encore arrivés, plusieurs minutes après l’arrivée de leur patronne. La même chose est observée au niveau du Ministère des Transport où le ministre accueille les journalistes avec un large sourire. « Qu’est ce qui explique cette visite matinale d’une équipe de médias dans nos bureaux », interroge le ministre Mahamadou Karidjo. « C’est pour constater le respect de l’heure de travail des agents de l’Etat », lui répond-on. « Personnellement, je me présente, chaque matin, à mon bureau à partir de 6 heures 30 minutes », répond fièrement le ministre Karidjo.
Une partie de son cabinet est aussi présente mais une grande partie des agents de ce Ministère répond encore absente après 8 heures. Cependant, au niveau du même immeuble l’équipe des journalistes a été surprise de remarquer l’absence d’un ministre, qui se reconnaitra sans doute ici. Mais, quelques agents sont présents aux environs de 8 heures 10 mn. Une source qui a requis l’anonymat confie aux journalistes que le ministre, dont il s’agit, n’arrive au bureau que vers 9 heures du matin donc plus d’une (1) heure quinze (15 ) minutes après l’heure normale de prise de service. Curieuse et étonné de constater que plusieurs bureaux sont fermés ou vides, l’équipe des journalistes poursuit son investigation. A exactement 8 heures 25 minutes, bureaux, ascenseurs, escaliers, couloirs tout est vide ou presque, seuls quelques rares agents occupent leurs bureaux où s’acheminent vers leurs lieux de travail. « Les agents de la Fonction publique sont partis à un enterrement», tente de justifier A. M, un agent croisé sur l’escalier.
Le constat est désolant, les services sont désespérément vides. Si certains prétextent le deuil pour déserter leurs bureaux, d’autres agents de l’Etat se cachent derrière les baptêmes, les mariages ou les courses des enfants, qu’ils disent amener à l’école, pour venir en retard au travail ou tout simplement s’absenter. Au moment, où ces agents vaquent à leurs occupations hors de leurs services, les usagers eux attendent patiemment tantôt dans les couloirs tantôt sur des bancs ou des chaises.
Des contrôles et des visites inopinées sont nécessaires
Face à cette situation de retard sinon d’abandon de lieu de travail, le gouvernement est interpellé car il ne doit plus rester inactif face à des pratiques
néfastes constatées au sein de l’administration nigérienne. Des pratiques qui ont pour noms : l’absentéisme des agents de l’Etat sur leurs lieux de travail, le manque d’engagement personnel, la contre production, etc. Ce diagnostic a été fait, rappelle-t-on, par le Premier ministre, Chef du gouvernement, Brigi Rafini, lors d’une rencontre qu’il a présidée, en septembre 2013, avec les Inspecteurs généraux des services, les Directeurs des Ressources Humaines des différents ministères et ceux des autres Institutions de l’Etat, en présence du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative de l’époque.
De ce constat ainsi dressé, le gouvernement avait décidé que des contrôles seront menés au sein de tous les services centraux et déconcentrés des Ministères par l’Inspection Générale des Services du ministère de la Fonction Publique et de la Réforme administrative et l’Inspection générale de la gouvernance administrative afin que les fonctionnaires de l’Etat se remettent véritablement au travail. A l’époque, le Président de la République SE Issoufou Mahamadou avait même initié des visites surprises au niveau de l’Administration. Visites qui furent interrompues depuis. Il reste que pour le gouvernement, il n’est plus question de tolérer de tels manquements et surtout le laxisme des fonctionnaires nigériens au moment où l’Etat a consenti d’énormes efforts pour revaloriser leur traitement salarial. Depuis leur arrivée au pouvoir en 2011, les Autorités de la 7ème République ont significativement augmenté la masse salariale et le nombre des agents de l’Etat notamment à travers des recrutements directs ou par voie de concours.
Toujours en 2013, dans le souci d’impulser une nouvelle dynamique à l’administration nigérienne, devenue «improductive», le gouvernement avait annoncé des sanctions qui seront infligées à tout agent qui ne respecterait pas le règlement en vigueur. A côté de ces sanctions, des récompenses seront accordées aux agents qui se montreront plus dévoués dans leur travail. Cinq ans après le constat est le même, les agents continuent de venir en retard ou de carrément déserter leurs services pour une raison ou pour une autre, souvent sans justification. Les visites qu’avaient entreprises le premier responsable de l’Administration, à savoir le Président Issoufou Mahamadou avaient eu le mérite de rappeler aux fonctionnaires de l’Etat qu’ils ont l’obligation contractuelle, morale et même religieuse de faire le travail pour lequel ils sont payés à la fin du mois. Car tous les y oblige : le contrat qui les lie à l’employeur qui est l’Etat et qui a financé leur formation, la morale et la religion qui imposent a tout agent de remplir sa part de contrat auquel il a librement souscrit et surtout de travailler pour produire parce que chaque jour chacun jouit des fruits du travail des autres.
L’homme est appelé à manger à la sueur de son front. Cependant depuis quelques années, les fonctionnaires n’accordent pas l’importance et toute l’attention requise à leur fonction dont ils tirent pourtant leur pitance quotidienne. Mais, cela n’est pas sans raisons, et ce sont ces causes qui se sont fortement enracinées dans nos mœurs, qu’il faudra identifier et combattre pour que chacun soit amené à jouer sa fonction à lui confiée par l’Etat et remplir sa part de travail attendue de lui par toute la collectivité. Comment en est-on arrivé à cet absentéisme et à cette désertion des bureaux pendant les heures de service ?
La part des nouveaux critères de promotion au sein de l’administration
Le travail est perçu dans la société comme le critère de promotion sociale et de réussite, de réalisation de soi autant que comme source de progrès et de richesse des nations. Dans les pays qui impriment au monde sa marche actuellement le volume horaire de travail journalier est le plus élevé. Les américains, les allemands, les japonais et les chinois, par exemple, travaillent en moyenne 16 h par jour, quelques fois jusqu’à 18h. Chez nous, surtout depuis l’avènement de la démocratie, l’esprit partisan s’étant installé, d’autres critères de promotion ont fait leur apparition. Ce sont les relations,
l’appartenance politique, la
corruption. » La connivence, à la place de la compétence « , comme dirait Sony Labou Tansi. De plus en plus la qualité du
service public est profondément affectée, pour ne donner que des mauvais résultats. Ce n’est donc pas étonnant que le rendement soit en régression. Car, ceux qui sont compétents, une fois découragés, ne vont plus s’adonner corps et âme pour que des arrivistes et des pistonnés en profitent.
Les nouveaux promus ne sont motivés que par les avantages matériels et le confort personnel qu’ils tirent de leur position, en oubliant royalement les responsabilités et les charges. Les
Nigériens ne sont désormais pas prêts à cautionner une telle injustice dans les promotions et les récompenses. Les corollaires de ces promotions sur d’autres bases que le travail, en s’appuyant sur la connivence, sont inévitablement la baisse de la qualité du travail et la négligence des missions à accomplir qui se traduisent par l’accueil exécrable et certaines mauvaises pratiques de certains agents que l’on remarque aujourd’hui dans les services publics. Il est regrettable de constater que le retard et l’absentéisme se propagent jusqu’au niveau de nos élus nationaux. Il n’est pas rare de voir notre assemblée nationale qui compte 171 députés, presque vide alors que l’ordre du jour en discussion est d’une importance capitale pour le pays. Tout cela doit changer dans l’intérêt du Niger. La Renaissance passe aussi par là.
Mahamadou Diallo