Bismillahi Alrahmane Arrahim
Monsieur le Ministre des affaires islamiques et de l’enseignement originel,
Mesdames et messieurs les ministres,
Son éminence, l’érudit, le Cheikh Abdullah Bin Beyyah, Président du Forum d’Abu Dhabi pour la Paix, Président du forum pour la promotion de la paix dans les sociétés musulmanes,
Mesdames et à Messieurs les ambassadeurs, Éminents Oulémas de toute l’Afrique, Mesdames et Messieurs,
Je voudrais remercier très sincèrement Cheikh Abdullah Bin Beyyah, Président du Forum d’Abu Dhabi pour la paix pour l’honneur qu’il me fait de me donner cette belle occasion de m’adresser à ce parterre prestigieux d’hommes de foi, d’hommes érudits pour parler de l’Islam et de la Paix telle que conçue par cette religion.
Ce débat est nécessaire, que dis-je?, il est urgent tant il est vrai aujourd’hui qu’au nom de l’islam, il se passe de par le monde tellement d’abominations. Ceux qui travestissent tant l’islam et qui en donnent une image internationale si négative, le font au nom d’une lecture du Coran aux antipodes de ce que ce texte délicat contient. Notre devoir est de battre en brèche toutes ces lectures perverses et les comportements hérétiques qu’elles génèrent afin de faire triompher le projet profondément humaniste de cette religion si éloignée de la caricature qui en est donnée.
Je suis particulièrement heureux que ce débat ait lieu en Mauritanie, matrice d’un Islam qui fut porté par des hommes tout aussi savants que dévoués et qui en ont assuré l’expansion dans tout le Sahel et bien au-delà. Cet Islam de la Mauritanie est le modèle authentique d’un islam qui ne fait aucune place à la violence et aux élucubrations théoriques qui lui servent de carburant.
Mesdames, Messieurs,
La salutation d’usage du musulman qui a introduit mon propos, revendique déjà l’intention pacifique qui est au principe de notre vie profane et sacrée. L’islam a en effet toujours prôné la paix et le respect entre les individus, entre les peuples et avec soi-même: la bienveillance à l’égard des peuples et des religions abrahamiques est un principe à la fois religieux et social. Même dans le contexte de la région d’Arabie du 7eme siècle, la paix entre les tribus fut requise, dans l’optique de mettre fin aux razzias pour la tranquillité des populations et de leurs activités économiques, notamment le commerce caravanier. L’islam a alors aussitôt institué un calendrier sacré qui proposait des trêves dans les différents conflits tribaux et commerciaux.
La tribu des Quraysh a joué à cet égard un rôle important dans le processus d’unification des tribus vivant des activités pastorales et de la razzia. Les retombées du commerce vont pacifier les conflits tribaux dans la région du Hidjâz, berceau de l’islam, particulièrement à la Mecque. Le principe du conflit n’avait certes pas disparu car des formes de violence ont persisté se traduisant par des pratiques d’asservissement, d’esclavage, et d’autres types de tensions, mais les mœurs s’étaient singulièrement pacifiées générant un sentiment de sécurité accru.
L’islam se fonde donc sur une demande de paix, d’amour, de bienveillance et de reconnaissance de la dignité humaine, sur une base de transcendance et de foi partagée. Il propose une société de paix et de concorde, par-delà les Arabes, à l’ensemble de l’humanité. En faisant de la science un impératif, à travers l’injonction à la lecture (Iqra !) l’islam crée les conditions pour éviter que la pratique de la foi ne soit en contradiction avec la bienveillance et l’humilité saintes qui sont indissociables de la paix.
De nombreuses Sourates insistent et révèlent en effet avec clarté les liens étroits entre paix et islam.
“ La vérité provient de notre Seigneur ; dis : celui qui veut être croyant, qu’il le soit et celui qui veut être incroyant, qu’il le soit” (Coran, Sourate 18, verset 29).
“ Pas de contrainte en religion” (Sourate 2, verset 256) ou encore “ Dieu n’aime pas les agresseurs” (Sourate 2, verset 290).
Ou cet autre verset dans lequel il est dit: “ les serviteurs du Miséricordieux sont ceux qui marchent avec modestie et qui répondent: Paix! Aux ignorants qui leur adressent la parole” (Sourate 25, verset 63).
Il n’est pas superflu de rappeler que les termes de Silm et Salâm, au sens de paix, concorde, par opposition à la guerre, reviennent dans 49 sourates. En effet la paix est au principe de la quête du musulman qui est tout sauf soumis: islam veut dire humilité, au sens où Socrate affirme le “ connais-toi, toi-même” comme éthique de l’humilité par le refus du péché d’orgueil et de vanité, et donc par reconnaissance réflexive des limites de l’humain fini.
L’ouverture à la tolérance et l’humilité procèdent d’une quasi-nécessité: la vertu du musulman est d’apprendre (Iqra) de façon à éviter de se penser au-delà de son créateur, comme cause première du Monde et de son être.
Pour bien comprendre cela, il faut se référer au sens conféré au mot Jihad, ce terme si galvaudé et si controversé de nos jours. L’acception de ce terme la plus répandue procède en vérité d’un malentendu car le Jihad consiste dans un effort et une quête avant tout personnels et spirituels. L’homme doit par le Ijtihad chasser en soi l’orgueil et la vanité afin de recevoir humblement la parole de paix dans l’âme et le cœur du musulman pacifié par la pratique et le rituel des obligations de la foi et surtout , apaisé par la présence du divin en lui et hors de lui.
Ce Jihad majeur, spirituel, qui diffère du Jihad mineur (qui se traduit par la guerre) permet de canaliser la violence des pulsions sataniques en l’homme et sublime les violences guerrières en ascèse spirituelle et en apprentissage incessant de la paix sociale, politique et psychique. Un musulman authentique est un homme de paix en quête de bienveillance pour que la pureté de son cœur l’ouvre à la quiétude et à la paix de Dieu, pour le plus grand bien de la Umma. La grande discorde ( Al fitna Al kebira) est celle qui fissure l’âme du croyant qui laisse alors la vanité terrestre parler en lui à la place de Dieu qui a déposé en son âme sa parole ( Kalam) par le biais du livre saint.
Ainsi, l’expression de la conversion : “ Aslam taslam” peut-elle s’entendre et se traduire en deux sens: “ soumets-toi, tu auras la vie sauve” ou “embrasse l’islam, tu seras en paix”. Si l’on oublie que l’un des noms de Dieu est Salam, on peut se méprendre dans une compréhension littérale perdant de vue l’injonction divine en l’occurrence de faire la paix avec soi, l’autre et le monde.
Mesdames, Messieurs,
En vérité, il y’a lieu de ne pas confondre les guerres à mener. Les juristes malikites au Maghreb ont réglé la question de la façon que nous savons. Il faut selon eux obéir à l’autorité qui respecte la pratique religieuse des citoyens et des assujettis à la loi divine. En ce sens l’autorité religieuse légitime, qui n’est pas aveuglée par le présent est celle qui autorise la paix civile et ne confond pas les conflits dans le monde spirituel et ceux du monde terrestre, afin de mieux chasser en soi la violence et d’éviter la guerre entre les hommes.
Il ne peut donc pas y avoir de vrais musulmans terroristes et criminels, l’islam condamnant les tueries des innocents. Tout homme qui consolide la paix est sous la bienveillance et la grâce de Dieu. Tout homme qui assassine et tue, au nom de Dieu, des frères et des sœurs, est un vulgaire criminel doublement fautif. La violence terroriste est ennemie de Dieu car elle est ennemie de la paix qui est le Nom de Dieu pour tous les musulmans de la terre. Les dogmes figés hors de l’histoire dont se prévalent de façon totalement illégitime les criminels sont des repères maintenus hors de la dialectique du sens du Coran et sa compréhension. C’est pourquoi ils produisent des systèmes figés, qui mènent inévitablement aux conflits de civilisations en niant le caractère profondément inclusif et fraternel de l’islam.
L’hérésie consiste donc à oublier le sens de l’étude et de l’humilité à la base de la pratique rituelle et ritualisée de l’islam menant à cette paix fraternelle et juste. La paix de l’islam nécessite un travail, un effort continu afin de mener l’humain à la profonde reconnaissance de pratiquer cette paix, en soi et hors de soi, comme étant le chemin divin et la voie de l’ouverture à l’autre comme éthique de vie pieuse. C’est en ce sens que nos sociétés trouveront la justice et la bienveillance garantes de la paix et de la sécurité dans le monde.
Mesdames, Messieurs,
Aujourd’hui, les pays du Sahel sont ravagés par une guerre implacable, qui est le fait de jeunes embrigadés au nom de l’islam et dont la violence cruelle a provoqué de milliers de morts et de centaines de milliers de déplacés voués à la précarité absolue, pour la plupart, ironie du sort, des musulmans. Il a pu arriver que des personnes aient été tuées en masse à l’intérieur de mosquées et cela même au cours du mois sacré de Ramadan. A-t-on vraiment besoin d’être particulièrement averti sur ces questions pour se rendre compte que ceux qui ont pu créer de tels monstres sont tout sauf des hommes ayant le moindre égard pour l’islam? En vérité, dans le Sahel plus qu’ailleurs la prévalence et l’instrumentalisation d’idées prétendument rigoristes masque difficilement ce qui n’est qu’une entreprise sordide d’enrichissement de personnes minoritaires abusant de l’ignorance d’une masse aliénée et vouée à leur merci.
Les jeunes incultes préposés à la violence dans notre région, qui pensent être au service de Dieu sont en réalité au service d’hommes cupides qui leur ont ordonné de voler le bétail des pauvres et d’imposer une dîme sur les plus pauvres appelée scandaleusement Zakat. Les régions du Mali, du Niger, du Burkina et du bassin du lac Tchad affectées par ce fléau du terrorisme se réclamant de l’islam connaissent de véritables drames humains sur fond de catastrophes économiques dont les effets marqueront pour longtemps les populations qui y vivent. Ce n’est pas un hasard si c’est au Sahel que les deux grands groupes terroristes internationaux que sont DAESH et AL QAEDA disposent d’épigones dont les emprises aléatoires sont appelées Provinces. Loin d’être révélateur de la viabilité des fausses doctrines sous-tendant leur projet, le phénomène est en train de prendre un tournant caricatural qui est révélateur de son impasse morale et politique. Si cet espace du Sahel est aujourd’hui le théâtre de ce drame, cela n’est tout simplement révélateur que du faible degré d’éducation des jeunes et de l’état de leur détresse sociale. C’est en tout cas loin d’être la preuve d’un quelconque succès de leurs doctrines criminelles.
C’est plutôt la paix qui est la vérité politique et spirituelle de l’islam. As salam est l’attribut de Dieu qui est répété journellement par le musulman. Tâchons alors par nos actes et nos paroles de pacifier le monde où la violence et la division sont des défis quotidiens pour le musulman authentique.
Je vous remercie pour votre écoute bienveillante et je vous prie de recevoir l’expression de toute ma volonté de fraternité, d’unité et de concorde.
Assalam aleïkoum.
Que la Paix soit sur vous, mes frères.