
Le 24 octobre 2025, la Charte des Nations Unies (ONU) célébrera son 80e anniversaire. Lorsque la Charte est entrée en vigueur, l’Assemblée Générale des Nations Unies (AGNU) comptait 51 États membres. Aujourd’hui, l’AGNU compte 193 États membres, parmi lesquels 134 se sont déclarés pays en développement sous la bannière du Groupe des 77 (G-77). La plupart des membres du G-77 sont communément appelés le Sud Global.
Les intérêts du Sud Global ont été intégrés dans l’activité principale de l’ONU entre 1964, lorsque le G-77 a été fondé, et 2015, lorsque l’AGNU a adopté son Agenda 2030 sur le Développement Durable, avec 17 Objectifs de Développement Durable (ODD). Les ODD représentent une approche holistique pour assurer un monde interconnecté, réunissant des priorités individuelles, sociales, économiques et environnementales, à mettre en œuvre dans un effort national à travers des flux de soutien de financements multilatéraux, de transferts de technologies, et de multiples partenariats entre les gouvernements, les entreprises, le milieu universitaire et la société civile.
Le Sommet de l’Avenir des Nations Unies, tenu en septembre 2024, a cherché à « réaffirmer notre engagement envers la coopération internationale fondée sur le respect du droit international, sans lequel nous ne pouvons ni gérer les risques ni saisir les opportunités qui se présentent à nous ». Cela s’applique d’abord et avant tout aux priorités de développement du Sud Global, qui est l’« objectif central du multilatéralisme ».
Le Pacte anodin pour l’Avenir, adopté par le Sommet de l’Avenir de l’ONU en septembre 2024, ne contenait aucun nouvel engagement sur la manière dont l’Agenda 2030 doit être mis en œuvre. Le sommet des Nations Unies sur les ODD, tenu en septembre 2023, avait attribué les défis de la mise en œuvre de l’Agenda 2030 principalement à une rupture de la coopération internationale sur la paix, la sécurité et le développement. Le silence du Pacte sur un objectif à échéance fixe pour la réforme de l’ONU et du Conseil de Sécurité (CSNU) jette une ombre sur l’avenir d’une coopération internationale constructive et équitable.
Consciente de cette ambivalence, l’Inde a pris l’initiative, au cours de sa Présidence du G-20 en 2023, de rassembler les pays du Sud Global pour soutenir le « multilatéralisme réformé » et un système efficace des Nations Unies. L’Inde a convoqué trois Sommets virtuels de la Voix du Sud Global (SVOSG) en Janvier et Novembre 2023, et en août 2024. Le thème du troisième SVOSG, auquel 123 pays ont participé, était « Un Sud Global Habilité pour un Avenir Durable ».
Les pays du Sud Global estimaient que le processus en cours à l’AGNU, lancé en 2008 pour réformer le Conseil de Sécurité des Nations unies, avait été excessivement retardé. Les questions communes qui ont émergé de ce Sommet, en plus des défis dans la mise en œuvre des ODD de l’Agenda 2030, comprenaient les préoccupations partagées concernant le changement climatique et l’application de nouvelles technologies, dont l’intelligence artificielle, qui ont un impact sur les pays en développement. Le Premier Ministre Indien Narendra Modi, en présidant le Sommet, a lancé un appel pour un Pacte Global de Développement.
Le Pacte Global de Développement proposé est confronté à un défi de taille de la part des pays développés. Lors de son intervention à l’AGNU le 7 octobre 2024, les États-Unis ont affirmé que le Pacte pour l’Avenir et ses annexes « ne créent ni ne modifient d’aucune autre façon aucun droit ou obligation en vertu du droit international ». Il a remis en question le concept de « développement comme droit inaliénable de l’homme ». Cela contredit la déclaration de l’AGNU sur le droit au développement adoptée en décembre 1986.
Le 80e anniversaire de la Charte des Nations Unies constitue un moment opportun pour que les pays du Sud Global intègrent dans la Charte des Nations Unies les questions priorisées par le processus du SVOSG, ancrées dans le droit au développement. En tant que traité international, la Charte contient une disposition spécifique de révision à l’article 109 qui doit être mise en œuvre dans un processus séquentiel en trois étapes. Dans la première étape, l’article 109 prévoit la convocation d’une « Conférence Générale » des États membres de l’ONU pour « examiner la présente Charte ». La décision de convoquer la Conférence Générale requiert une majorité des deux tiers à l’AGNU (129 sur 193 États membres) et 9 des 15 voix au CSNU (sans le veto du P5). Dans la deuxième étape, l’article 109 prévoit que les États membres de l’ONU participant à la Conférence Générale recommandent des amendements à la Charte des Nations Unies par « deux tiers des voix de la Conférence ». Dans la troisième étape, les amendements proposés à la Charte des Nations Unies entreraient en vigueur lorsqu’ils seraient ratifiés par deux tiers des membres de l’ONU, y compris le P5 du CSNU.
Ayant coordonné le processus du SVOSG, l’Inde est bien placée pour prendre l’initiative lors du 80e anniversaire des Nations Unies en 2025 d’appeler à la mise en œuvre de la première étape de l’article 109 de la Charte des Nations Unies par la convocation d’une Conférence Générale. Une discussion constructive dans le cadre d’une telle réunion, tenue à égalité entre les pays du Sud Global et les autres États membres de l’ONU, garantira que l’aube du Sud Global peut catalyser la renaissance et la réforme des Nations Unies au XXIe siècle.
L’Ambassadeur (à la retraite.) Asoke Mukerji a été représentant permanent de l’Inde auprès des Nations Unies à New York entre 2013 et 2015.
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Asoke Mukerji